Avant-hier, le Tribunal administratif déclarait recevables les recours présentés par les listes de «La Pétition populaire» (El Aridha) dans les cinq circonscriptions de Sidi Bouzid, Sfax, Jendouba, Kasserine et Tataouine invalidés par l'Isie, le 27 octobre, à l'annonce des résultats préliminaires des élections de la Constituante. Pourquoi ces listes ont-elles été invalidées, pris revalidées ? Retour sur la décision de l'Isie, le recours de «La Pétition» et le verdict du Tribunal administratif annulant la décision de l'Isie... Quand le 27 octobre dernier, le bureau central de l'Isie annonçait l'invalidation des listes de «La Pétition populaire» en préambule aux résultats préliminaires des élections de la Constituante, la grande salle du Palais des Congrès peuplée de plus d'observateurs, de représentants de partis que de journalistes oublia toute retenue devant ce qu'elle prit pour une décision historique de justice et d'équité contre une «supercherie électorale» appelée «El Aridha». Peu d'attention était alors accordée aux raisons de l'Isie et au vaste champ du contentieux électoral qui s'ouvrait en pré-condition aux résultats définitifs. Peu d'intérêt était alors voué aux terrains vierges de la procédure et la contre-procédure, de la jurisprudence et des infinis points de vue de l'interprétation des lois, domaines qui ne riment pas autant justice qu'avec légalité pure et dure. Invalidées pour usage de dépliants offerts par un privé... Les questions qui se posèrent dès lors étaient de savoir pourquoi avoir invalidé ces listes en particulier, en raison de quels manquements, et enfin pourquoi avoir attendu l'annonce des résultats pour le faire ? Questions auxquelles M. Mourad Ben Mouelli chargé des affaires juridiques de l'Isie, nous répondait quelques jours après: «Nous avons constaté des infractions chez plusieurs listes, mais de toute évidence, nous ne pouvions invalider que les listes gagnantes et celles à propos desquelles nos contrôleurs ont pu réunir des preuves comptables, dans les temps impartis et avec les moyens du bord qui sont les nôtres... Ce qui explique le choix de ces listes et le moment de leur invalidation.» Quant au fond et motif même de la décision de l'Isie, il revient (outre l'application de l'article 15 pour la circonscription de Marseille) simplement à l'application de l'article 52 du décret-loi n°35 et qui interdit le financement privé; par des personnes autres que les membres des listes indépendantes. Dans les circonscriptions où les listes de la pétition ont été invalidées, les contrôleurs de l'Isie ont pu apporter la preuve de ce financement consistant en dépliants de campagne offerts par une tierce partie. Car, alors que l'opinion se focalisait sur cette autre raison qui consiste en l'usage d'un média étranger «Al Mustaqilla» pour faire campagne, (motifs qui a servi de fond aux recours intentés auprès du Tribunal administratif par d'autres listes en l'occurrence celles de «Doustourouna» et celles du parti UPL), l'Isie s'est contentée de suivre le chemin le plus court et d'administrer ce qui devait être la preuve la plus simple... Revalidées pour preuves insuffisantes L'histoire ne sera pas aussi simplement considérée du côté du Tribunal administratif. Immédiatement saisi par cinq des listes invalidées de «La Pétition», il devait, au terme de ses plaidoiries et ses délibérations, déclarer avant-hier recevables les cinq recours, annulant ainsi la décision d'invalidation rendue par l'Isie et leur permettant de récupérer la somme de sept sièges à l'Assemblée constituante. (Le huitième siège, celui de la circonscription de France 2 dont l'invalidation a été confirmée par le Tribunal administratif a été attribué au PDP). Ce qui portera le nombre total des sièges d'«El Aridha» à 26 et placera ce mouvement dit indépendant en troisième position des représentations proportionnelles à la Constituante. Air de fête sur «Al Mustaqilla» et air chagrin ailleurs; partout en Tunisie où «La pétition» sera encore et toujours perçue comme «une entorse grave aux règles de la démocratie et du code de l'éthique électorale». Entre les deux antipodes, au nom du Tribunal administratif, le magistrat Riadh Rekik prend le ton froid et neutre des procéduriers. A ceux qui reprochent au tribunal d'avoir cédé à quelque pression, il répond que son instance a juste appliqué les termes de la légalité. «Les recours des listes d'«El Aridha» ont dû être acceptés parce que le dossier de l'Isie ne comporte pas suffisamment de preuves quant au financement privé des dépliants en question ni quant à leur usage pendant la période de campagne électorale en particulier, comme la loi l'interdit... Etant donné que le tribunal a la charge de contrôler la matérialité des faits et qu'il n'a pas trouvé les justificatifs indispensables à cela, il ne pouvait que rendre ce verdict... Du reste, cela n'a pas été aisé de trancher sur un dossier où justement rien n'était apprêté, sur lequel toutes les voix ont mis du temps et de l'effort à concorder, où seule la loi a fini par trancher là où l'opinion attendait tout autre chose...» Légalité ou justice? En attendant la notification, aujourd'hui, de sa décision et le détail plus fourni sur ses considérants, c'est tout ce qu'on saura à ce stade des raisons du Tribunal administratif quant à l'annulation de la décision de l'Isie et la revalidation de «La Pétition» dans les cinq circonscriptions où elle a été invalidée... Il reste à rappeler que ces recours représentent, à côté de celui grâce auquel le parti Ennahdha a pu récupérer un siège à Médenine, les six recours acceptés sur le fond et la forme sur un total de cent quatre dont a été saisi le Tribunal administratif et qui ont été rejetés pour vices de forme à majorité et vices de fond en moindre proportion. Les deux recours intentés contre «La Pétition» par les listes de «Doustourouna» et de l'UPL ont sacrifié à cette même loi; la première sur la forme et la seconde sur le fond. Peut-on pour autant affirmer que la justice donne raison à «El Aridha», ses subtilités, ses moyens de financement et ses stratégies, ou que toutes les affaires rejetées pour vice de forme sont passées à côté de la justice...? Nous y reviendrons.