Quand on l'a rencontré dans les locaux de CTV, la société qui le produit, il se reposait dans un coin retiré. Il venait de finir le découpage de son scénario. Toute l'équipe est sur le pied de guerre, puisque le premier tour de manivelle est prévu pour le 19 de ce mois. Nouri Bouzid semble préoccupé, même inquiet et tourmenté. C'est un état normal que tout artiste vit à la veille du démarrage d'une production. Depuis le temps que nous attendons que notre paysage culturel s'affranchisse, que nos artistes ne subissent plus autant de pression et de censure, voilà que Nouri Bouzid reprend son activité et sa créativité pour raconter une nouvelle histoire. Une histoire écrite sous une réalité (avant le 14 janvier) et revue et corrigée, selon les nouvelles perspectives de notre pays. «Ce scénario est né d'une rencontre avec Joumana Lymam, une jeune auteure tunisienne, lors du festival d'Alexandrie et nous avons été tous les deux étonnés par la quasi-généralisation du Hijab en Egypte. D'ailleurs, ce scénario a été écrit pour parler de l'Egypte, mais le projet n'a pas pu se faire. Alors, je l'ai adapté à la réalité tunisienne d'avant la révolution. Maintenant que le contexte a changé, le film sera plus ancré dans cette réalité nouvelle, vue et vécue par deux copines, une qu'on veut contraindre à porter le voile et la seconde qu'on voudrait contraindre à abandonner le voile», nous explique Nouri Bouzid. Deux filles qui résistent au diktat de la société, des conventions, du regard de l'autre et du patriarcat, le tout au beau milieu d'une révolution en marche, de mutation sociale et politique. Telle est l'histoire que nous raconte Nouri Bouzid, cinq ans après Making off, son dernier long métrage de fiction. Quant au casting, le réalisateur mise sur de nouvelles têtes, dont Bahram Aloui, Nour Mziou et Souhir Amara, sans qu'il n'oublie Lotfi Abdelli, avec lequel il renoue. Bouzid, dont les positions anti-intégristes ne sont un secret pour personne, affirme qu'il ne cèdera à aucune pression, qu'il exercera pleinement son droit à la liberté d'expression et qu'il ne se pliera à aucune forme de censure. Le 7e film de Nouri Bouzid, Mille feuilles, portera le titre arabe Ma n'moutech (Je ne mourrai pas), soit le titre d'une chanson qu'un accordéoniste aveugle (un personnage que le réalisateur campera) chante dans cette production. «Mon film, comme tous les précédents, dénonce les intolérances. Je persiste et je signe, donc», conclut-il. Asma Drissi