Une conférence de presse, organisée par l'Association tunisienne des femmes démocrate (Atfd), ayant pour thème «La violence à l'égard des femmes dans le champ public et politique», s'est tenue, hier, à l'espace El Teatro (El Mechtel). Y ont pris part un bon nombre de protagonistes de la société civile et de journalistes. La présidente de l'association, Ahlem Belhaj, a précisé que cette conférence vient en réponse à la vague de violences, d'actes de harcèlement et de pressions perpétrés, spécialement, à l'encontre des femmes (militantes ou pas) et qui a déferlé après le 14 janvier dans l'espace public et politique. «Nous voulons, à travers cette rencontre, tirer la sonnette d'alarme et condamner ces actes de violence et de violation qui visent directement les femmes», a-t-elle ajouté dans ce sens. Cette rencontre s'inscrit dans le cadre de la campagne internationale des 16 jours de mobilisation contre la violence à l'égard des femme, qui s'est ouverte le 25 novembre 2011 ( Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes) et qui se poursuit jusqu'au 10 décembre 2011 (Journée internationale des droits de l'Homme). Cette campagne vient rappeler que les violences faites aux femmes constituent une des violations des droits de l'homme les plus répandues dans tous les pays. Pour marquer cette occasion, les citoyens particuliers, les organisations et les institutions, partout dans le monde, sont tous appelés à organiser une manifestation spéciale durant cette période, afin de faire cesser les violences faites aux femmes. L'agression de Rjab Magri, un professeur de théâtre au Kef, quelques jours avant les élections de l'Assemblée constituante, une agression qui est restée impunie alors même que ce dernier connaissait l'identité de ses assaillants, l'agression de Ikbel Gharbi, nommée à la tête de Radio Zitouna et dont la nomination a été contestée dans la violence par certains des salariés de la radio religieuse, sans oublier les violences et autres actions de harcèlement perpétrées essentiellement contre des étudiantes et des enseignantes par les «salafistes» : voilà ce que certains médias (surtout virtuels) ont relaté ces derniers mois. Condamnés et contestés par certains, ces actes demeurent négligés, voire approuvés par d'autres. En réponse au mutisme, à la passivité des autorités actuelles, la défaillance et la partialité du système judiciaire, des associations telles que l'Atfd ont ressenti l'urgence et le besoin de condamner fortement ces actes qui restent impunis. On s'en prend à nos enseignants Présente lors de cette conférence, Fatma Jgham, activiste civile et enseignante en arts plastiques depuis 12 ans dans un lycée à la Cité Ettadhamen, est venue témoigner des attaques violentes et dangereuses dont elle a été la cible le 18 novembre dernier au sein même de l'établissement où elle enseigne. En effet, et comme elle l'a expliqué, elle a été agressée par des élèves «salafistes» qui ont déclaré que l'enseignement de l'art (Taswir) était proscrit par la religion (haram), avant d'être rejoints par leurs grands frères qui ont investi le lycée et qui ont violemment agressé l'enseignante en allant jusqu'à jeter dans sa direction des chaises! «Ce jour-là, ce n'est pas uniquement à mon amour-propre, mon intégrité professionnelle, ma liberté et mes convictions qu'on en voulait, mais c'est également à ma vie !», a affirmé cette dernière. Une tentative d'homicide, comme elle l'a souligné, qui est demeurée impunie, sans qu'il n'y ait aucune sanction ni de la part du ministère de l'Education ni d'aucune autre autorité. L'enseignante qui, depuis, n'a pas encore repris ses fonctions, subit jusqu'à aujourd'hui une campagne de hacèlement via les réseaux sociaux sur Internet. Fatma Jgham n'est pas la seule à avoir été touchée par cette déferlante de folles violences organisées et qui, selon la majorité des thèses, servent des intérêts politiques et des desseins anti révolutionnaires. «Est-ce un pur hasard que des attaques perpétrées ces derniers jours contre le corps enseignant de la faculté des Lettres de La Manouba coïncident avec les négociations politiques au sein de l'Assemblée constituante et les procès qui se sont tenus à Thala et Kasserine ?», s'interroge la présidente de l'Atfd dans un communiqué. Asma Saïdane Bacha, assistante à l'Ecole supérieure des arts et métiers de Kairouan, a presque subi le même sort le 21 novembre dernier. Suite aux contestations violentes du sujet d'un examen, jugé blasphématoire par certains de ses étudiants qui ont été épaulés par les étudiants d'un autre établissement, cette dernière a été évacuée en urgence de l'école par d'autres étudiants. Mme Raja Ben Slama, présente également, a parlé du rôle de l'Internet comme outil de propagande et comme support pour des campagnes diffamatoires organisées contre des militantes des droits de l'Homme. «Un outil virulent qui reste incontrôlable et qui, à coup de montages vidéos, de fausses accusations, n'épargne personne, comme ce fut le cas de Sana Ben Achour, de Bochra Bel Haj Hmida et d'autres encore», a-t-elle indiqué, avant d'ajouter : «Dans cette phase de transition que nous voulons démocratique, nous aspirons à un espace de dialogue et d'échange sain, sans violences et sans atteintes aux libertés individuelles». Ce manière générale, Mme Hayet Warteni, présidente du Centre d'écoute et d'orientation des femmes victimes de violence de l'Atfd, créé en 1993, a parlé des différents cas de violence rencontrés au centre. Elle cite par ailleurs la terrible expérience vécue par une des victimes (une femme qui a été visée suite à la mobilisation organisée à l'occasion du retour de Rached Ghannouchi en Tunisie), qui a été terrorisée et menacée à l'arme blanche par de sinistres individus... Aussi différents et effrayants que soient les témoignages, tous les présents sont tombés d'accord pour affirmer que ces attaques, qui se font de plus en plus systématiques contre des artistes et des militants de la sphère culturelle et de la société civile, bénéficient d'une connivence explicite de certains responsables médiatiques, du silence suspect des présents et futurs gouvernants et de l'indisponibilité générale des classes politiques et syndicales. «Ces actes, quelles que soient leurs sources et leurs aspirations, sont loin d'être des faits divers, comme l'ont insinué des membres du partis Ennahdha, et nous veillerons, à travers cette campagne des 16 jours, d'y faire face», a déclaré Mme Ahlem Belhaj. Au niveau de la pratique, et outre les campagnes de sensibilisation et autres communiqués de condamnation, la présidente de l'Atfd et certaines militantes ont parlé de projets concrets, tels que l'instauration d'un groupe d'actions judiciaires ou la création d'une charte contre la violence qui viendraient sanctionner ces actes et assurer la sécurité et la liberté des femmes.