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Chronique d'un citoyen dans la bourrasque de la transition
Publié dans La Presse de Tunisie le 06 - 12 - 2011


Par Kamel ESSOUSSI
Il se complaisait dans la béatitude, admiratif de ce peuple uni qui avait chassé le dictateur avec le moins de casse possible. Il passait des journées entières, scotché derrière son poste télé à découvrir les plus illustres de ses concitoyens percutants et intelligents réduits au silence 23 ans durant. Il s'amusait de voir débarquer de l'étranger les autres illuminés turbulents enturbannés aux idées bizarres. Son excitation était à son comble. Il remuait, s'agitait dans tous les sens, s'investissait au-delà des limites physiques jusqu'à l'épuisement et respirait à pleins poumons cette bourrasque de libertés qui soufflait si fort à en perdre sa respiration. C'était au mois de janvier et il renaissait
Il buvait son café du matin tranquille sur la terrasse de l'Avenue avec ses collègues lorsque son portable sonna. C'était le Ministre en personne qui ne le connaissait pas auparavant, sinon par un topo sur quelques pistes de réflexion pour améliorer le secteur. Il lui confiait la tâche d'aller sonder à Genève auprès des instances internationales les dernières directives en la matière. Le voilà quelques jours plus tard habillé de son plus beau costard au Palais des nations à déambuler libre dans des couloirs bondés de représentants de tous les pays de la planète et installé le temps des séances plénières sur le pupitre de son pays à écouter les interventions ennuyeuses des pays encore sous dictature, discours lissés à flatter leurs politiques et versant dans la langue de bois qui lui semblait si bizarre en ce moment bien que ses oreilles en aient été polluées 23 ans durant. Il décida alors d'agir, rata la séance matinale du lendemain et s'en alla dans un coin rédiger son discours de dix minutes, protocole exige, qu'il fit sortir du fond des tripes, libre qu'il est et sans consignes aucunes, sur la situation de son pays qu'il réapprit à aimer et sa révolution dont il était si fier. Lorsqu'il prit la parole devant les délégués de 187 pays, il ne pensait pas à la réaction des autres. Son seul souci était d'essayer de communiquer pour expliquer, sans le dire, que ce qu'avait accompli ce petit peuple minuscule était gigantesque planétairement. Il est vrai que le sujet sur la pauvreté et la justice sociale s'y prêtait. Lorsqu'il conclut par les remerciements d'usage, il n'avait même pas écouté l'ovation debout de toute la salle. Tout ce dont il se rappelle, c'est l'interruption de la séance pour quelques minutes à cause de l'agitation qu'il a créée à recevoir les félicitations de tous les autres délégués qui se déplaçaient qui pour l'embrasser, qui pour le féliciter, qui pour lui dire qu'ils sont émus, qui encore curieux de savoir où en est- on dans ce pays, lui affirmaient qu'ils ont confiance dans l'avenir de ce peuple.... La gorge nouée d'émotion, il quitta cette effervescence de la salle, s'isola dans un petit coin discret de l'immense hall d'entrée et commença à chialer comme un môme, probablement envahi par un sentiment bizarre où tout se mêlait : l'émotion, la fierté d'appartenir à ce peuple, l'ivresse de liberté et le brin de narcissisme qui le caractérisait. C'était au mois de juin et il travaillait.
Il s'est réveillé tôt la mine radieuse, enfila son jean du dimanche et alla au café rencontrer ses copains où ils s'étaient donné rencard pour radoter sur leurs pronostics de la journée, partagés entre la crainte d'une Tunisie qui risquait de s' « afghaniser » quelques heures plus tard et l'espoir qu'elle puisse s'affranchir et se « finlandiser » dans quelques années. Il accompagna ensuite sa femme qu'il trouvait ce jour là soudainement ravissante plus que la normale pour accomplir le geste qu'il avait attendu trop longtemps, toute sa vie même. La file trop longue de citoyens heureux, tous yeux pétillants de joie, ne le rebutait pas du tout. C'est enfin quatre heures plus tard qu'il exhibait son index encré de bleu et se permettait même le luxe de «facebooker» jusqu'à minuit, rassuré que ses concitoyens, ses amis, ses enfants, ses frères et sœurs, nièces et parentes avaient fait le bon choix. C'était le 23 octobre et il votait
Il restait des heures prostré dans son bureau, abattu, les yeux hagards avec l'impression que le navire Tunisie est abandonné à son sort. Il a beau essayer de se dire que tout allait se rétablir et essayait de positiver puis d'oublier. Rien n'y fait. Il ruminait et digérait très mal les évènements qui se précipitaient. Gafsa brûlait, Sidi Bouzid s'enflammait, des zones industrielles entières paralysées, les frontières insuffisamment sécurisées, les sonnettes d'alarme de la Banque centrale assourdissaient, la drogue et les armes fleurissaient, les défenestrations de nos filles abondaient, les facultés divisées violées, violentées prises en otage par des voilées puis fermées. Une économie en déconfiture. Tout un peuple qui se meurt. Quelques jours auparavant, la vieille garde au pouvoir de Beji Caïd Essebsi avait subtilement et précipitamment jeté l'éponge et semblait volontairement vouloir fonctionner en veilleuse. Pendant ce temps, les élus de la Constituante, nos gouvernants tout neufs, tout beaux, s'étaient enfermés dans leur palais et semblaient ignorer ce qui se passait, s'éternisant à se chamailler sur des postes ministériels, s'exhibant en bombant le torse dans des brèves apparitions juste pour nous affirmer que la démocratie est en marche, manifestement déconnectés de la gronde du million de chômeurs, semblant ignorer la paupérisation croissante du quart de la population, se désintéressant de l'enfoncement dans l'analphabétisme de 2 millions de leurs compatriotes et ne prenant même pas la peine de lire les rapports internationaux sur la corruption rampante, pire que sous Ben Ali. Sur le parvis de ce même palais, le peuple uni dans l'allégresse onze mois en arrière rouspète divisé en deux tendances ennemies, séparées des deux côtés de la route par un cordon de policiers, chacune campant sur son trottoir en se jetant des invectives et des insultes au- dessus des toits des voitures et des taxis qui continuaient à circuler au milieu sans broncher. C'est aujourd'hui et il déprime.


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