• Au moins 55 morts et 160 blessés, dont certains dans un état critique • Attaque la plus meurtrière dans la capitale afghane depuis 2008 et l'une des plus spectaculaires depuis la chute du régime des talibans, fin 2001 KABOUL (Reuters) — Un jour après les assurances de soutien à long terme données à l'Afghanistan par ses alliés occidentaux, 55 personnes ont péri dans un attentat-suicide perpétré hier devant un sanctuaire chiite de Kaboul où était célébrée la fête de l'Achoura. Il s'agit de l'attaque la plus meurtrière dans la capitale afghane depuis 2008 et l'une des plus spectaculaires depuis la chute du régime des talibans, fin 2001. Le mouvement islamiste a nié toute responsabilité dans l'attentat. On déplore au moins 55 morts et 160 blessés, dont certains sont dans un état critique. Corps et flaques de sang étaient visibles dans une rue du vieux Kaboul où plusieurs centaines de personnes s'étaient rassemblées pour l'Achoura. Lundi, les puissances occidentales réunies à Bonn, en Allemagne, pour une conférence internationale sur l'avenir de l'Afghanistan se sont engagées à soutenir le pays longtemps après le retrait de leurs troupes de combat prévu fin 2014. «C'est la première fois en Afghanistan qu'un terrorisme de cette nature se manifeste en un jour aussi important pour les fidèles», a déclaré le président afghan Hamid Karzaï à des journalistes à Berlin aux côtés de la chancelière Angela Merkel. Devant un hôpital du centre de Kaboul, des personnes sanglotaient près d'un amas de vêtements ensanglantés. Une femme voilée, tenant à la main une chaussure de sport maculée de sang, a dit que son fils, âgé d'une vingtaine d'années, avait péri dans l'explosion. «Ils ont tué mon fils (...) Cette chaussure est à lui», a-t-elle confié en pleurant Le ministère de l'Intérieur a mis en cause «les talibans et les terroristes». Les insurgés ont condamné l'attentat en l'attribuant à des «ennemis envahisseurs». Tensions et violences opposent depuis longtemps les sunnites afghans à la minorité chiite du pays. Mais depuis l'éviction des talibans de Kaboul en 2001, le pays a échappé aux attaques de type confessionnel qui secouent le Pakistan voisin. L'attentat, perpétré à midi en plein quartier historique de Kaboul, paraît constituer une première, note Kate Clark, d'Analysts Network. «L'Afghanistan est en guerre depuis 30 ans et des choses terribles se sont produites, mais jusqu'ici les Afghans semblaient être épargnés par les attaques de type confessionnel,dit-elle. Nous ne savons pas encore qui a placé la bombe et il est dangereux de tirer des conclusions hâtives, mais s'il s'avérait que l'attaque a été commise par les talibans, la situation serait grave, dangereuse et extrêmement troublante». Mohammad Mohaqiq, dirigeant et député chiite, a exhorté les Afghans à réagir «avec prudence et intelligence» à un attentat dont les observateurs jugent possible qu'il ait eu pour but d'attiser les antagonismes ethniques, et donc de contrarier les efforts pour un règlement négocié du conflit intérieur. «C'est un fait très rare, sinon le premier du genre, et à mes yeux cela ressemble au travail des alliés d'Al Qaïda qui cherchent à perturber tout processus de réconciliation entre les talibans et le gouvernement», dit Kamran Bokhari, du centre d'études stratégiques Stratfor. «De leur point de vue, le moyen d'y parvenir est d'exploiter ces lignes de faille préexistantes», ajoute-t-il. Un second attentat au nord Peu après l'attentat de Kaboul, une bombe placée sur une bicyclette explosait près de la mosquée principale deMazar-i-Sharif, dans le nord du pays, faisant quatre morts, dont un soldat afghan, et 17 blessés, et déclenchant une bagarre dans une mosquée universitaire où priaient des chiites et des sunnites. «Des ennemis ont pris pour cible la procession qui prenait part aux prières, mais ils ont échoué en raison d'un strict dispositif de sécurité», a dit à Reuters l'inspecteur de police en chef de la ville, Abdul Raoof Taj. Quatre personnes ont été blessées dans la rixe à la mosquée. La police a ensuite désamorcé une mine découverte près du lieu de l'explosion et sans doute dirigée contre les secouristes et les membres des forces de sécurité qui s'occupaient des victimes de la bombe. Dans le sud du pays, deux policiers et trois civils ont été blessés par l'explosion prématurée d'une bombe sur une motocyclette à Kandahar, mais il n'y a pas eu de mort. «Nous ne pouvons pas dire avec certitude quelle était la cible, mais c'était probablement (les cérémonies de) l'Achoura», a dit le chef de la police de Kandahar, Abdul Raziq. Les forces de l'Otan en Afghanistan, les Nations unies et l'ambassade des Etats-Unis ont condamné les derniers attentats. La fête de l'Achoura, la plus importante du calendrier chiite, commémore le massacre de l'imam Hussein, petit-fils du Prophète, et de 72 membres de sa famille en l'an 680 durant la bataille de Kerbala, en Irak. Elle donne lieu à de grandes processions dont les participants sont très vulnérables aux attentats.