De notre envoyé spécial à Durban Chokri BEN NESSIR C'est le dernier effort pour contourner la pierre d'achoppement sur laquelle buttent depuis une semaine les négociations sur la deuxième période du Protocole de Kyoto et sur le sort à réserver au Fonds vert pour le climat. Le segment de haut niveau de la XVIIe Conférence des Nations unies sur les changements climatiques a vu défiler présidents, princes, Premiers ministres et bien d'autres dignitaires. Et pour cause : si tout le monde est d'accord sur la gravité des effets des changements climatiques et de la responsabilité qui en découle, les actions pratiques à mettre en œuvre et les mécanismes à déployer, notamment en ce qui concerne l'après-Kyoto, ne font pas encore l'unanimité. Pourtant, c'est de l'avenir de la planète qu'il s'agit. Le président de la République de l'Afrique du Sud, Jacob Zuma, et le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, ont présidé hier à Durban l'ouverture des travaux du segment de haut niveau de la XVIIe Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques. Se sont également succédé à la tribune le président gabonais Ali Bongo Ondimba, le président de Nauru, Sprent Dabwido, le prince Albert II de Monaco, le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi, le Premier ministre sénégalais, Souleymane Ndéné Ndiaye, le Premier ministre de la République de l'Afrique Centrale, Faustin Touadera. Plus de cent autres ministres et ambassadeurs auront l'opportunité de plaidoyer en faveur des questions sensibles en rapport avec les changements climatiques. Elever à un niveau aussi important la représentativité des pays participant à cette conférence a été un grand défi pour la République de l'Afrique du Sud, qui tient à ce que le sommet de Durban inaugure une nouvelle page de l'histoire des stratégies climatiques. Surtout que le Protocole de Kyoto, qui arrive à son terme, créera un vide incommensurable si les parties ne trouvent pas à Durban non seulement une alternative, mais aussi un nouveau régime international, contraignant, juste et équitable, pour l'après-2012. Franc et réaliste, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a indiqué, à ce propos, qu'il est indispensable de «faire des progrès à Durban». «Aucune des incertitudes ne doit nous empêcher de faire des progrès. Nous pouvons et nous devons réussir, car l'avenir de notre planète est en jeu», a-t-il asséné. «Le carbone est à son niveau le plus élevé. Les émissions doivent être diminuées de moitié d'ici 2050. Nous sommes à un point de non-retour et il faut éviter d'en faire trop», a-t-il souligné, faisant allusion à la réticence de certains pays à donner un nouveau souffle au Protocole de Kyoto. «C'est le meilleur outil dont nous disposons. Il ne suffit pas peut-être, mais il fournit un cadre idoine. C'est pourquoi il faut envisager une deuxième période du Protocole de Kyoto ici même à Durban», a affirmé Ban Ki-moon. « J'ai vu les glaciers fondre, le niveau de la mer augmenter, les îles menacées, les forêts diminuer, les déserts avancer et, partout où je vais, les populations demandent l'aide, l'assistance et le soutien des Nations unies», a ajouté Ban Ki-Moon. «C'est maintenant qu'il faut agir et ce n'est pas la première fois qu'on fait face aux sceptiques» a-t-il encore dit. «Nous devons contrôler ces changements climatiques, protéger les vulnérables et préparer un future prévisible»... Il a, dans ce sens, exhorté les délégations à mettre en perspective une vision collective, celle qui consiste à migrer vers un «régime climatique plus robuste». Le temps presse «Le temps presse et le reste du monde n'attend que nous. Essayons de trouver notre inspiration dans les individus qui souffrent des conséquences des changements climatiques et faisons de Durban une référence en matière de politique climatique», a-t-il rappelé. Evoquant l'épineuse question du Fonds vert pour le climat, le secrétaire général des Nations unies a clairement demandé aux pays de trouver des solutions novatrices et d'y injecter de l'argent pour qu'il puisse fonctionner. «Je m'attends à beaucoup de résultats et à des progrès pratiques sur le court et le long termes», a-t-il conclu, avec une note d'optimisme. Pour sa part, Jacob Zuma a souligné que «ce problème mondial requiert une solution globale». «C'est d'ailleurs en respectant les engagements internationaux, ces principes qui ont été formulés au fil des ans, que nous serons en mesure de réagir de manière crédible aux changements climatiques», a-t-il fait valoir. Il a formé le vœu de voir «les conclusions finales respecter ces principes et que les parties soient prêtes à oublier les intérêts nationaux étriqués en faveur de l'intérêt universel». «Durban représente un moment important quant à l'avenir du Protocole de Kyoto et, si on ne trouve pas de réponse à cette question, les conclusions sur les questions diverses n'auront pas de sens important», a-t-il souligné, tout en exhortant les différentes parties à s'engager dans un processus qui inclura les règles de comparativité pour les pays faisant déjà partie du cadre du Protocole de Kyoto et ceux encore en dehors de ce protocole, a-t-il indiqué. Jacob Zuma, qui a passé en revue les différents enjeux de cette conférence, en l'occurrence le nécessaire accord sur l'adaptation, sur le financement, sur le renforcement des capacités des pays vulnérables, mais qui a aussi tracé les contours du type de processus requis et du calendrier à mettre en place pour que ce système concrétise les objectifs assignés au plus tard à l'horizon 2020, a affirmé ceci : «La terre est en danger et il faut la sauver». Avant de poursuivre : «Nous ne devons pas hésiter à prendre les décisions qui s'imposent et je suis certain que, dans le cadre de la conférence de Durban, la solution se lit sur vos visages et je ne pense pas que vous allez décevoir les citoyens du monde». Dans le même sillage, la présidente de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, Mme Maite Nkoana-Mashabane, a exhorté les ministres à surmonter les écueils et à faciliter les solutions. «Collectivement, nous pouvons faire ce travail et sauver notre monde aujourd'hui. En tant que facilitatrice, je vais vous aider à trouver des solutions justes et équilibrées. Mais, pour y parvenir, les délégations devront parler entre elles et non contre elles. Vos directives, votre sagesse et votre appui, donneront à coup sûr les assurances de pouvoir travailler dans un climat de confiance et de sérénité», a-t-elle déclaré aux ministres présents. Pour sa part, Ali Bongo, président du Gabon, a souligné que chaque jour d'inaction se transforme en dégâts et provoque une nouvelle source d'inquiétude pour les pays africains. «La lutte contre les changements climatiques n'est plus un choix», a-t-il affirmé. «L'Afrique a vu naître l'humanité, et Durban ne doit pas être le cimetière des espoirs des pays vulnérables. Il faut s'ancrer dans une nouvelle période d'engagements», a affirmé le président gabonais. Enfin, le Premier ministre éthiopien, Meles Zinawi, qui s'est déclaré «déçu» de voir les engagements financiers pris à Copenhague non tenus, a indiqué que la réunion doit aboutir à des «suggestions concrètes», pour cela, il faut continuer à «être optimistes et réalistes» et ne pas donner raison aux «oiseaux de mauvais augure qui planent pour dire que la conférence de Durban serait un mort-né».