... ou voilà comment on transforme une victoire promise en défaite douloureuse. Etre journaliste n'est pas un métier de tout repos. C'est que nous nous adressons la plupart du temps à des supporters, à des inconditionnels, parfois même à des fanatiques qui ne jurent que par leur équipe, leurs couleurs, leurs joueurs. La critique devient de ce fait un acte d'équilibrisme, un crime de lèse-majesté, une attaque personnelle, une... insulte. Pourtant, avant le départ des «Sang et Or» pour le Japon, nous avions plein de choses à dire à l'entraîneur et aux joueurs. Nous aurions voulu les mettre en garde contre un excès de prétention; nous voulions à la limite leur dire de ne pas lire une certaine presse qui voyait déjà le coach au Golfe à entraîner un club et à rafler des milliards; les joueurs un peu partout ailleurs —mais pas en Tunisie— à monnayer leur talent... Et plein de petits autres détails qui ont fait... qu'Al Sadd s'impose à l'Espérance. Rumeurs tantôt nourries par le coach et ses joueurs, par ceux qui croient «faire du bien à ces mêmes joueurs»; tantôt par des agents véreux qui font monter les enchères, qui n'ont rien de consistant à offrir à ces mêmes joueurs mais qui veulent se retrouver en position de force au moment de renégocier les contrats avec des clubs surendettés et des joueurs surcotés, tant sur le plan technique que financier. Puis maintenant que tout est fini, nous aimerions voir où partiront les «stars» de l'Espérance, dans quels clubs et avec quels salaires (par rapport aux clubs qui comptent et par rapport aux salaires pratiqués en Europe). Franchement, nous avons la rage car l'Espérance n' a pas perdu face à Al Sodd pour des raisons techniques, tactiques ou physiques. L'Espérance a perdu sur le plan mental. Délit de prétention face à des adversaires qui avaient pourtant toutes les raisons de l'être : Belhaj, Kader Keïta et Niang, pour ne citer que ceux-là étaient déjà des stars avant de débarquer à Qatar. Ils le sont encore plus aujourd'hui et de l'argent ils en ont gagné et ils en gagnent encore beaucoup. Humilité Cela n'a pas empêché tout ce beau monde de faire preuve d'une grande humilité. Dans l'essentiel, soit le jeu. L'Espérance, ils respectent. Bloc, contres et même profil bas quand il le faut. Au même moment, l'Espérance faisait le show. A la Barcelone qu'ils ne rencontreront pas, oubliant au passage un autre point essentiel: le Barça, c'est évidemment des individualités, des monstres sacrés, de véritables stars consacrées mais toujours au service du collectif. Leur force, ça a toujours été cela et, encore avant-hier, ils s'en sont sortis face à un Real, très agressif et qui en voulait, grâce justement à leur collectif, à leur solidarité et à leur… humilité. L'idéal aurait été que l'Espérance réussisse à aller jusqu'au bout de ses intentions qui étaient pourtant bonnes au départ. Avec une défense haute, un pressing haut et un jeu presqu'aérien, les «Sang et Or» ont commencé par impressionner tout le monde. Y compris leurs adversaires. Hichri a parlé d'une occasion-tournant, cette balle de N'Djeng qui va s'écraser à la base du poteau gauche du gardien qatari (18'). Ce qu'il dit n'est pas faux, pour peu que les coéquipiers du Camerounais remettaient le cœur à l'ouvrage, l'ouvrage à l'humilité, repartir dans le jeu, le vrai et pas dans le show. Comme un boxeur, Al Sodd était un peu groggy mais loin d'être K.O. Bon encaisseuse, cette équipe, au contraire d'une légende toute tunisienne qui veut que les formations du Golfe soient fragiles. Légende qui nous a joué de bien mauvais tours. Rappelez-vous Tunisie-Arabie Saoudite lors de la Coupe du monde 2006. Coaching et banc En alignant pour la première fois Coulibaly à droite, le coach de l'EST avait marqué le début d'une ère plus prudente. C'est pourtant Afful qui a été le grand bonhomme de la finale continentale remportée face au WAC. Par ailleurs, Korbi sur le banc n'a pas été la meilleure idée, même s'il paraît que le courant ne passe plus entre le joueur et le club pour une question de contrat et de contact avec un club étranger (la communication n'a jamais été le point fort de nos clubs qui multiplient les points de presse pour ne rien dire!). Mouelhi a bien fait son boulot, mais il n'y avait personne pour «casser le jeu» de l'adversaire. Avec la petite prestation de Darragi, de Traoui et la disparition de M'sakni au bout de trente minutes de jeu, c'est tout le dispositif qui était alors à la limite de la rupture. N'Djeng non plus n'a pas été transcendant, alors que Bouazzi s'est un peu dispersé à vouloir tout faire à la fois. Ce qui pose la question du banc et de sa valeur en nombre et en qualité. Aucun remplaçant hier matin n'était en mesure de renverser la tendance, même si Ayari… oui, mais lui, on le connaît, ce n'est pas le joueur d'un match en entier. Pourtant, c'était à la portée et c'est ce qui nous énerve. Barcelone, les joueurs de l'Espérance la regarderont encore jouer à la télé !