La plasticienne tunisienne Sadika Keskes, sollicitée pour la réalisation d'œuvres d'art permanentes L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a installé, en son siège à Rome, le Centre international multimedia (Cheikh Zayed Centre). Sur un projet architectural de Marco Felici , les responsables ont fait appel à l'artiste plasticienne Sadika Keskes pour la réalisation d'œuvres d'art permanentes dans l'enceinte du centre qui sera bientôt inauguré par l'émir des Emirats Arabes Unis, le directeur général de la FAO et le gotha des personnalités affectées à Rome. Le siège de la FAO est situé dans l'antique cité de Rome, entre le Colisée, le Circo Massimo et les Thermes de Caracalla. C'est un bâtiment qui jurerait presque avec son environnement, un immense bloc sans charme particulier, conçu à l'époque mussolinienne, par l'architecte Ridolfi. L'immense immeuble devait abriter le ministère des Colonies italiennes, la FAO s'y est installée en 1952. Une architecture rationaliste (utilitaire, proche du réalisme socialiste) qui accueille des milliers de fonctionnaires venus de 192 pays. «Pendant les grandes assemblées, l'organisation reçoit plus de 1.500 journalistes», indique M. Abdelmajid Chaâr, directeur de la communication, vieux routier de la FAO et pilote de plusieurs projets d'envergure, dont le Centre Multimedia Cheikh Zayed, fin prêt, en cours d'inauguration. Le projet Multimédia Le rôle de la FAO est d'arriver à affranchir l'homme de la faim, son plaidoyer est de mobiliser et sensibiliser les opinions publiques. «Pour arriver à garantir une sensibilisation efficace, il faut une communication à la hauteur de la mission. Aussi la nécessité de créer un centre de très haute technologie s'est-elle imposée d'elle-même. Dans le but de rendre hommage à Cheikh Zayed, la famille régnante aux Emirats a fait un don de l'ordre de 7 millions de dollars», indique M. Chaâr. Marco Felici, l'architecte choisi pour la conception du Centre, a réalisé beaucoup de projets, il a travaillé notamment aux Etats-Unis, en Tunisie (Tunis City), il collabore avec Aïda Lubaki (architecte connue, attitrée de la FAO). Sur le Centre Multimedia , il a choisi trois matériaux, le verre, l'acier et le bois. Un studio live, des salles de séminaires de 156 sièges, un podium de 10 sièges, une régie en verre… Soit une ambiance de ruche de travail du dehors et une atmosphère d'intimité à l'intérieur. Abrégeons : un style contemporain baigné dans les couleurs des pixels (rouge, vert et bleu). Le centre est entouré d'eau, d'un jardin qui sert d'espace-lounge pour les journalistes et qui donne sur les Thermes de Caracalla dont on voit l'admirable site et les colonnes colossales : une rencontre tangible entre l'antique et le contemporain. Une installation à caractère universel Sadika Késkès n'est pas inconnue du sérail artistique; formée au métier du verre à Murano, près de Venise, elle construit son propre four, commence à produire ses premiers objets, réintroduisant ainsi le travail du verre soufflé abandonné depuis le XIVe siècle. Elle a réalisé des sculptures à partir de thèmes soit fictifs (Petit catalogue des nations barbares) soit mythologiques (Les Voiliers du temps), où le verre joue avec le fer ou, intégré à des panneaux de plus vastes proportions, avec l'aluminium. Sadika cherche à mieux mettre le verre en situation en le confrontant aux éléments naturels. C'est ce qu'illustrent ses constructions en cubes de verre soufflé, en particulier sa sculpture fontaine intitulée le Partage des eaux. Son projet au Centre Multimédia de la FAO renferme trois parties intitulées Passages, Palmeraies et Arbres de vie. Passages est une interprétation du bien-fondé du centre résumé par «Donnez-moi une agriculture, je vous garantis une civilisation.» (Sheikh Zayed). La porte d'entrée comprend des panneaux de fer remplis de verre soufflé coloré, de près de 3 m de longueur sur 3m de hauteur, sur lesquels Sadika a traduit le texte de Sheikh Zayed en lettres calligraphiées ajourées, dans les langues vivantes et antiques telles les hiéroglyphes pour qu'il prenne une dimension universelle. S'agissant de Palmeraies, au pied du bâtiment, l'architecte y a prévu la présence de l'eau; Sadika a installé une fresque réalisée en fer forgée et en pâte de verre. Au-dessus des oiseaux en vol, énergiques, les ailes déployées à la découverte du ciel .Les plaques de verre couvrent en partie la façade et sont installées à trois mètres du sol. La palmeraie, imaginaire et stylisée, renvoie à toute une histoire. Le palmier étant considéré comme un élément divin, principalement par les religions monothéistes; la Bible en fait une métaphore du juste « Les justes croissent comme le palmier, ils s'élèvent comme le cèdre du Liban». Commentant un Hadith, Ibn Arabi dit « De cet excédent (le levain et l'argile dont a été fait Adam) Allah créa le palmier qui fut ainsi la sœur (le palmier est féminin en arabe) d'Adam. ». Arbres de vie est une frise placée sur le podium composée de cinq arbres stylisés en bronze. L'arborescence par où coule la sève de la vie et l'action de la FAO, qui irrigue les projets en faveur de l'agriculture et l'alimentation, des arbres comme illustration du texte inscrit à l'entrée du bâtiment Fiat panis ( du pain pour tous). Dehors, Rome baigne sous un soleil resplendissant et un ciel clair, Sadika Késkès, pas peu fière de son projet, écrasée par les éloges, est sur un nuage.