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Le sixième califat et le dindon de la farce Par Rafik BEN HASSINE
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 12 - 2011


Par Rafik BEN HASSINE
«Voir les choses en farce est le seul moyen de ne pas les voir en noir. Rions pour ne pas pleurer.» (Gustave Flaubert)
Rappelons que le califat a été institué après la mort du Prophète. Le titre de calife (khalifa) ou «successeur du Prophète», ayant rapidement été attribué au chef de la communauté musulmane, se double à l'origine de ceux d'amir al-mouminin, «commandeur des croyants», et d'imam. Le contenu même de sa fonction le justifiait : maintenir l'unité du monde islamique, assurer sa défense et son extension, préserver le dogme contre toute innovation, veiller au respect de la Loi, gouverner et administrer l'empire.
L'Islam n'a prescrit ni calife ni califat
Le calife est littéralement le vicaire du Prophète Mouhammad, mais il n'y a aucun texte religieux (Coran et Sunna) pour définir clairement qui aurait le droit de lui succéder, ni quelles seraient ses prérogatives (fonctions religieuses et politico-militaires). Dans la doctrine sunnite classique, bien résumée par Ibn Khaldoun, l'islam est autant dîn (religion) que dunya (sphère temporelle). Le calife est donc détenteur des deux pouvoirs, qui restent cependant distincts tant par la nature que par la finalité. Le pouvoir politique aurait un fondement rationnel, bien que toujours illuminé comme il se doit par la foi, et des finalités terrestres, que l'on peut résumer par le binôme justice et bien commun. Le pouvoir religieux dépend, par contre, exclusivement des sources canoniques, et dans ce domaine, le calife doit se limiter à sauvegarder ce qu'elles contiennent.
Mais au-delà de ses fonctions, ce qui compte vraiment, c'est peut-être sa signification symbolique de représentant de l'unité de la Oumma, car un exercice effectif du pouvoir n'a pas toujours correspondu au cours de l'histoire à la présence nominale du califat.
Pour les islamistes d'aujourd'hui, son abolition est seulement une conjoncture historique et ne peut en aucune façon être considérée irréversible. En fait, à partir de 1924 jusqu'à nos jours, de nombreux penseurs musulmans se sont exercés à élaborer des théories qui rendraient compte de sa vacance. Les positions qui se sont développées dans ce débat sont principalement au nombre de trois : la première, qui a son origine dans la position du juriste Ali Abd Al-Razzâq, postule que le califat ne trouve pas une justification légale dans les textes fondateurs et n'est donc pas nécessaire à l'Islam ; la deuxième, inspirée de la thèse de Abd Al-Razzaq Sanhoury, considère que dans le monde contemporain, le califat doit assumer la forme d'une «société des nations orientales» ; la troisième, celle des islamistes, voit dans la restauration du califat la possibilité d'instituer un authentique Etat islamique, et retient que le califat doit être restauré selon le paradigme médinois sur le modèle des quatre premiers califes, ceux qu'on nomme les bien guidés (rashidoun).
Bref rappel historique
L'histoire du califat regroupe, dans un premier temps, les quatre premiers califes, Abou Bakr (632-634), Omar (634-644), Othman (644-656) et Ali (656-661), sous la désignation de califes «bien guidés» ou «orthodoxes». Lorsque le Prophète meurt en 632, les rivalités de clans renaissent avec une violence inouïe. Un notable mecquois, Abou Bakr, l'un des premiers compagnons du Prophète et père d'Aïcha, sa jeune épouse, est élu successeur du Prophète (calife). A sa mort en 634, c'est encore un Mecquois d'un clan puissant, Omar Ibn Al-Khattab – père de Hafsa, autre épouse du Prophète – qui est choisi comme calife. Il sera assassiné en 644. Le troisième calife, Othman, est lui aussi un très riche Mecquois appartenant à la noble famille des Banou Oumayya et ayant épousé, successivement, deux des filles du Prophète. D'un âge avancé, il favorise outrageusement les gens de son clan. Il meurt lui aussi assassiné ; sa fin sanglante ouvre une période de discorde et de guerre civile qui déchire la communauté musulmane. Les Médinois portent au pouvoir Ali. Pendant cinq ans, son califat connaît la guerre civile ; il doit affronter la vengeance tribale de Moâwiya, gouverneur de Damas, l'un des parents du calife assassiné. Ali meurt en 661 d'un coup d'épée empoisonnée porté par un kharéjite, à la sortie de la mosquée de la ville de Kufa. Ainsi, durant ce premier âge d'or du califat, trois califes sur quatre meurent assassinés.
Moâwiya rend alors le califat héréditaire et forme la dynastie des Omeyyades. Le cœur de l'empire se déplace à Damas. En 750, Aboul-Abbas As-Saffah renverse Marwan II et massacre la quasi-totalité de la famille du calife omeyyade. Ainsi, le second califat finit dans le sang. Les survivants du massacre se réfugient en Espagne où ils fondent le califat omeyyade de Cordoue (929-1031).
Le califat des Abbassides (750-1258) se met en place et prend pour capitale Bagdad. Ces califes disposent, au début, d'un pouvoir absolu, de caractère théocratique, inspiré par les modèles des empereurs byzantins et des rois perses sassanides. Le pouvoir se transmet de père en fils, ce qui n'est pas conforme au califat des débuts de l'Islam. Cependant, à partir du IXe siècle, le calife abbasside ne dirige plus l'ensemble de la Oumma. Le Maghreb, notamment, se scinde en une multitude de dynasties qui ne dépendent plus de l'autorité du calife. Le califat omeyyade de Cordoue (928-1038) refuse également de prêter allégeance à Bagdad. Le pouvoir califal est fortement affaibli et représente alors plus un symbole religieux que temporel. Au moment de la prise de Bagdad par les Mongols en 1258 et l'exécution du calife abbasside, le califat semble être une institution oubliée et sa mort a finalement peu d'impact sur la région. Baybars, sultan mamlouk qui régnait sur l'Egypte, juge alors important de rétablir cette fonction et fait venir au Caire un survivant de la lignée abbasside pour assurer cette fonction. Son pouvoir est cependant très limité et ce calife n'est finalement reconnu que dans les territoires mamlouks.
Durant ces trois siècles (du VIIe au Xe), il y a eu 39 califes (4 rachidoun, 14 omeyyades et 21 abbassides), qui ont gouverné pendant 308 ans. Durant ces califats, le règne s'étend en moyenne à 7,9 ans. Treize des 39 califes meurent de mort violente ou suspecte, c'est-à-dire qu'un calife a une «chance» sur trois de mourir assassiné. Comme gouvernement idéal, on pourrait espérer mieux.
Après une vacance califale entre 1453 et 1517 liée à des troubles de succession, le titre de calife est finalement récupéré par l'Ottoman Selim Ier, lorsqu'il conquiert les terres arabes. Le califat ottoman a perpétué une tradition barbare — le fratricide —, inaugurée par le sultan Bayezid premier (ou Bajazet), né en 1347. Dès son arrivée au pouvoir, Bayezid fit étrangler avec une corde d'arc son frère cadet Yaakoûb, dont il redoutait l'influence et la popularité. Depuis lors, l'assassinat fratricide devient la règle de succession dans le sérail ottoman. Si l'un des fils du calife veut succéder à son père, il devait commencer par trucider ses frères, et si nécessaire, les autres mâles de la famille. C'était l'âge d'or du cinquième califat.
Le califat est finalement aboli par Mustapha Kemal (1881-1938) le 3 mars 1924, jugeant l'institution dénuée de sens au XXe siècle et responsable de la dégradation des valeurs de l'Islam. Mustapha Kemal n'avait pas tort, compte tenu des mœurs barbares et anachroniques des califes ottomans d'une part, et des défaites humiliantes subies par l'empire musulman, d'autre part. En outre, bien qu'enracinée dans le fond originel de l'islam, ni le texte coranique ni la tradition prophétique ne sont explicites sur la nature exacte du califat. Le Coran prescrit le devoir d'obéissance, sauf qu'on ne peut en inférer le devoir d'instaurer le califat. La Sunna ne contient pas non plus d'indications indiscutables sur ce point. Le consensus est un objet constant de divergences entre écoles et schismes. L'histoire prouve enfin que le califat a éclaté dès le Xe siècle. Autant dire que le califat n'a pu s'établir que par «la force matérielle et répressive», depuis l'allégeance faite à Yazid Ibn Moâwiya jusqu'à Fayçal Ibn Saoud, gouverneur de l'Arabie Saoudite, à l'époque soutenu à bras-le-corps par les Anglais. La conclusion positive s'impose : l'Islam, autant que le judaïsme et le christianisme, s'il établit la nécessité d'un gouvernement, n'en détermine guère la forme.
Le dindon de la farce
«Etre le dindon de la farce», c'est se faire duper, se faire avoir lors d'une affaire. Il existe deux principales explications pour l'origine de cette expression. La première se situe au Moyen Age où les farces étaient des intermèdes comiques dans les spectacles. Parmi les personnages récurrents de ces pièces, on trouvait des pères crédules, bafoués par des fils peu respectueux. Ces pères étaient surnommés les pères dindons. Un tel personnage, souvent dupé par sa progéniture, était donc le dindon de la farce. Une autre explication viendrait d'un spectacle forain «Le ballet des dindons» qui a existé à Paris entre 1739 et 1844. Dans ce spectacle, des dindons étaient posés sur une plaque métallique progressivement chauffée par-dessous, au point que les pauvres volatiles finissaient par «danser» pour tenter d'éviter de se brûler les pattes. Bien entendu, cette «farce» faisait beaucoup rire les spectateurs de l'époque.
Pour expliquer l'origine des malheurs des peuples arabo-musulmans en général, et du peuple tunisien en particulier, les chefs nahdhaouis invoquent la disparition du califat. Nos malheurs, notre sous-développement régional, le chômage des jeunes (diplômés ou non), l'inflation, les sit-in et les grèves, les femmes non voilées (officiellement montrées du doigt), la mixité dans les lieux publics et les écoles, Internet, Facebook et Twitter, etc., bref, toutes ces avanies modernes, résultent d'une cause primordiale: la chute du califat. Lorsque les chefs nahdhaouis ont annoncé que ces malheurs vont cesser avec l'avènement du sixième califat, les modernistes et les démocrates tunisiens et étrangers avaient cru à une farce. Ils se sont lourdement trompés. Le califat est en cours de gestation à Tunis, sous nos yeux. Les pouvoirs exorbitants offerts par la Troïka au Premier ministre sont des pouvoirs dignes d'un calife, dont la durée de règne est volontairement indéterminée. Quant à la Constitution de la deuxième République, pour laquelle ces représentants du peuple ont été normalement élus, elle attendra des jours meilleurs. Comme lors d'un précédent coup d'Etat «légalisé», le peuple tunisien est, encore une fois, le dindon de la farce ; une sinistre farce.


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