Des associations tunisiennes de protection de l'environnement ont lancé hier un appel «aux nouvelles autorités tunisiennes et aux composantes de la société civile, pour mettre fin immédiatement aux déprédations exercées par des émirs et de riches ressortissants du Golfe arabe à l'encontre d'une faune saharienne rare». Tenant une conférence de presse, ces associations ont dénoncé la poursuite de la chasse à l'outarde et à la gazelle, qui sont des espèces en voie de disparition. Le président de la fédération des associations des chasseurs et des associations de chasse spécialisées, Faouzi Belhaj, a avancé «que de riches citoyens du Qatar ont planté depuis quelques jours 35 tentes, de grand standing, dans la région d'El Makhrouka située à 197 km de Tatouine dans le sud tunisien». Il a précisé que «l'Armée nationale surveille ce campement, ce qui signifie que ces tentes abritent d'importantes personnalités». Il a, même, distribué aux journalistes des photographies de ces tentes, entourées de véhicules militaires. M. Belhaj a rappelé que le commissariat régional à l'agriculture de Tataouine a envoyé aux autorités de tutelle un rapport les informant de la présence de ces tentes. «Des préparatifs sont en cours actuellement dans d'autres régions du Sud tunisien pour accueillir des émirs du Golfe venant pour la chasse». Le président de la fédération des associations des chasseurs a averti «que des milliers de chasseurs et de défenseurs de l'environnement sont disposés à sortir dans des manifestations pacifiques, pour dénoncer cette transgression de la loi», évoquant les lois tunisiennes et internationales qui interdisent la chasse à l'outarde et à la gazelle, en tant qu'espèces menacées de disparition. Il a affirmé que les militants de l'environnement vont intenter des poursuites à l'encontre des responsables tunisiens qui ont accordé des permis de chasse aux ressortissants du Golfe, après la révolution. «Nous avions cru que la corruption s'était arrêtée le 14 janvier, avec le départ du président déchu et de sa clique», a-t-il ajouté. De son côté, Abdelmajid Dabbar, militant dans le domaine de l'environnement et ornithologue, a attiré l'attention sur le comportement de certains habitants dans les régions de chasse et même des travailleurs dans les entreprises pétrolières qui y sont installées, lesquels «s'empressent de tirer la gazelle et l'outarde, pour avoir leur part du butin, avant l'arrivée des émirs et des richards du Golfe». Il considère ces actes «comme autant d'opérations d'extermination de ces deux espèces». Pour sa part, Abdeljabbar Boukhris, membre de l'Association «les amis des oiseaux» (AAO), a indiqué que «les richards et les émirs du Golfe qui viennent pour chasser dans le désert tunisien se déplacent en 4x4, dotés de GPS. Ils utilisent des fusils snipers et ont des cartes très précises du désert qui devraient, normalement, être uniquement en possession de l'Etat tunisien». Ces derniers, a-t-il poursuivi, «essaient de leurrer les habitants de ces régions : ils se déplacent en territoire algérien pour détourner les soupçons, puis reviennent de nuit, en Tunisie, pour chasser». Selon le président de l'AAO, Hichem Azafzaf, «le nombre d'outardes a été réduit suite à la chasse illégale de 1.253 oiseaux en 1979 à 895 volatiles en 1982 et ensuite à 300 en 2004», d'après les statistiques de la direction générale des forêts (ministère de l'Agriculture et de l'Environnement). Il a rappelé que «la chasse illégale de l'outarde et de la gazelle dans le désert tunisien a commencé en 1979, date à partir de laquelle des émirs et de riches ressortissants de l'Arabie Saoudite, du Qatar et des Emirats Arabes Unis, viennent chaque année en Tunisie, pour pratiquer cette activité». Le président de l'Association nationale du développement durable, Ali Gharbi, n'a pas écarté la possibilité que le président déchu ait conclu des accords secrets avec des émirs et de riches personnalités du Golfe pour leur permettre de chasser dans le sud tunisien, en contrepartie d'importantes sommes d'argent. Il a appelé les organismes spécialisés dans la lutte contre la corruption à enquêter sur cette affaire.