92% des Tunisiens sont optimistes quant à l'avenir de la Tunisie, selon un sondage réalisé au mois de novembre dernier (du 22 au 28) par l'Institut d'études marketing, média et opinion (3 C Etudes). Ce chiffre, annoncé il y a quelques jours à travers les médias, a choqué plus d'un. Certains sont allés jusqu'à soupçonner une tentative de manipulation de l'opinion publique en raison de la concordance de temps de cette annonce avec le sit-in du Bardo et la reprise inquiétante des grèves et des sit-in sociaux dans la plupart des régions du pays. Les auteurs de ce sondage — 3C Etudes, créé en 2002, est un institut d'études marketing tunisien indépendant ayant opéré pendant les cinq premières années exclusivement sur le marché français — n'ont pas caché non plus leur étonnement face à cette attitude négative expliquant que leur travail a obéi aux règles en vigueur des sondages et que le résultat auquel ils ont abouti traduit l'état d'âme d'un échantillon de 3.000 personnes, hommes et femmes, âgées de 15 ans et plus, repésentatives des 264 délégations couvrant les 24 délégations tunisiennes. Un de leurs représentants a même affirmé sur les ondes d'une radio privée que cette réaction négative émane d'une partie de l'élite tunisienne, politique, intellectuelle et médiatique, ce qui prouve encore une fois, selon lui, que cette élite est toujours en déphasage par rapport à l'opinion publique, justifiant son raisonnement par «certains résultats inattendus des élections de l'Assemblée nationale constituante». Loin des interprétations subjectives et des jugements hâtifs, il convient de dire que les Tunisiens sont, en effet, plus que jamais assoiffés d'optimisme, qu'ils sont aux aguets du moindre signe d'espoir pour croire en des lendemains meilleurs et surtout qu'ils sont désormais déterminés à prendre leur destin en main et à concrétiser leurs rêves de liberté, de dignité et de démocratie. Mais les lendemains de révolution ne sont pas faciles et les risques de retour en arrière ne sont pas négligeables. C'est pourquoi les Tunisiens, surtout ceux qui font partie de l'élite, sont vigilants, soupçonneux et parfois même résistants. C'est le rôle de l'élite, de ceux qui ne sont pas dupes et qui savent que les sondages, même s'ils sont utiles parfois, ont leurs marges d'erreur et qu'ils ne sont pas irréprochables et indiscutables. Pour ce sondage en question, le problème n'est pas tant sa marge d'erreur ni sa méthodologie, mais certainement le timing choisi pour afficher une proportion aussi importante d'optimisme à un moment où les revendications sociales et politiques battent leur plein et que tous les indicateurs économiques sont au rouge. Ce sondage aurait gagné en crédibilité si ses résultats avaient été annoncés après l'élection du nouveau Président de la République et la constitution du très attendu nouveau gouvernement qui va enfin se mettre au travail et œuvrer pour répondre au plus vite, espérons-le, aux attentes des Tunisiens.