Il a soumis l'Espagne, traversé les Pyrénées puis les Alpes avec son armée et ses éléphants, revoilà Hannibal en route vers Washington pour un concert de musique. Vingt-trois siècles après la marche du Carthaginois sur Rome, Jalloul Ayed, ex -ministre des Finances du gouvernement provisoire, part avec ses musiciens à la conquête de la capitale américaine. Sa symphonie intitulée Hannibal Barca sera jouée le 9 janvier, en commémoration de l'An I de la Révolution tunisienne au Kennedy Center Opera House, devant plus de 2.000 spectateurs. Jean- Charles Biondi, compositeur et arrangeur, dirige l'orchestre, nous l'avons rencontré. Fils de musicien, né en Italie, enfance en Alsace, études de musique au Conservatoire, à 16 ans déjà, il aborde la direction d'orchestre. Nommé directeur technique des orchestres du Haut Rhin (Alsace), Jean-Charles Biondi est sociétaire de la Sacem en qualité d'arrangeur-compositeur. Dans les années 70, en Alsace, on l'a surnommé «Le missionnaire de la musique», en raison du ralliement des jeunes de la région à la musique classique qu'il encourage, alors qu'elle n'était pas dans l'air du temps. Il est chargé de mission au Maroc où il crée le Conservatoire des Forces Royales de l'Air, il restructure et dirige l'Orchestre Militaire, crée et dirige l'Orchestre Philarmonique du Maroc. Vingt-cinq ans au Royaume chérifien et des décorations (Chevalier des arts et des lettres, Ordre national du mérite). Confessions : « Il faut que la Tunisie se dote d'un second orchestre militaire, une bonne formation de parade, de la Marine par exemple, ça va plus vite, je caresse l'espoir qu'il y ait beaucoup d'art et d'artistes». Que pense-t-il de l'orchestre du Conservatoire : «On n'y trouve pas ou si peu de joueurs d'instruments à vent, il reste beaucoup à faire. Pourtant à mon sens, les potentialités existent, au Maroc, j'ai recruté partout, même dans la rue, il faut encourager les jeunes par tous les moyens à venir à la musique ». Pour la soirée du 9 janvier à Washington, il y aura 23 musiciens tunisiens entre cordes et percussions et 80 autres de l'Opera House Orchestra avec comme directeur musical Philippe Auguin et Heinz Fricke, directeur émérite. Des répétitions sont programmées à Washington. La rencontre La rencontre avec Jalloul Ayed ? «Je résume, c'est un grand musicien, discret et modeste. J'étais assez connu au Maroc, il m'a demandé l'arrangement de sa première symphonie, elle m'a interpellé. Un jour devant des personnalités de hauts rang, j'ai annoncé « Messieurs, vous avez devant vous le Picasso de la musique ». Exagération, emphase ou flagornerie ? Ce n'est pas son genre, admiration plutôt : «Sa musique m'a demandé énormément de travail, c'est au bout de quelques mois que j'ai commencé à comprendre». Mais l'originalité de sa musique c'est quoi ? «Je résume, elle échappe aux règles traditionnelles, ce sont des successions de mélodies assez courtes qui relatent une histoire et qui ne tiennent pas compte des règles appliquées depuis des siècles à la musique harmonique, c'est un hors piste, d'où la difficulté qui se pose à moi pour les arrangements ». Le programme de Washington ? «Les deux hymnes nationaux, j'ai arrangé l'hymne national tunisien pour une grande formation de 110 musiciens, une première mondiale, à l'image de la Révolution que nous commémorons, il y aura ensuite l'ouverture de La Force du Destin de Verdi, un opéra dramatique qui s'apprête bien à la situation révolutionnaire et la symphonie Hannibal Barca, the Symphonie, en 3 mouvements : La gloire de Carthage, Le long périple et La Marche glorieuse». A travers Hannibal, composée par Jalloul Ayed , sous la baguette de Jean-Charles Biondi, le public américain qui regarde couler les événements dans le monde, va découvrir la Tunisie, sa longue histoire, sa mythologie et ses hauts faits depuis Carthage jusqu'à l'An I de la Révolution du 14 janvier... et qui sait peut-être au-delà.