Samedi dernier, le théâtre El Hamra a abrité la démonstration de fin des travaux de l'atelier de formation d'acteurs de la 5e promotion du Centre arabo- africain de formation et de recherches théâtrales. Cette formation qui a duré une dizaine de jours avec des jeunes acteurs venus de 16 pays arabes et africains et durant laquelle les jeunes comédiens ont effectué une performance qui met en valeur plusieurs dimensions de l'art du comédien, à savoir l'espace, le corps et la voix. Les habitués de cet espace connaissent bien ce qui se passe dans l'enceinte de ce lieu. Outre les pièces théâtrales qui s'y mijotent, Al Hamra porte un rêve depuis des années déjà : le Centre arabo-africain de formation et de recherches théâtrales. La création de ce centre qui remonte à 2001 résulte d'un constat que le metteur en scène tunisien Ezzedine Gannoun a fait à travers ses voyages et les différentes tournées à travers le continent et les pays arabes, à savoir le manque cruel, si ce n'est l'absence totale, d'une formation spécialisée dans les arts et les métiers de la scène dans ces pays. Cette carence évidente a engendré, de l'avis de plusieurs experts, un théâtre en perte de vitesse, prisonnier de clichés éculés et exotiques, ou tout simplement paralysé. A partir de ce constat, une conviction a pris forme : notre théâtre se doit de prouver sa capacité à se situer, à entretenir un rapport vivant, dialectique et productif avec son contexte à travers ses forces vives. Dès lors, un travail de formation continue et soutenue et des recherches fondamentales s'impose. La création d'espaces de rencontres et d'échange d'expériences, une libre circulation des idées et des hommes sont impératives. Tel fut le rêve qui s'est concrétisé par la création du Centre et l'affluence, à chaque fois de nouvelles têtes avides de connaissance et de désir d'apprendre au-delà des différences et des barrières factices de la langue. Que peut partager une Rwandaise, avec un Egyptien ou un Syrien ? Qu'est-ce qui peut réunir Maliens, Sénégalais, Gabonais, Marocains, Libanais, Tunisiens... mieux que le théâtre et les arts en général ? Et cela se ressentait en les voyant évoluer sur scène. Il est vrai que nous n'étions pas face à une pièce de théâtre, que nous avons assisté à une simple démonstration de fin de stage qui n'a duré que 11 jours, mais la magie a opéré, l'émotion nous parvenait de partout, de ces voix qui retentissent dans les quatre coins de la salle, qui d'en haut, qui d'en bas, qui sur les côtés et qui nous secouent avec un chant africain repris en chœur. Il y avait de l'émotion aussi dans le jeu qui s'installe autour d'un objet de désir, de convoitise : une valise qu'on se dispute, qu'on s'arrache, qu'on se passe, qu'on caresse, qu'on cache, qu'on expose. Cet objet change à chaque fois de vocation, d'identité et chacun de ces acteurs lui insuffle une vie nouvelle. Cela n'a duré qu' une vingtaine de minutes à peine, mais suffisamment pour sentir à quel point un espace de création est indispensable, à quel point ce genre de rencontre peut changer les visions de tout un chacun sur soi et sur l'autre. Et l'on se demande si le centre arabo-africain de formation et de recherche théâtrale pourrait encore résister dans ce marasme actuel politique et de profonde précarité culturelle. Surtout, quand les priorités et les urgences qu'on ne cesse de proclamer, sont d'ordre social et économique. Comment dès lors «osez» demander une subvention pour que cette belle aventure continue? Attendons pour voir ce que l'avenir nous réserve comme surprises dans sa boîte de Pandore!