Après Brasilia Café (2006) et Terminus place Barcelone (2010), l'universitaire et chercheur Ahmed Mahfoudh offre à ses lecteurs un nouveau roman de 166 pages, intitulé Dernier voyage à Kyrannis. L'univers de cette œuvre est assez singulier. L'action se passe en Tunisie après l'apocalypse, provoquée par une catastrophe atomique. Adam, qui vivait une enfance douce et rêveuse entre la Médina de Tunis et sa banlieue, se retrouve soudain sans famille, livré à lui-même dans un ordre nouveau, celui d'une dictature numérique. A quoi ressemble ce nouveau monde qui s'appelle désormais Epitéropolis? «Une poignée de politico-informaticiens gouvernaient le monde, dont personne ne connaissait ni le lieu de décision ni le visage. Tout était transmis au pouvoir aveugle des machines». Cet automatisme ne concerne pas uniquement les machines, mais surtout les individus, obligés de vivre surveillés et isolés et pour qui l'ordinateur est jugé capable d'assurer le bonheur. Sans oublier le rôle de la propagande, omniprésente dans leurs vies, à travers leurs écrans de télévision et tous les supports numériques imposés par la technologie. Ce monde ne convient pas à Adam, lui qui a connu autre chose. Il fait partie de la génération qui a survécu à l'apocalypse. Ses souvenirs le hantent au quotidien. Ceux de la vie en famille et en communauté, des principes disparus depuis. Les enfants de l'après-apocalypse sont nés «au ministère de l'enfantement public, grâce à des opérations de procréations anonymes». «Ils ne connaissent ni mon désarroi, ni ma nostalgie», pense Adam, étonné de les voir renoncer quand même à l'énigme de l'origine. Après un délit commis le jour de son anniversaire, Adam doit passer par le camp de redressement Habib Thameur, un ancien jardin public. La rencontre de l'amour va lui permettre de trouver la force de songer à changer de vie. Il demande à passer le concours d'admission à la vie sauvage. Son choix se porte sur les îles Kyrannis (Kerkennah), origines de ses ancêtres. Il devra passer par des épreuves théoriques et pratiques. Parviendra-t-il à gagner son séjour définitif à Kyrannis? A travers ce roman, Ahmed Mahdoufh imagine un futur morbide pour avertir des dangers du présent, comme la dégradation des rapports humains. En effet, la mondialisation sauvage et l'invasion des nouvelles technologies empiètent de plus en plus sur les vies privées et les libertés, ainsi que sur la création. Dans Dernier voyage à Kyrannis, l'auteur évoque le duel livre-numérique. Il fait l'éloge de la nature et des origines, défigurées et oubliées dans le processus de développement de l'humanité. Son roman serait à la rencontre du scénario de Matrix et de l'histoire de 1984 de Goerge Orwell. Alors, bonne lecture et n'oubliez pas: «Big Brother vous regarde».