Comment une jeune femme a pu tromper la vigilance des agents de sécurité et enlever au vu et au su de tout le monde un nourisson âgé de 40 jours? Ce kidnapping soulève la question de la sécurité dans l'hôpital d'enfants de Bab Saadoun et révèle au grand jour une défaillance dont souffre depuis des années l'établissement hospitalier, en l'occurrence le manque de ressources humaines. A chaque fin d'année, les agents de sécurité se heurtent au même problème: canaliser le flux massif de personnes qui viennent rendre visite quotidiennement aux enfants hospitalisés. Le dimanche 25 décembre, une jeune femme originaire de Siliana arrive à se mêler aux visiteurs et monte les trois étages qui conduisent au service de pédiatrie sans attirer l'attention. Mais à l'entrée, un des surveillants généraux a pourtant remarqué la jeune femme qui est venue plusieurs fois repérer les lieux. «J'ai eu l'occasion de discuter avec elle. Elle m'a dit qu'elle venait rendre visite tous les jours à un enfant hospitalisé dans l'établissement et qu'elle souffrait d'un manque cruel de moyens. En fait, elle a profité de l'occasion pour visiter les services de pédiatrie », a observé le surveillant général. Ce dimanche, alors que le service de pédiatrie au troisième étage ne peut accueillir que soixante enfants, quatre-vingts enfants sont hospitalisés pour infection respiratoire, due à une épidémie de bronchiolite qui fait ravage. Dépassé par le flux de visiteurs incessant venus rendre visite à leurs enfants, le seul agent de sécurité présent à l'étage ne voit pas la jeune femme qui arrive à se faufiler sans encombre dans l'une des chambres du service. A sa sortie, il remarque cette jeune femme qui serre contre elle un enfant chaudement emmitouflé et lui demande à qui elle est venue rendre visite. « Je pensais que cette enfant était le sien et je lui ai conseillé de ne pas entrer dans le service afin d'éviter qu'il ne soit contaminé par le virus de la bronchiolite, raconte Issam, l'agent de sécurité. Elle en profite pour quitter rapidement les lieux. Dix minutes après, la mère de l'enfant est arrivée. J'ai compris que quelque chose de grave était arrivée et que cette femme était une intruse mais il était déjà trop tard. Je suis tombé dans les pommes ». Renforcer le dispositif de sécurité Ce kidnapping est la conséquence logique d'une politique sanitaire qui a montré ses défaillances en matière de gestion des infrastructures hospitalières. Construit en 1963, l'hôpital d'enfants de Bab Saâdoun a été conçu au lendemain de l'indépendance pour une population qui, à l'époque, ne comptait que 800 mille enfants. Il reste jusqu'à aujourd'hui la seule institution spécialisée dans les soins pédiatriques, comportant quinze services dont deux services de chirurgie pédiatrique, un service d'orthopédie, un service de réanimation polyvalente dédié à la pédiatrie et aux soins intensifs, un service d'anesthésie qui prend en charge les enfants de la chirurgie pédiatrique et orthopédique, en plus des enfants atteints de traumatisme crânien. Bien que l'hôpital ait fait l'objet d'extension en 89 et en 97 avec une capacité d'accueil qui a atteint 340 lits, l'établissement doit faire face à des pics difficiles à gérer, du fait du manque de ressources humaines. «Cet établissement souffre d'un manque cruel de ressources humaines, explique Ridha Ben Othman, directeur adjoint des services communs et de la maintenance. Or, il ya certaines périodes de l'année où l'établissement dépasse sa capacité d'occupation de 100%, notamment en cas d'épidémie. Nous avons, alors, du mal à faire face à l'afflux massif de visiteurs». Suite à l'incident et faute de personnel suffisant, la direction a pris des mesures drastiques en matière de sécurité. Tout visiteur se rendant au service de pédiatrie doit présenter sa carte d'identité dont le numéro est automatiquement enregistré par l'agent de sécurité ainsi que la carte de visite délivrée à l'entrée. Par ailleurs, seuls les parents peuvent visiter leurs enfants et ne peuvent venir accompagnés d'aucun proche. Dans le cas où un proche désire visiter un enfant hospitalisé, il est automatiquement refoulé à la porte du service. Enfin, les parents accompagnés d'un enfant et quittant le service doivent présenter automatiquement l'autorisation de sortie paraphée par le médecin de service. «Nous avons durci les conditions d'accès des visiteurs à l'établissement mais cela ne suffit pas, poursuit le directeur adjoint des services communs. Il faut trouver une solution à l'afflux massif de visiteurs. Au cours de l'année 2011, nous avons enregistré 27 mille admissions. Ce qui complique les choses, c'est que nous sommes dans l'impossibilité d'isoler les services d'hospitalisation des services d'exploration externe qui constituent une source d'afflux de visiteurs accompagnant les enfants malades qui viennent dans la journée faire un test d'allergie ou une fibroscopie ou une exploration fonctionnelle respiratoire. Tant qu'il n'y a pas de séparation entre les deux services, il sera difficile de contrôler l'afflux quotidien des visiteurs qui accompagnent ces malades ». La direction a déjà prévu de renforcer le dispositif de sécurité en collaborant avec le ministère de l'Intérieur, afin de mettre en place une équipe spécialisée dans la sécurité des hôpitaux. « Il faudra équiper l'établissement de caméras de surveillance et charger une équipe de surveiller à partir d'une salle équipée d'un matériel de télésurveillance les entrées et sorties des visiteurs», explique M. Ben Othman. En attendant la création d'un nouvel hôpital qui permettra d'alléger la pression sur l'hôpital d'enfants de Bab Saadoun.