C'est ce titre à rallonge qui nous a attirés. Des centaines d'oiseaux t'empêchent de marcher avait beaucoup de sens pour nous...L'on se demandait, d'ailleurs, où sont passés les oiseaux de l'avenue Bourguiba qui impressionnaient les touristes ? Avec leurs gazouillis stridents, ces centaines d'oiseaux qui survolaient les arbres faisaient quand même partie du charme de l'avenue. Qu'est-ce qui fait qu'on ne les voit plus, qu'on ne les entend plus ? Ont-ils cédé la place à de nouvelles espèces (humaines, peut-être) qui veulent nous empêcher de marcher ? Bref, la pièce espagnole qui se jouait à Mad'art Carthage, en cette après-midi du samedi 7 janvier 2012, n'avait certainement rien à voir avec nos élucubrations. Nous savions, du moins, qu'elle était inspirée de Noces de sang de Federico Garcia Lorca, une pièce écrite en 1933 et qui s'insère dans la trilogie rurale de l'auteur avec Yerma et La maison de Bernarda Alba. Il s'agit d'un drame qui se joue en Andalousie. Une mère, endeuillée par la perte d'un mari et d'un premier fils, accepte les noces de son second avec une jeune fille habitant des terres reculées. La noce a lieu malgré la passion désolante qui lie la fiancée à Léonard, son ancien fiancé. Cette dernière s'enfuira avec Léonard à la fin de la fête et reviendra couverte du sang des deux hommes, implorant la mère du défunt époux de lui donner la mort. Mais qu'est-ce qu'on aurait aimé comprendre ce que disait la comédienne qui évoluait seule sur la scène presque nue ! La pièce parlait beaucoup, et en espagnol ! Pourquoi programmer une pièce étrangère «à texte» sans prévoir la traduction ? Beaucoup de spectateurs ont dû quitter la salle au bout d'une demi-heure. D'autres sont restés jusqu'au bout, peut-être parce qu'ils comprenaient la langue espagnole ou peut-être bien parce que la comédienne (alias Maria Vidal) était tellement performante qu'on n'osait pas claquer la porte en plein spectacle. Celle-ci changeait souvent de costumes, selon les situations et les personnages. Car elle changeait également de voix, évoquant — si nous avions bien compris — la «madre» (la mère) ou par moments «la novia» (la fiancée). Des tissus, en blanc, rouge ou noir, accrochés au plafond de la scène, lui servaient d'accessoires pour identifier les personnages. Au début du spectacle, portant un pyjama en satin couleur écrue, la comédienne a raconté quelque chose à l'adresse du public. Ce n'était qu'en mettant cette magnifique robe de chambre rouge bordeaux qu'elle commença à interpréter différents personnages qui semblaient être en proie à de terribles démons. La pièce avait l'air de tisser posément sa trame. Dépouillée, la mise en scène s'accrochait avec une précision ultra sensible aux remous sensoriels du personnage. Tantôt livré à lui-même, proie de tous les dérèglements nerveux. Tantôt apaisé et parvenant à danser, allant jusqu'à créer une chorégraphie contemporaine aux couleurs du flamenco.