La Tunisie est passée par une période de transition démographique marquée au cours des soixante-dix dernières années par une baisse de la mortalité ainsi que de la fécondité à la faveur de plusieurs facteurs dont notamment le changement de la situation économique et sociale en Tunisie. Comment et pourquoi la fécondité a-t-elle baissé en Tunisie?Cela est-il dû au recul de l'âge du mariage? Ces questions ont été soulevées par Zahia Ouadah Bedidi, démographe et maître de conférences à l'université Paris Diderot lors d'une table ronde organisée par l'Office national de la population et de la famille sur le thème de la transition démographique et du recul de l'âge du mariage, qui a vu la participation également de Jacques Vallin, démographe et chercheur à l'Institut national d'études démographiques de Paris. La transition démographique est marquée en Tunisie par trois grandes phases. La période allant de 1945 à 1965 voit le taux de mortalité baisser et ceux de la natalité et de l'accroissement naturel augmenter. On assiste ensuite de 1965 à 1985 à une baisse rapide de la mortalité et de la natalité grâce à la politique du contrôle de la natalité qui a été mis en place et à la généralisation progressive de l'accès aux soins. De 1985 jusqu'à 2005, alors que le taux de mortalité va stagner, le taux de natalité continue à baisser s'accompagnant d'une décélération de la croissance démographique. A partir de 2005 jusqu'à 2009, le taux de mortalité va commencer à stagner et s'accompagner d'une légère remontée de la natalité alors que la croissance démographique se stabilise. La démographe a analysé la transition de la fécondité au cours de ces quatre grandes périodes. De 1960 à 1966, l'adoption par la Tunisie d'une politique de réduction de la croissance démographique a entraîné une chute brutale de la fécondité et une réduction du nombre d'enfants par femme qui passera de 7,1 à 2,1 enfants. Le contrôle de la fécondité n'est pas le seul facteur responsable de cette phase importante de transition démographique qu'a connue la Tunisie. La chute de la fécondité chez les femmes est la conséquence de la profonde mutation sociale que connaît le pays à partir de la fin des années soixante. La scolarisation des petites filles qui ont la possibilité de poursuivre leurs études ce qui va entraîner un recul de l'âge du mariage, l'élévation du niveau d'instruction, l'avènement du Code du statut personnel qui bouleverse les rapports entre les hommes et les femmes au sein du couple et qui donne la possibilité aux femmes de contrôler leur vie sexuelle, la sortie des femmes sur le marché du travail sont autant de facteurs qui ont contribué à entraîner une baisse de la fécondité. Baisse de la fécondité et âge du mariage Dans son analyse, la démographe a pris en considération le paramètre de la diffusion de la contraception au cours de ces quatre grandes périodes. De 1965 à 1995, la prévalence contraceptive est très élevée en Tunisie. Les contraceptifs sont diffusés à large échelle et sont entrés dans les habitudes des Tunisiennes qui y ont adhéré sans difficulté dans les villes et les régions les utilisant pour contrôler leur fécondité. La démographe a étudié par ailleurs le rapport entre la baisse de la fécondité et l'élévation de l'âge du mariage en se basant sur les indices du modèle de Bongaarts appliqué à la situation démographique de la Tunisie. A partir des années soixante-dix, l'élévation de l'âge du mariage et le recours massif à la contraception ont grandement contribué à la baisse de la fécondité. En se basant sur le modèle Bongaarts, la démographe a relevé qu'en 1978, c'est le recul de l'âge au premier mariage des femmes qui est responsable de la baisse de la fécondité. En 1988, le recours à la contraception qui joue le premier rôle dans la réduction du nombre des enfants par femme. En 1995, le recul de l'âge du mariage reprend de nouveau le dessus et est le principal facteur responsable de la diminution des naissances. En 2001 et en 2006, ces deux facteurs vont jouer un rôle principal dans la baisse de la fécondité. «A chaque fois, c'est toute la baisse historique de fécondité qui est prise en compte. Cela veut dire que durant toute la transition tunisienne, ces deux facteurs ont sans cesse joué un rôle majeur», a affirmé Mme Bedidi. Le revirement de la situation avec une légère reprise de la fécondité à partir de 2000 a surpris les experts en statistiques ainsi que les démographes et sont venus infirmer leurs projections pour l'avenir. Aujourd'hui, plusieurs questions sont soulevées: la fécondité va-t-elle suivre une courbe ascendante ou descendante? Les femmes et les hommes continueront-ils, au cours des années à venir, à se marier à un âge tardif? Bien qu'il y ait eu une légère reprise de la fécondité le nombre par enfants qui continue à être bas soulève,aujourd'hui, le problème du renouvellement des générations, ce qui conduira certainement le gouvernement à réviser la politique de la natalité dans un proche avenir.