Je viens d'apprendre, avec beaucoup de fierté et d'intérêt, la visite de courtoisie que rendra à Tunis, lundi prochain, M. Eric Schmidt, dirigeant de Google Inc. Cette visite éclair de 36 heures, avant de se rendre par la suite à Davos pour le Forum mondial est digne d'un protocole réservé aux chefs d'Etat, et sera couronnée par la rencontre des 3 présidents, et d'une visite entre autre au Pôle technologique d'El Ghazala. Alors que certains voient déjà sous un mauvais œil cette visite et vont réagir négativement ou au mieux passivement à cette annonce, prétendant au passage que le géant mondial d'Internet veut des contrats commerciaux et protocoles d'accords à plusieurs millions de dollars, d'autres esprits plus sereins entendent voir la moitié pleine du verre, celle des opportunités offertes par une telle visite de haut niveau, et le meilleur moyen d'en profiter. Internet est un réacteur majeur de l'économie mondiale, c'est même la dynamo de l'économie du savoir, et Google fait partie intégrante de l'ADN du Net mondial. A partir de ce moment, Google est un acteur économique de premier plan, l'ignorer ou le sous-estimer serait une grave erreur stratégique, à tous les niveaux. A cet égard, afin de mieux canaliser et tirer profit de cette opportunité sans précédent, il convient d'apporter des éléments-clés à la réflexion que doivent se poser nos politiques au sein du gouvernement et nos décideurs de l'administration tunisienne, et essayer d'apporter des arguments en faveur de la concrétisation d'un cadre de partenariat gagnant-gagnant. Mettre les points sur les « i » D'abord, qu'on se rassure, la visite d'Eric Schmidt est très protocolaire, en signe d'amitié et d'admiration à la Révolution tunisienne et au peuple qui a fait cette révolution. Elle n'est pas le couronnement de pourparlers structurés et structurants à un accord de partenariat, mais disons qu'elle le précède ou le déclenche. D'habitude et en règle générale, Google approche officiellement les gouvernements avec un cadre de coopération structurant sur 3-5 ans, régissant un ensemble de projets prioritaires contre une enveloppe financière, c'est le cas avec l'Egypte, la Jordanie et le Maroc, quelque chose comme 10 Millions de dollars. En contrepartie, il offre un ensemble de services qui concordent bien avec les priorités du pays, et réinvestit 25% du deal dans le développement de capacités dans le domaine des TIC et de l'éducation, la mise à niveau des ressources humaines et le développement de l'entreprenariat, ce qui n'est pas négligeable du tout. Les résultats de cet investissement seront immédiats et la Tunisie a tant à gagner de la machine Google pour améliorer son image institutionnelle au niveau des IDE, du tourisme et du commerce international. Je ne crois pas que ce soit le cadre strict de la visite de M. Schmidt en Tunisie, mais il faut se mettre bien dans la tête, et être entrepreneur dans sa démarche. C'est pourquoi, il est de mon devoir de briefer nos élus pour savoir à quoi s'en tenir, et dans quelle mesure l'on pourrait bien profiter de cette visite «historique» du dirigeant de Google. Que peut apporter concrètement un accord cadre avec Google ? Partant de cette logique, il y a lieu d'inciter Google à venir installer une antenne sur Tunis, créer un centre R&D autour des technos web et mobiles (Androïd, le système d'exploitation des smartphones est un produit Google), ouvrir une plate-forme de contact et de support clientèle qui pourra drainer des emplois directs et indirects. Il faut aussi mettre l'accent sur les possibilités de coopération au niveau du domaine de l'éducation tant les programmes sont diversifiés (au moment où je rédige ces lignes, Microsoft est en train d'essayer de renouveler sa convention structurelle avec l'Education nationale). Ce que Microsoft vend en termes de licences, Google le fournit gratuitement au monde de l'enseignement avec son Offre Google Apps for Education. Enfin Google possède une infrastructure Cloud Computing gigantesque qui agit à deux niveaux : PaaS (plateforme) et SaaS (Services), qui peut être profitable au gouvernement et à d'autres secteurs clés de l'économie. Ce sont là des préalables à la couche Open Government Data, qui vient en aboutissement à ces dispositifs. La société civile pourra profiter pleinement à son tour du support de Google (ils ont un programme Google for Non Profit extrêmement intéressant qui n'est pas encore éligible pour les associations tunisiennes. Aux récalcitrants qui ont des doutes sur les intentions mercantilement légitimes de cet opérateur, je dis que des conventions-cadres avec d'autres (Microsoft & Co.), il y en a eu et il y en aura toujours. Il n'y a pas de raison que Google n'ait pas droit aux accords de partenariat-cadres, et nos lobbyistes devraient aider dans cette direction. Je me permets de rajouter enfin, que si on hésite à faire un pas avec Google, d'autres pays attendent une opportunité pareille pour tendre la main vers le géant de la Net-économie et se placer dans le Marketplace. Bref c'est pour nous une question d'être ou ne pas être...