• Les autorités égyptiennes évoquent de leur côté une simple application de la loi: les ONG ne peuvent pas recevoir de financement étranger sans autorisation préalable de l'Etat • Selon l'ambassadeur des Etats-Unis au Caire, «près de 40 millions de dollars» ont été injectés l'an dernier dans les diverses ONG américaines actives en Egypte LE CAIRE (Reuters) — Julie Hugues est arrivée en Egypte l'an dernier dans l'élan de la chute d'Hosni Moubarak, avec l'espoir d'aider les Egyptiens à se bâtir un avenir démocratique. Aujourd'hui, elle n'est plus autorisée à en partir. Directrice du National Democratic Institute (NDI), une ONG liée au Parti démocrate américain, elle fait partie d'une liste de 28 activistes étrangers, dont 17 Américains et plusieurs européens, sous le coup d'une enquête pour financement illégal et d'une interdiction de sortie du territoire. NDI entendait participer à la formation d'une nouvelle génération de dirigeants politiques égyptiens et de membres de la société civile. Cette mission a peut-être tourné court le 29 décembre lorsque les bureaux de l'ONG, comme ceux d'autres organisations non gouvernementales, ont été perquisitionnés par les autorités militaires au pouvoir depuis un an. Les militants pro-démocratie dénoncent une guerre ouverte entre les partisans de l'ancien régime et la société civile. Une «guerre contre la démocratie» encore plus dure, disent-ils, qu'à l'époque de Moubarak. «C'est une des lignes de front de la révolution», estime Nasser Amin, directeur d'une ONG égyptienne qui travaille sur l'indépendance de la justice. «Nous sommes sous le feu de la contre-révolution». Les autorités égyptiennes évoquent de leur côté une simple application de la loi: les ONG ne peuvent pas recevoir de financement étranger sans autorisation préalable de l'Etat. «Ces associations ont reçu de l'argent sans en informer le gouvernement et en violation de la loi», a argumenté lors d'une conférence de presse la ministre de la Coopération internationale, Faiza Aboul Nagaâ, qui occupait déjà un portefeuille ministériel sous Moubarak. Selon l'ambassadeur des Etats-Unis au Caire, «près de 40 millions de dollars» ont été injectés l'an dernier dans les diverses ONG américaines actives en Egypte. Les accusations de financement étranger, accusation courante à l'époque de Moubarak, sont régulièrement brandies par les généraux du Conseil suprême des forces armées (Csfa) et par certains médias cairotes, qui y voient la preuve d'un complot visant à déstabiliser l'Egypte. «C'est l'argument qui a toujours été utilisé pour décrédibiliser le mouvement des droits de l'Homme en Egypte», souligne Hafez Abou Saâda, directeur de l'Organisation égyptienne pour les droits de l'Homme, lui-même emprisonné pour ce chef d'inculpation en 1998 après avoir dénoncé dans un rapport des cas de torture par les services de sécurité. «Les autorités veulent faire croire à l'opinion publique égyptienne que la révolution est un produit étranger». Inquiets de la répression accrue du courant pro-démocratie, plusieurs activistes, dont le fils d'un membre de l'administration Obama, ont trouvé refuge à l'ambassade des Etats-Unis. Washington a qualifié d'«inacceptables» les perquisitions qui ont visé les bureaux des ONG et appelé l'armée égyptienne, bénéficiaire d'1,3 milliard de dollars d'aide américaine par an, à résoudre au plus vite cette crise.