Kairouan, qui constitue le bastion de l'Islam en Afrique du Nord et le porte-étendard de l'Islam tolérant, se doit de fêter dignement le Mouled qui symbolise le passage des ténèbres à l'espoir. D'ailleurs, Kairouan a pu, pendant des siècles, véhiculer ces valeurs humaines propagées par le Prophète Mohamed. Et depuis l'époque aghlabide et jusqu'à nos jours, la ville a toujours réservé un accueil exemplaire à la célébration de l'anniversaire de la naissance du Prophète. En effet, les citoyens et les responsables à tous les niveaux ont parfaitement conscience des agréments qui accompagnent la célébration de cette fête religieuse. Et les différentes festivités correspondent aux vœux des Kairouanais concernant la nécessité de perpétrer les traditions islamiques. Parmi les nombreuses manifestations programmées pour cette année, figure la 39e session de la conférence islamique organisée par le ministère des Affaires religieuses au complexe culturel Assad Ibn El Fourat autour du thème : «Les valeurs et les enseignements de la révolution à travers la Sira du Prophète». Et c'est en présence d'un grand nombre d'imams, de prédicateurs, de chercheurs, d'universitaires, de professeurs de théologie et de jurisconsultes, que M. Noureddine El Khadmi, ministre des Affaires religieuses, a ouvert les travaux de cette conférence, en soulignant qu'elle se tient à un moment marqué par la révolution de la dignité, de la démocratie et de la justice sociale. Après avoir évoqué la marginalisation des cadres religieux et les pressions exercées sur eux durant les 20 dernières années, il a parlé de l'engagement de son ministère à réhabiliter le corps des hommes de culte de façon à ce qu'ils puissent véhiculer les valeurs de modération et de tolérance. Notons qu'au programme de cette conférence, figurent cinq séances plénières et dix communications qui seront présentées par des chercheurs spécialisés dans la chariaâ et les sciences islamiques et qui se sont intéressés à la réconciliation et à la justice sociale à travers la Sira du Prophète. Deux conférences ont été présentées après la séance d'ouverture et ont porté sur «les enseignements de la révolution tunisienne» et sur «La révolution et l'émancipation dans la Sira du Prophète». Témoignages Pour évaluer cette manifestation, nous avons recueilli les impressions de trois participants. Cheikh Taoufik Dhaw, professeur d'arabe et de culture islamique à l'Institut européen des sciences humaines de Paris, et imam du vendredi à la mosquée de Corbeil à Paris: «Je suis heureux d'avoir participé à cette conférence dont le thème a un lien très étroit avec les questions fondamentales qui intéressent les Tunisiens face aux enjeux de la période post-révolution. En effet, nous avons remarqué, après le 14 juillet 2011, la présence de beaucoup de jeunes, ignorant les préceptes de l'Islam qui prônent le juste-milieu et la tolérance, entretenir des propos erronés et extrémistes concernant l'Islam. On devrait bannir ces comportements, qu'ils soient de gauche ou de droite, car ils font fuir les gens, effrayés par tant de démagogie… Or notre Prophète apprécie la facilité dans la pratique de notre religion afin d'aider les croyants à emprunter le bon chemin. Et c'est ça la raison principale de la réussite du message de notre Prophète. Donc, il faudrait expliquer aux jeunes qui rêvent de l'époque de Omar Ibn Al Khattab et de celle des Rachidine dont ils veulent appliquer le modèle à l'époque contemporaine, qu'il faut aller pas à pas, avec une démarche progressive afin de ne pas heurter les mentalités et d'acheminer notre génération vers l'ouverture, le dialogue, avec une vision novatrice et approfondie…». Vers un concept de nationalisme et de modération Quant au Dr Mohamed Habib Allani, universitaire et directeur du Centre des études islamiques de Kairouan, il pense qu'il faudrait que les chercheurs et les hommes de culture orientent leurs travaux, après la Révolution du 14 janvier, vers des valeurs imprégnées de la Sira du Prophète et adapter le discours religieux de l'Islam éclairé à la dynamique que connaît la société tunisienne dans un monde dominé par l'unilatéralisme et par les ambitions des uns et des autres : «D'où l'importance de cette conférence dont l'objectif est de protéger notre révolution de toute dérive et pouvoir concilier les bases du sacré et les notions rationnelles qui s'appuient sur tout ce qui est réel. Donc, à nouvelle étape, un nouveau discours religieux ouvert sur les droits de l'Homme, les aspirations légitimes du peuple et la démocratie avec un concept de rationalisme et de modération…». Des débats fluides Pour Youssef Oueslati, étudiant, ce colloque était une manifestation positive et les débats sont fluides et féconds: «Organiser un colloque après la révolution qui a sauvé notre peuple de la dictature, ce n'est pas facile, organiser un colloque avec des gens de différentes spécialités, c'est encore plus difficile. Et je vois honnêtement que les organisateurs ont fait un bon travail. J'espère, pour ma part, que les imams véhiculeront davantage des cours prônant la tolérance et le dialogue rationnel qui contribueraient à sensibiliser les citoyens aux comportements à adopter afin d'éviter la recrudescence de la délinquance juvénile…».