Créer dans un environnement difficile n'est pas une sinécure, inventer l'est encore moins. De là à commercialiser le produit et en faire un article innovant à même de conquérir le marché national, la tâche est beaucoup plus ardue et nécessite des efforts et une adaptation du cadre règlementaire. Il est long ce périple, nécessitant 15 ans de travail pour développer plusieurs prototypes de ce qu'on appelle aujourd'hui le «diffuseur souterrain» ou le «diffuseur enterré» consacrés par un brevet national en 2002 et un brevet international en 2004. Il a fallu six années pour réaliser toutes les études nécessaires, et construire une usine à Sidi Makhlouf (gouvernorat de Médenine). Le Dr Bellachheb Chahbani s'apprête, aujourd'hui, à lancer un produit inédit. Un produit nouveau et innovant qui permet une économie importante d'eau, une gestion optimale des ressources en eau souterraine et pluviale, un développement durable de l'agriculture pluviale dans les régions arides et semi arides. Qui est Bellachheb Chahbani ? Un industriel ? Un chercheur ? Un agriculteur de père en fils ? Un entrepreneur? Un homme de sciences ? Un enseignant? Un rédacteur scientifique? Chahbani c'est tout cela à la fois. Chercheur , Bellachheb Chahbani a glané, coup sur coup, plusieurs distinctions internationales dont les plus récentes le prix international de l'eau de l'Unesco en 2009 et le top 50 et top 20 du programme «InfoDev» de la Banque mondiale en mai 2011. Cette double distinction est une reconnaissance de la Banque mondiale pour le «diffuseur enterré» qui permet une économie d'irrigation trois fois supérieure à celle du goutte à goutte. Ayant pris, dès 2005, le bâton du pèlerin pour passer du laboratoire à l'entreprise (après l'obtention du brevet national et international), Bellachheb a été depuis hébergé à Djerba Création, l'une des 26 pépinières de l'APII où il a bénéficié, à ce titre, de l'accompagnement à la création et la réalisation de son projet. Outre son expérience pédagogique en tant qu'enseignant chercheur en géomorphologie et conservation des eaux et des sols à l'IRA et à l'université de Sfax, et formateur de techniciens agronomes tunisiens et étrangers, Dr Bellachheb Chahbani a participé à des travaux et programmes de recherche en Tunisie et au profit d'organismes internationaux tels que la FAO, le PNUD...participé à la rédaction de revues scientifiques et dirigé la revue des régions arides publiée par l'IRA. De la jarre au diffuseur souterrain «J'ai longtemps réfléchi aux imperfections de ce système traditionnel d'irrigation auquel il fallait trouver une solution pour éviter, sinon limiter, l'évaporation. Si ce système traditionnel a montré son efficacité, il reste soumis à de nombreuses altérations du fait de la microporosité de la jarre, des problèmes de colmatage et de casse.» Cela a conduit notre chercheur à réfléchir sur un procédé pouvant être industrialisé : «le diffuseur souterrain» . Le «diffuseur enterré» est un petit appareil en plastic avec une mince couche filtrante en granulat quartzeux qui joue le rôle de plaque poreuse. Son épaisseur est d'environ 2cm, mais aux formes et tailles variables. Tel qu'il a été inventé, il permet deux applications différentes: La première utilisation du «diffuseur enterré» est conçue à l'irrigation souterraine (continue ou d'appoint) des arbres fruitiers et forestiers, des cultures maraîchères. La deuxième utilisation du «diffuseur enterré» est consacrée pour l'injection des eaux de sources naturelles et des eaux de rétention des ouvrages de petite hydraulique (ex : fesguias et majels) de moyenne hydraulique(ex : lacs collinaires) et de grande hydraulique( barrages), dans les couches profondes du sol des exploitations agricoles . l'injection des eaux de rétention des ouvrages hydrauliques et des sources naturelles permet de résoudre le problème de sécheresse de courte durée (intra annuelle) ou de longue durée(inter annuelle). Cette opération d'injection des eaux pluviales et des eaux de sources a été testée et vérifiée dans des exploitations de paysan à Beni Khedache (Mont de Matmata Sud tunisien) à Djebba (Béja, nord de la Tunisie) et Tiniri en Kabylie (Nord algérien). De l'invention au projet industriel Actuellement, le projet a atteint le stade opérationnel. L'usine de plasturgie, installée à Sidi Makhlouf (gouvernorat de Médenine) est en train de constituer un stock de diffuseurs pour les mettre en vente début 2012. Compte tenu de la valeur du produit(le diffuseur enterré), la coopération allemande(GIZ), a accepté d'appuyer ce projet promu dans le cadre du développement de «Partenariat Public Privé ». Ainsi quatre parcelles ont été créées : une parcelle d'oliviers adultes, dans le domaine de Taous (gouvernorat de Sfax) de l'Institut de l'Olivier ; une autre parcelle d'oliviers adultes chez un agriculteur à Agareb (Sfax) ; une troisième parcelle d'oliviers (irriguée par une eau salée 4g/litre) chez un agriculteur à Kalaa Kebira (Sousse) ; une quatrième parcelle concerne des orangers dans le domaine du Centre Technique des Agrumes à Beni Khalled. En 2012 seront créées des parcelles pilotes avec diffuseurs dans plusieurs régions : respectivement dans le gouvernorat de Kebili (palmiers dattiers), Gabès, (cultures maraîchères) , Médenine et Tataouine (oliviers). L'appui de la GIZ concerne d'autres activités notamment : la réalisation d'un documentaire sur le «diffuseur enterré» et sa mise en place pour les différentes utilisations ; la promotion du «diffuseur enterré» dans des foires internationales ; des journées d'information dans diverses régions de la Tunisie ; des cycles de formation sur la mise en place du diffuseur enterré et les méthodes de calcul pour la préparation de projets agricoles utilisant le même procédé. Et l'appui de la Tunisie ? En tant qu'industriel, Dr Chahbani a déjà demandé au ministère de l'Agriculture et au ministère des Finances que le «diffuseur enterré» puisse bénéficier des mêmes avantages sinon plus que le goutte à goutte technologie importée . Cela concerne notamment l'exonération de la TVA et la subvention allouée à l'économie d'eau. Le jeu en vaut la chandelle, puisque dans le cas d'espèce, il s'agit d'encourager l'utilisation d'une technologie 100% tunisienne, utilisant deux fois moins d'eau que le goutte à goutte et produisant trois fois plus.