Quelles sont les réalités et les perspectives du tourisme culturel dans les 4 gouvernorats du Centre (Mahdia, Monastir, Sousse et Kairouan)? Comment faire en sorte que ces régions se complètent pour développer un pôle touristique valorisant les richesses du patrimoine et du terroir? Comment faire la différence entre tourisme et hôtellerie ? Quelles sont les nouvelles approches du tourisme culturel à une époque où le balnéaire stagne ? Telles étaient les principales questions posées lors du séminaire interrégional organisé, hier, à Kairouan, par la Chambre de commerce et d'industrie du Centre en collaboration avec les ministères de la Culture et du Tourisme et des délégations régionales de l'ONA, du tourisme et de la culture de Mahdia, Monastir, Sousse et Kairouan. Et c'est en présence d'un grand nombre de professionnels, de promoteurs, de représentants de la société civile et des institutions du patrimoine du tourisme et de la culture que M. Elyes Fakhfakh, ministre du Tourisme, a ouvert les travaux de ce colloque intitulé «Valorisation du tourisme culturel dans la région du Centre», en soulignant que le secteur du tourisme, qui a stagné sur les acquis des années 60, a connu en 2011 une régression qui a eu des répercussions négatives sur l'artisanat, les agences de voyages, l'industrie et le transport. Afin de remédier à cette situation, son ministère a mis en place une stratégie promotionnelle visant à rassurer tous les intervenants dans le domaine sur le retour à la normale en Tunisie, surtout que même en 2011, aucun touriste n'a été touché sur les 5 millions ayant visité notre pays. C'est dans ce contexte que 70 tour-opérateurs venant des cinq continents ont été invités en Tunisie pour débattre du flux touristique vers la destination Tunisie, dans le cadre d'un work-shop. En outre, le ministre a précisé que des campagnes publicitaires dans les différents marchés classiques et potentiels vont être entreprises. A côté de cela, un plan d'action urgent va concerner d'une part l'instauration de textes législatifs concernant la création de maisons d'hôtes et de gîtes ruraux, d'autre part le développement du tourisme alternatif et de la communication qui doit être plus inventive afin d'encourager les promoteurs à avoir un nouvel état d'esprit sans grand handicap pour le secteur bancaire : «En effet, la création d'un hôtel 5 étoiles demande des investissements de l'ordre de 30 à 40 milliards, alors qu'un centre d'accueil et d'hébergement en milieu rural demande des investissements de l'ordre de 3 à 4 milliards…», a ajouté M. Fakhfakh. Outre l'amélioration de la connexion aérienne et de la démocratisation du ciel qui ouvrirait de nouveaux marchés, on devrait promouvoir l'aspect culturel (thalasso, activités sportives, festivals spécifiques, golf, tourisme de santé) et être plus présent sur la Toile où on est presque absent: «Or,8% des voyageurs consultent le choix de leur destination avant de prendre l'avion». Quels sont les objectifs de ce colloque interrégional ? Pour M. Hassen Turki, vice-président de la Chambre de commerce et d'industrie du Centre et initiateur de l'organisation de cette journée, les objectifs de cette manifestation visent à valoriser le tourisme dans la région du Centre et tout ce qui est culturel, à savoir la chanson, la musique, la poésie, les arts plastiques, l'art culinaire, les festivals, l'histoire et les produits du terroir souvent oubliés. «En outre, on espère sensibiliser les décideurs au fait qu'on devrait faire la différence entre l'hôtellerie et le tourisme et qu'on devrait faire une séparation entre les deux secteurs. Donc, il serait souhaitable que le budget de l'Etat soit alloué beaucoup plus au secteur touristique qu'à l'hôtellerie qui a toujours monopolisé ce budget…» Des gouvernorats riches en atouts touristiques Notons que les travaux de cette manifestation ont comporté 7 communications présentées par des chercheurs, des historiens et des universitaires qui ont donné un coup de projecteur sur les 4 gouvernorats sous leurs multiples facettes marquées par l'extraordinaire diversité des arts islamiques, de la gastronomie et des paysages. Ils ont également synthétisé les problèmes que rencontre le tourisme culturel, à savoir l'absence de projets fiables, d'une infrastructure adéquate, de campagnes publicitaires et la mainmise de l'hôtellerie sur le tourisme. Il va sans dire que les différentes interventions ont révélé des aspects très intéressants de Monastir, Mahdia, Sousse et Kairouan en matière de monuments historiques, d'atouts touristiques et de spécialités culinaires, de quoi encourager les hommes d'affaires à investir dans le tourisme culturel. Mahdia, un site pilote Première capitale d'une des plus puissantes dynasties musulmanes du moyen âge, celle des Fatimides, Mahdia est considérée de nos jours comme un site pilote pour mettre en œuvre les recommandations de l'Unesco. En fait, il s'agit d'un projet de mise en valeur du patrimoine culturel englobant la protection des équilibres naturels, le développement des activités traditionnelles dont le secteur halieutique avec notamment la pêche au lamparo tant appréciée en période estivale, pour ses sardines, ses maquereaux et ses anchois. Parmi les charmes de Mahdia, l'on a cité l'artisanat connu surtout pour son costume traditionnel feminin en soie de couleurs vives, rehaussées de broderie en fil doré, la Skifa El Kahla qui marque l'entrée de la vieille ville, la place du Caire, l'ancien port et le cimetière marin dont les innombrables tombes s'éparpillent entre la forteresse et la mer. En outre, l'amphithéâtre d'El Djem est le seul avec le Colisée de Rome à avoir conservé ses trois étages. Chaque été, il abrite le festival international de musique symphonique. Toujours à El Djem, on peut admirer le musée de mosaïques d'une qualité exeptionnelle. Monastir gâtée par sa position géographique Monastir est une des stations balnéaires les plus fréquentées du pays avec son port de plaisance, ses belles plages, ses terrains de golf, son aéroport international , son célèbre Ribat construit à l'époque abasside, le mausolée de la famille Bourguiba, les différentes mosquées et le musée du costume traditionnel. Gâtée par sa position géographique et un climat privilégié, Monastir n'a négligé aucun atout pour devenir un grand centre de tourisme international. Outre ses nombreux festivals, on peut admirer dans les environs de la ville l'île de Sidi El Gadamsi qui conserve les ruines d'une ancienne pêcherie de thon. A l'arrière-plan, on aperçoit l'îlot des pigeons. L'île El Oustania est reliée à la rive par une digue abritant un petit port de plaisance. Sousse, débouché commercial de son riche arrière-pays De tout temps, Sousse fut l'un des ports d'entrée de la Tunisie, en même temps que le débouché commercial de son riche arrière-pays, en particulier le gouvernorat de Kairouan. Sousse, une des plus belles villes tunisiennes où l'on respire avec le plus d'intensité la joie de vivre, est appréciée surtout pour sa médina qui présente la physionomie caractéristique des villes arabo-musulmanes, ses belles plages bordées d'hôtels luxueux, de restaurants à la mode, d'espaces d'animation et de loisirs, son port de plaisance et son Ribat construit à la fin du VIIIe siècle. En outre, le musée archélogique, au pied de la Kasbah, présente une collections de mosaïques romaines. Quant au musée de l'olivier, il s'intéresse à l'arbre auquel s'identifie tout le Sahel. Et les catacombes du Bon Pasteur ont été découvertes en 1888. Outre le festival régional d'art populaire et le festival d'Aoussou, Sousse est une ville très animée et convivale, été comme hier. Et parmi les charmes des environs de cette ville côtière, on peut admirer le paisible port de pêche de Hergla. Kairouan, première cité fondée par les Arabes en Afrique du Nord Première cité fondée par les Arabes en Afrique du Nord, dotée, avec sa grande mosquée, du plus prestigieux monument de l'Occident musulman, Kairouan s'est imposée à partir du 3e siècle de l'Hégire comme l'un des principaux centres culturels de l'Islam et comme l'une des 3 capitales des sciences musulmanes, avec Koufa et Médina. La ville d'Okba recèle des monuments et des sites qui couvrent plusieurs siècles de rayonnement spirituel et culturel. Cela sans oublier les cités satellites de Sahra El Mansouria et de Rakkada qui furent elles aussi de prestigieux centres de pouvoir sous les Aghlabides et de brillants foyers de rayonnement culturel et artistique, outre les ruines romaines de Djebel Ouesslat, de Aïn Jloula, de Djebel Esserj et de Ksar Ellamsa. Malgré ses richesses naturelles et ses sites archéologiques, Kairouan a été marginalisée durant les dernières décennies et tous les citoyens souhaitent une plus grande implication de l'Etat et des promoteurs dans cette région longtemps privée de tout soutien réel. Des débats féconds Lors des débats ayant suivi les communications, les participants à ce colloque ont regretté le fait que certains monuments et sites majeurs aient été souillés par le mauvais entretien de leur environnement et par la proximité d'activités totalement incompatibles avec la nature même de l'endroit. D'autres ont évoqué les multiples difficultés que rencontrent les 4 régions du Centre pour promouvoir le tourisme culturel et de santé et ont avancé des suggestions susceptibles d'explorer de nouvelles pistes pour mettre à profit les innombrables trésors dont regorgent Mahdia, Monastir, Sousse et Kairouan pour en faire un pôle de tourisme culturel. Dans cet esprit, d'autres ont apprécié le fait que le ministère du Tourisme ait sorti des tiroirs les études non exploitées dont celle relative à la carte du tourisme culturel et naturel…