Après une longue période d'attente, les démissionnaires du parti Ettakatol ont fini par se rassembler, hier, à Tunis, en organisant une conférence de presse afin de mettre les points sur les « i » concernant les causes qui les ont poussés à claquer la porte du Forum démocratique pour le travail et les libertés (Fdtl). Nombreux étaient les militants, hier, lors de la conférence organisée à Tunis par une pléiade de responsables de bureaux régionaux et locaux du parti Ettakatol : Emna Rekik (membre de la liste de l'Ariana lors des élections du 23 octobre), Khaled Kabbous (secrétaire général du bureau de l'Ariana), Tayeb Felfel (secrétaire général adjoint du bureau de Nabeul), Sonia Ben Mansour (bureau de Ben Arous), Houssem El Hammi (ancien directeur de la campagne électorale de la liste Tunis 2), Néjib Gaça (bureau de Carthage), Faouzi Chaâbani (bureau de La Manouba), Hafedh Bennani (bureau de Sousse), Mohamed Hedi Sliman (secrétaire général de la fédération des jeunes de Tunis) et Habib Aouemri (secrétaire général du bureau du Kef). Même M. Khemaïs Ksila, le désormais constituant indépendant après que le bureau politique du Ftdl ait accepté sa démission du parti, était présent parmi la foule qui a assisté dans la salle où a été organisé le point de presse. Quand les anciens font la loi Après que Houssem El Hammi eut lu la déclaration officielle des démissionnaires, la parole a été donnée en premier lieu à l'ancien secrétaire général du bureau du Kef, M. Habib Aouam, qui a pris soin d'expliquer les raisons qui ont poussé les démissionnaires à tenir ce point de presse : «Cette conférence de presse est une réponse à la campagne de dénigrement dont ont été victimes les personnes présentes ici, surtout depuis l'annonce de leur départ du parti». Il renchérit : «Nous avons travaillé dur pour permettre au Fdtl d'avoir une place dans le paysage politique tunisien, mais il s'est avéré que le parti a fini par dévier des ses principes fondateurs sous l'impulsion de ses décideurs». Les propos de Mme Emna Rekik, quant à eux, étaient quelque peu virulents vis-à-vis de l'ambiance qui règne au sein du parti : «Il n'y a pas de démocratie en Tunisie au sein des partis qui se disent démocrates ! Les leaders qui, par leur ancienneté dans le parti, revendiquaient une légitimité historique, en profitaient pour se permettre d'imposer des décisions verticales aux militants et aux nouveaux cadres. Par exemple, nous n'avons jamais été consultés avant la décision de rejoindre la Troïka». Elle ajoute : «Les membres du bureau politique prétendent détenir la vérité absolue. C'est pour cela que nous avons appelé ces gens à revoir leur copie pour remettre le parti sur les rails. Malheureusement, nous avons été ignorés et marginalisés. Tous les militants qui ont adhéré après le 14 janvier 2011 ont été exclus dans les consultations de prise de décision. Le parti se nourrit d'une politique monolithique. D'ailleurs, les portes du Conseil national ont été fermées devant nous, d'où notre décision de démissionner du parti». Des propos confirmés par le secrétaire général de la fédération des jeunes de Tunis, qui nous déclare : «On a souffert de la dictature au sein du parti et de l'exclusion. Par exemple, les anciens du parti ont limité l'entrée au bureau politique aux membres dont l'ancienneté est de plus de 6 ans. D'autre part, plusieurs militants, malgré leur activisme, n'ont pas reçu, jusqu'à cette heure, leurs cartes d'adhésion au parti. Les cartes étaient distribuées selon un système de copinage et sans aucune logique partisane.» «Le Bey, la cour royale et le petit peuple» Parallèlement, selon M. Khaled Kabbous, secrétaire général du bureau régional d'Ettakatol au gouvernorat de l'Ariana, le nombre d'adhérents démissionnaires avoisine les 2000 : «Entre 1500 et 2000 cartes d'adhésion ont déjà été rendues au bureau politique et, comme vous le voyez, on ne cesse de recevoir les cartes de militants démissionnaires. Par exemple, aujourd'hui, on a récolté à peu près 400 cartes». Il assène : «Notre départ était prévisible, surtout après que le secrétaire général du parti ait proféré des propos dégradants et insultants vis-à-vis des militants du gouvernorat de l'Ariana. Nous avons travaillé dur pour que le Fdtl ait le plus grand nombre d'adhérents, surtout dans notre région. Hélas, Ettakatol, à travers ses anciens dirigeants, a fini par décevoir ses votants. Ettakatol peut désormais se résumer en cette métaphore beylicale : «Le Bey, la cour royale et le petit peuple». Pour ce qui est de l'avenir politique des démissionnaires d'Ettakatol et d'éventuels contacts avec le PDP ou avec leur ancien compagnon de route Khemaïs Ksila, M. Kabbous nous déclare : «Pour le moment, nous sommes tous conscients du fait qu'il faut continuer de travailler pour la démocratie. Ce groupe de démissionnaires, depuis l'éclatement de la crise au sein du parti, a toujours entretenu le contact via les réseaux sociaux. Pour ce qui est de notre avenir politique, pour le moment, aucune décision n'a été prise. On est en train d'étudier toutes les alternatives possibles. Nos portes sont ouvertes à tout un chacun. Idem pour Khemaïs Ksila et pour un éventuel parti formé par ce dernier.» Face à ces démissions en cascade au sein d'Ettakatol, le conseil national du parti, qui se tiendra ce dimanche, promet d'être houleux. Quel remède va donner le Docteur Ben Jaâfar pour stopper cette hémorragie au sein de son parti ? Et quelles mesures vont être prises par le bureau politique en vue de restructurer le Fdtl ? Wait and see.