Cela fait plus de deux semaines que les boutiques affichent, joyeusement, les réductions spécial soldes d'hiver. Certaines ont opté pour les signaux habituels, mentionnant en caractère majuscule et fluorescent l'info « soldes». D'autres ont préféré apporter une touche de suspense, dénudant les mannequins de vêtement et mettant plutôt en exergue la fourchette des remises. En cette période de festivités commerciales tant attendues et par les commerçants et par les consommateurs, la coutume estime un certain dynamisme économique, signe d'un appel à la consommation et d'une réponse plus ou moins optimiste. Cette année, les soldes ont démarré le 1er février et se poursuivent jusqu'au 15 mars. Toutefois, l'ambiance commerciale semble vite estompée, comme une bulle de savon. En effet, en se promenant dans les rues de Tunis, l'on remarque rarement des Tunisiens qui s'adonnent au plaisir du shopping. Pourtant, il y a à peine quelques années, les férus de belles fringues et de la mode n'hésitaient pas à se tenir en file indienne et à patienter de longues heures durant pour qu'arrive leur tour à entrer dans la boutique de prédilection. Actuellement, et même si certaines boutiques de marque continuent à susciter l'envie du shopping, il n'y a ni queue leu leu ni bousculades. « Ne me parlez surtout pas de soldes», proteste M. Lotfi C., commerçant de prêt-à-porter pour hommes sur un ton ironique. Ce commerçant affirme que la période des soldes d'hiver tourne mal. «Il n'y a pas de ventes. Il n'y a pas de demande. C'est comme si les soldes n'étaient pas ouverts», indique -t-il, déçu. Il avoue, en outre, que le commerce va tellement mal qu'il s'est décidé cette année à participer aux soldes, non pas pour doubler ses ventes, mais plutôt pour pouvoir liquider sa marchandise et parvenir à payer ses fournisseurs. Mlle Insaf K., vendeuse dans une boutique de prêt-à porter mixte, partage le même avis. Elle s'étonne même de l'écart flagrant entre les soldes de 2011 et ceux de 2012. «L'année dernière, et alors que les Tunisiens venaient à peine de sortir d'une période de peur et de panique, nous avons connu une demande nettement meilleure par rapport à cette année!! D'ailleurs, j'ai l'impression que le client n'éprouve pas vraiment l'envie d'acheter des vêtements neufs», nous indique -t-elle. Une absence d'envie ou encore une absence de crédibilité. En effet, bon nombre de Tunisiens ne croient plus vraiment à la crédibilité des soldes. C'est le cas de Hanène, étudiante, pour qui les soldes sont, souvent, synonymes d'arnaque. «En Tunisie, nous ne disposons pas de véritables soldes comme c'est le cas en Europe, par exemple. Les soldes devraient être régis par des critères de remise bien définis, qui permettent au consommateur de faire de bonnes affaires. Une réduction de 20% peut être perçue comme une remise, mais pas comme une offre spécial soldes. D'autant plus que les articles soldés sont souvent tirés de stocks des années précédentes. D'ailleurs, certains commerçants ne prennent même pas la peine de les repasser pour mieux induire en erreur le pauvre client», indique-t-elle en riant. Manque de crédibilité Mme Monia A., elle aussi, ne croit plus à la crédibilité des soldes. Cela fait des années qu'elle ne consacre plus un budget pour acheter des vêtements à prix promotionnels, et pour cause: «Il n'y a pas vraiment de prix promotionnels. La plupart des commerçants gonflent les prix une ou deux semaines à l'avance pour afficher, le jour J, le prix initial. D'autant plus que la nouvelle collection n'est jamais soldée», fait-elle remarquer. Pourtant, il faut avouer que certaines remises affichées sont souvent tentantes et atteignent même les 60%. D'autant plus que la prolongation de la vague de froid est censée inciter certains consommateurs à enrichir leurs dressing par l'acquisition d'articles supplémentaires. Chez M. Charfeddine, comme chez la plupart des commerçants, les remises varient entre 30 et 50%. «Même les 50% ne semblent pas influer sur les clients. Pourtant, tous nos articles sont soldés y compris ceux de la nouvelle collection. En fait, pour les petits commerçants, il n'est pas question de liquider un ancien stock de vêtements car nous vendons au fur et à mesure des saisons. Nous n'avons pas de dépôts de stockage comme c'est le cas pour les grands magasins», souligne-t-il. Mme Hinda H. est vendeuse depuis de nombreuses années dans une boutique réputée de chaussures. Bien que la boutique soit complètement désertée des clients, Hinda ne nie point l'affluence des consommateurs à l'occasion des soldes. «Nous recevons pas mal de clients de tous âges. Durant les premiers jours des soldes, nous avons connu une demande satisfaisante. Toutefois, il faut avouer que la plupart des clients sont des clients fidèles qui ne portent essentiellement que notre marque. Actuellement, la demande n'est pas au top», précise notre interlocutrice. La boutique où travaille Hinda offre des remises ne dépassant pas les 40%. La gent masculine, elle, n'a droit qu'à une remise de 20% ! M. Ragheb C. est un représentant commercial âgé de 24 ans. Pour lui, les soldes sont souvent synonymes de petites réductions insignifiantes, ou encore la liquidation de marchandises anciennes. «Actuellement, il est fort difficile de trouver des tailles ou des pointures moyennes, alors que nous sommes en pleine période de soldes», fait-il remarquer. Malgré son indifférence quant à la crédibilité des soldes, il parvient, quand même, à dénicher quelques bonnes affaires. Il trouve, en outre, qu'un Tunisien aux revenus moyens peut toujours trouver un article intéressant côté qualité/ prix, notamment auprès des boutiques d'importation bon marché.