Par Hamma HANACHI Découverte photo. Il y a un peu plus d'un an, un million et demi de réfugiés libyens, de travailleurs africains, asiatiques, égyptiens traversaient la frontière; quotidiennement, la télévision nous inondait d'images du Sud tunisien, l'afflux des masses à la recherche d'un improbable asile. A l'espace El Teatro, Manuela Maffioli, reprenant le fil de cette période, a exposé une série de clichés du camp de Choucha. Le premier mérite de cette exposition est de nous permettre de regarder et non de «voir» les scènes du quotidien des réfugiés. Le second est de nous rappeler une période pas si lointaine où la solidarité spontanée a été exemplaire. Tout ça semble loin. Un camp où des familles se sont installées dans l'attente du signe de départ, des hommes qui vivent entre le quotidien et le rêve, des scènes ordinaires, files d'attente, lessive, ménage, des atmosphères cocasses, la tête d'un enfant souriant à l'intérieur d'une poubelle, surréalistes, un départ d'une tribu au milieu des vents de sable. Plus d'une quarantaine de photos sans artifices prises de jour et de nuit, une famille autour du feu, une femme qui pose, des hommes aux regards durs, des enfants qui font du camp un espace de jeu et des tentes partout. Des clichés en noir et blanc, le monde sans nuances. ••••• L'Association tunisienne d'esthétique et de poétique (Atep) a convié des philosophes et artistes à plancher sur «Poétique artistique et citoyenneté», une des problématiques soulevée par la révolution. Des interventions inégales, brillante comparaison de Seloua Luste Boulbina, directeur de recherche à Paris, sur le rôle des anges chez Walid Rahad (performance) et le film Les ailes du désir de W. Wenders, l'auteur vient de publier Les arabes peuvent-ils parler? Et A l'ombre de l'Occident et autres entretiens avec Edward W. Saïd. Ed. Blackjack. En ces temps de turbulences, d'agitation politique dans le monde arabe, Edward Saïd servirait de phare. Au terme du colloque, une table ronde, Action artistique et citoyenneté, a réuni un Algérien qui effectue une intrusion détournée dans l'immigration clandestine (Harga) et 6 femmes artistes (photo et vidéo). A part la démonstration de l'une d'entre elles, au fait de sa matière et de la nature de ses interventions, le débat a été loin d'être à la hauteur des travaux, les brefs témoignages n'ont pas suscité d'enthousiasme. Une définition rallie tout le monde : «Créer c'est résister» (Deleuze). Phrase-programme. ••••• Paillettes et tenues de soirée sur la chaîne Arte pour une Fashion Week, des reportages sur une série de défilés Le jour d'avant, de Loïc Prigent, pointures de la mode à la veille du défilé, chuchotements de coulisses et des réflexions d'écrivains. Un monde en marge, quasi impénétrable qui génère des millions de dollars, une culture superficielle sur papier glacé? Un maquilleur, pinceau en main, devant le contour d'un œil de mannequin, cherche, dit-il, un effet «iridescent», une absence de relief à l'aide du balayage de la couleur, il compare son travail à celui d'Andy Warhol avec des arguments savants. Diane von Furstemberg, une figure du milieu, juge sa collection de New York «une vie d'homme dans un corps de femme, elle est banquière, motarde et ballerine». Hommage à la femme libérée. Juergen Teller, photographe de mode, 20 ouvrages et des expos personnelles, connu pour ses clichés de nus avec l'actrice Charlotte Rampling, porte au cou deux appareils pour «hypnotiser son modèle en le mitraillant». Ça ne marche pas avec Vivienne Westwood, une styliste illustre : «Je n'aime pas la photographie, ce n'est pas de l'art... je me trouve plus belle que les clichés». Elle ajoute : «Aujourd'hui, je me trouve bien sur les photos». Elle a 70 ans. ••••• Collectionneur d'art contemporain, styliste au long cours, il a habillé les grandes stars de ce monde de Madonna à Michelle Obama, en passant par la cantatrice Jessye Norman qu'il a couvert du drapeau français lors des festivités du bicentenaire de la Révolution française, Azzedine Alaïa est une fois de plus célébré. Le musée Groninger aux Pays-Bas lui consacre une exposition «Azzedine Alaïa au XXIe siècle» qui se poursuit jusqu'au 6 mai, une sélection de robes et de pièces sont choisies dans sa création durant la dernière décennie. Du banc d'école de Bab Souika, au trône qu'il occupe aujourd'hui, il aura épousé l'élégance, la grâce. Et de quelle manière!