Par Brahim EL AISSI Après de longs règnes individuels et familiaux, la première République fut instaurée le 25 juillet 1957, par des jeunes militants imbus de hautes valeurs humaines. Elle fut consolidée, sous l'égide d'un architecte visionnaire par une Constitution d'avant-garde, et par de courageuses politiques économiques sociales et éducationnelles dont la mise en œuvre avait été confiée à un corps de gestionnaires qui n'avaient pas cherché, grâce à leur compétence managériale, à leur aptitude anticipatrice, à user de leur autorité administrative, mais à «être une autorité écoutée et reconnue» par toutes les catégories socioprofessionnelles, et par toutes les instances nationales à travers un réel processus consensuel. Devenu trop âgé, ce premier architecte a remis la destinée de cette fragile République aux mains d'un groupe d'attentistes très narcissiques, qui l'ont immensément malmenée, et lui ont fait endurer maints ravages et vicissitudes, jusqu'au moment où un jeune militaire, aidé par certains roublards de différentes tendances politiques et idéologiques, usurpait, sans coup d'Etat déclaré mais d'une manière douce, tous les pouvoirs, pour faire entrer, à partir du 7 novembre 1987,cette République si fragile, dans une autre sphère de régence, et désigner pour la gestion de ses institutions une junte qui ne possédait, ni l'autorité psychologique, ni la finesse pédagogique, ni même la compétence administrative. Fondant son règne sur les principes de la dépendance affective et relationnelle, cette junte avait mystifié toutes les valeurs républicaines, en usant uniquement de ses pouvoirs de coercition, d'intimidation, et de manipulation. Elle avait leurré, par ses propagandes et ses discours mensongers toutes les couches de la population, au point qu' elle n'avait fait que cultiver le culte de la personnalité, réduire le champ de la liberté individuelle et collective, pour ancrer un despotisme individuel et familial, dilapider les richesses de la nation, et semer la déception et le désespoir que chaque citoyen avait accumulés dans son for intérieur durant 23 ans consécutifs. Profondément exaspérées par l'injustice et intensément touchées dans leur dignité humaine, toutes les couches sociales avaient pris réellement conscience que leur jeune République, si vulnérable, entamait sa dérive vers une véritable dictature familiale sans merci, et que ses principes fondamentaux pour lesquels s'étaient sacrifiés plusieurs martyrs, étaient bafoués par une politique de changement saugrenue et incohérente qui n'avait fait naître et multiplier que des castes mafieuses soutenues par des structures politiques et administratives, devenues 3 ans après, machiavéliques et fascistes. Décidées à sauvegarder leurs acquis républicains, toutes les classes populaires s'étaient révoltées sans distinction et à l'unisson le 14 janvier 2011 et avaient réussi, sans heurt et d'une manière civilisée et responsable, à renverser ce régime mafieux, dans l'espoir de faire sortir leur jeune république d'un réel danger et d'un profond marasme où cette junte l'a plongée, pour la rebâtir sur de nouvelles bases démocratiques et égalitaires, faisant appel à des thérapeutes élus démocratiquement en assemblée constituante le 23 octobre 2011. Malheureusement, leur espoir tant crié et scandé ne semble pas actuellement en voie d'exaucement, et reste encore lointain, plusieurs indicateurs prouvent que certains thérapeutes, faute d'expériences en la matière, n'ont pas procédé au bon diagnostic pour déterminer les vrais maux qui rongent cette république, ils ont divagué et ont semé par leurs interventions autant de confusions et d'amalgames spirituels, idéologiques et conceptuels qu'ils l'ont enfoncée dans un plus profond désespoir, au vu et au su de plusieurs hommes politiques qui font la sourde oreille, et affichent des attitudes plutôt incompréhensibles qu'on ne peut justifier que par un faux calcul stratégique, ou par un manque de capacité de discernement et de lucidité intellectuelle : — Dénigrant toutes les réalisations sociales, économiques et intellectuelles durant ses premières années de gloire 1957 -1987, quelques apprentis thérapeutes cherchent à enterrer la première république, pour instaurer non pas une seconde, mais une autre première république, selon leurs propres conceptions, au point qu'ils n'hésitent pas à étaler publiquement leurs divagations et à manifester des attitudes outrageuses et injurieuses lorsqu'ils demandent de changer les valeurs, les insignes, et les symboles nationaux, uniquement pour marquer de leurs empreintes leur passage temporaire aux commandes de la nation. — Se distinguant par une certaine rigidité caractérielle et mentale, une cohorte d'exaltés mal intégrés et excités par le laxisme et la complaisance affichées des pouvoirs publics, arborent et hissent, en remplacement du drapeau national longtemps béni et vénéré, des emblèmes étrangers, blasphémant ainsi leur propre identité nationale, insultant leur glorieuse histoire, méconnaissant leur culture rayonnante, disloquant leur unité nationale, et salissant la clairvoyante et lucide politique étrangère de leur patrie. — Touchés par une confusion intellectuelle et conceptuelle, d'autres politiciens en herbe réclament, à cor et à cri, l'adoption des lois islamiques comme si cette République était devenue à partir du 14 janvier 2011 mécréante et ne reconnaissait plus l'islam comme sa religion officielle (châtiments corporels, institution d'un corps d'exégètes seuls habilités à vérifier la conformité des lois avec leurs propres conceptions de l'Islam (fatwas) ou d'un nouveau corps d'El Madhouns). Ces quelques thérapeutes égarés et en mal identitaire qui sont passés spontanément et d'une manière inattendue d'un état d'oppression et de servitude à un état de délivrance et d'affranchissement, montrent bien qu'ils vivent encore un profond désarroi psychologique, et qu' ils ne peuvent exprimer leurs handicaps qu'à travers des tergiversations et des hallucinations à l'instar d'un séquestré frustré qui, libéré et satisfait, perpétue certaines dérives comportementales qui restent tolérables jusqu' à un certain seuil pour une période de convalescence de 3 à 6 mois au maximum. Leur période de tolérance étant largement dépassée, ils risquent, par leurs multiples phantasmes pulsionnels , et par leurs agissements trop anarchiques qui se poursuivent depuis plus d'une année, d'une manière bien orchestrée dans toutes les régions de la nation, de mettre en danger l'avenir de cette fragile République, dont le salut demeure aux mains de toutes les organisations politiques, sociales et civiles, qui, devant le silence énigmatique des pouvoirs publics, sont appelées, plus que jamais, à assumer leur entière responsabilité historique pour la faire sortir de cette débâcle hystérique, et la replacer sur la voie du travail, de la civilité, de la liberté, du respect inconditionnel des droits universels de l'homme et de la femme, sans obédience ni référence idéologique ou religieuse. Autrement, sa survie deviendrait fort délicate et improbable, et sa décadence poindrait à l'horizon *(Psychologue du travail, consultant)