• Le ministère du Développement régional et de la Planification a préparé une étude qui comporte 90 grands projets, dans tous les secteurs et toutes les régions, d'une valeur de 93 milliards de dinars et qui offriraient 600 mille emplois directs. • La loi tunisienne n'a pas prévu des textes spécifiques aux projets réalisés en partenariat public-privé, cette formule d'investissements est très répandue pour la concrétisation des projets d'envergure. • Une nouvelle approche du développement régional qui veille à ce que l'exploitant de l'atout d'une région exerce son activité principale sur place et sous-traite les activités annexes à des entreprises implantées dans la région et exporte les produits finis. • «La délocalisation de toute la chaîne de production pourra garantir un transfert de technologie. Lors des négociations des contrats avec les promoteurs, un minimum de transfert de technologie est exigé», indique M. Youssef Bouhlel, directeur général des secteurs productifs au ministère du Développement régional et de la Planification. En énumérant les défis de cette phase de transition, M. Youssef Bouhlel, directeur général des secteurs productifs au ministère du Développement régional et de la Planification, a placé l'investissement au premier rang, avant l'emploi, le développement régional et le transfert de technologie. En effet, relever ce premier défi, principal moteur de croissance, offre des possibilités pour réaliser les autres objectifs. Et à défaut de planification et de gestion optimale de ces investissements, on risque de gaspiller les richesses du pays, qui se font de plus en plus rares, ou de creuser les inégalités entre les régions et les classes sociales. Pour l'année 2011, le DG a brossé un bilan sombre qui affiche une chute sans précédent des investissements publics et privés de l'ordre de 30%, par rapport à l'année 2010. «Tout cela nous amène à trouver une formule qui canalise les investissements vers les zones de développement régional et assure de la croissance économique» relève-t-il. Tout compte fait, un point de croissance offre 15 à 20 mille emplois directs. D'où, la nécessité de projets, pérennes, créateurs de croissance et d'emplois durables. D'ailleurs, la Tunisie a misé depuis belle lurette sur la promotion de toutes les formes et tailles d'investissement. Toutefois, l'approche adoptée a manqué d'agressivité. Des mégaprojets, qui font la une des médias, aux microprojets qui se présentent, aujourd'hui, comme la solution contre l'exclusion des plus démunis, en passant par les grands projets, l'incitation des investisseurs a été basée sur des variables pécuniaires, notamment les exonérations fiscales et les primes d'investissement. Et ces formes d'incitations fiscales figurent aux derniers rangs des critères de choix des lieux d'implantation des entreprises. Une nouvelle formule Conscient de ces faiblesses, la nouvelle politique consiste en le développement de filières industrielles complètes autour des atouts des régions. Il s'agit généralement d'un tissu d'entreprises qui se forment autour de grands projets dont l'investissement initial dépasse 10 millions de dinars. «C'est dans ce cadre que le ministère du Développement régional et de la Planification a préparé une étude qui comporte 90 grands projets, dans tous les secteurs et toutes les régions, d'une valeur de 93 milliards de dinars et qui offriraient 600 mille emplois directs», ajoute M Bouhlel. Mieux encore, lors des travaux d'installations et aménagements, les marchés créés par ces nouvelles structures sont de nature à créer le double, voire le triple, en termes d'emplois indirects. Des plateformes logistiques, des centrales photovoltaïques, des ports, des technopôles, des zones touristiques... les experts tablent à l'intégration économique de toutes les régions par la valorisation des atouts économiques, naturels et géographiques. En effet, selon cette nouvelle approche, les études émanent de l'identification des potentialités de chaque région et les opportunités d'investissements qui en découlent. Puis, l'étude se ramifiera à toutes les activités productives rattachées à ce capital régional. Ensuite, ces études seront communiquées pour trouver d'éventuelles manifestations d'intérêt des investisseurs qui se poursuivra par une consultation économique, sociale et environnementale pour sélectionner le promoteur du projet. A cet égard, il convient de préciser que ces projets pourraient être négociés sur la base de Business plan avancés spontanément par des investisseurs. Et les négociations porteront sur les composantes de l'étude présentée. Pour illustrer cette approche de développement de filière industrielle, le DG présente le projet d'exploitation du gisement de phosphate de Sra-Ouertane. «Pour ce projet, on vise à développer non seulement l'extraction du phosphate mais aussi de développer les industries connexes et l'infrastructure nécessaire», explique-t-il. Selon l'étude, le projet ne se limite pas à l'exploitation du gisement qui contient près de 5 milliards de tonnes de minerai phosphaté. Il s'agit de la mise en concession de 25 % du gisement de Sra Ouertane, la création d'une société minière et d'une société chimique, l'extraction et la flottation de 4 millions de tonnes de phosphate marchand par an, la transformation de 1 million de tonnes P2O5 /an sous forme d'acide phosphorique et engrais ainsi que l'implantation des infrastructures requises : voie ferrée, site portuaire, adduction d'eau, alimentation électrique, décharge de phosphogypse, utilités et stockages. Cette méthodologie vise à ce que l'exploitant de l'atout d'une région exerce son activité principale sur place et sous-traite les activités annexes à des entreprises implantées dans la région et exporte les produits finis. Ce qui est de nature à encourager les investisseurs à délocaliser des métiers entiers et une partie des activités de leurs fournisseurs. Selon le DG, «cette délocalisation de toute la chaîne de production pourra garantir un transfert de technologie». Et d'ajouter : «lors des négociations des contrats avec les futurs promoteurs, un minimum de transfert de technologie est exigé». Des contraintes juridiques Dans ce sens, la réalisation de ces projets pourrait être freinée par quelques difficultés techniques et surtout des contraintes réglementaires. D'ailleurs, «en matière d'environnement, nous sommes très exigeants, même dans le cas de projets créateurs d'emplois», insiste le DG. Tout Business plan, dit-il, doit être complété par une étude environnementale. Déjà, un projet créateur de 2.000 emplois a été refusé pour ses conséquences néfastes, notamment sur la nappe d'eau de la région cible. De même, le respect de la législation tunisienne, notamment en matière de droit de de travail, décourage plusieurs investisseurs, surtout les Asiatiques, et principalement les Chinois. «On veille à ce que les investisseurs respectent la limite d'emploi de quatre responsables étrangers», précise M Bouhlel. Sur un autre plan, la loi tunisienne n'a pas prévu des textes spécifiques aux projets réalisés en partenariat public-privé. Surtout que cette formule d'investissements est très répandue pour la concrétisation de ces projets d'envergure. L'Etat se charge de la réalisation des infrastructures et les opérateurs privés aménageront le site conformément aux besoins de l'activité et aux normes du secteur. S'agissant de la convertibilité du dinar, le responsable rappelle qu'il ne s'agit pas d'une réelle contrainte, puisque l'investisseur gère ses fonds dans un compte en devises et que le rapatriement des bénéfices n'est pas limité.