• Elle ignorait que son nom figurait sur la liste de soutien à la candidature de Ben Ali pour 2014 C'est elle qui a provoqué la rencontre avec la presse tunisienne. Elle y tenait. Invitée d'honneur du Festival international du film pour l'enfance et la jeunesse de Sousse, Fifej (du 25 mars au 1er avril), Hind Sabri, l'une des actrices les plus populaires de la scène artistique arabe, a voulu mettre les points sur les i à propos de certains malentendus et faire bonne figure auprès d'une presse exigeante et toujours aux aguets concernant la moindre erreur. Mais elle a aussi parlé de ses prochains films et feuilletons et donné son point de vue de la scène politique tunisienne et arabe. «C'est tout d'abord par patriotisme que j'ai accepté l'invitation du Fifej. La Tunisie me manque beaucoup», a déclaré l'artiste au cours de son intervention. Hind Sabri a créé l'événement à Sousse, grâce à son interprétation efficace et émouvante dans le long métrage Asma, qui lui a valu le prix Dear Guest de la meilleure actrice. Propulsée à l'âge de 14 ans au- devant de la scène cinématographique, grâce à son rôle dans Les silences du palais de Moufida Tlatli, elle est devenue la petite reine du grand écran que tous les cinéastes, égyptiens notamment, s'arrachent. Cultivée, intelligente et exigeante, elle ne cesse de parfaire son jeu d'une œuvre à l'autre. L'actualité de l'actrice est riche en nouveautés : un feuilleton télévisé politico-policier intitulé Vertigo, adaptation d'une œuvre littéraire du jeune auteur de 32 ans Ahmed Mourad, auteur, entre autres, de L'immeuble Yacoubian. «A part Néjib Mahfoudh, rares sont les écrivains dont les livres ont été portés à l'écran. Ce retour aux œuvres littéraires est une belle opportunité pour la fiction», explique Hind Sabri qui a pris des cours pour apprendre les rudiments de la photographie dont il est question dans le feuilleton et s'investir à fond dans la peau du personnage. Son succès et sa popularité sur la scène artistique arabe ont fait d'elle une star et elle en paie parfois chèrement le coût. Que de jalousies n'a-t-elle pas provoquées dans le milieu. Même en Tunisie, ce succès, au lieu de susciter la considération de la presse tunisienne, provoque parfois et paradoxalement son courroux. Que lui reproche-t-on au juste ? Certains parlent d'un excès de narcissisme et d'orgueil. Même si elle le cache bien, l'amour-propre de l'actrice est affecté. Aguerrie, elle se montre compréhensive et a les mots justes pour le souligner : «la critique est dure à l'égard de l'artiste qui réussit, notamment lorsque cette réussite a lieu sous d'autres cieux. Mais je le comprends, car comme le dit l'adage ‘‘qui aime bien châtie bien''». Son éloignement de la scène artistique tunisienne, en dépit de ses apparitions sporadiques dans les films et feuilletons locaux, Hind Sabri l'impute d'abord à ses nombreuses sollicitations, tout en précisant qu'en Tunisie, depuis sa participation dans le feuilleton ramadanesque Mektoub de Sami Fehri, aucune proposition ne lui est parvenue. «D'ailleurs, je saisis l'occasion pour faire appel à nos cinéastes de faire appel à moi dans leurs prochaines fictions. Le cinéma tunisien me manque terriblement», lance-t-elle. Ne tirez pas sur l'actrice ! Par ailleurs, tout semble aller comme un gant pour la jeune actrice, aujourd'hui heureuse maman d'une fillette. Elle est à l'aise autant dans le comique que le tragique. A travers son personnage à la fois loufoque et niais dans le feuilleton Aïez adgaouez (Je veux me marier), Hind Sabri a conquis les cœurs des spectateurs arabes qui l'ont beaucoup appréciée dans ce genre de rôle qu'elle considère «difficile». «Je ne suis pas prête à refaire l'expérience tout de suite. Il me faut encore plus de rôles dramatiques pour revenir par la suite à la comédie». Asma de Amrou Salama, le film en lice à la 9e session du Fifej, est du style dramatique. Sa sortie dans les salles égyptiennes lui a valu l'adhésion de très nombreux spectateurs, ainsi que celle de la critique. «Il a récolté trois millions de livres égyptiennes, soit environ 800.000 dinars, ce qui n'est pas si mal, compte tenu de la situation sécuritaire du pays», relève-t-elle. Dans ce film, Hind Sabri, qui campe le personnage principal, celui de Asma, femme contaminée par le virus du sida et luttant pour sa survie, reconnaît que cette production pêche par son didactisme et son côté pédagogique bien accentué. «Le film a provoqué un véritable dilemme lors de la présentation de sa candidature au festival de Cannes. Il a été rejeté par le comité de sélection, à cause de certaines scènes trop explicatives et démonstratives. Mais le réalisateur n'a voulu toucher à aucune scène, par honnêteté vis-à-vis du personnage dont est inspirée l'histoire du film», souligne-t-elle. Pour entrer dans la peau du personnage, Hind Sabri, profondément perfectionniste, a assisté à un stage de coatching proposé par Tom Badel de l'Actor's studio américain, venu en Egypte dans le cadre d'un stage de formation pour de jeunes comédiens. «Il m'a énormément apporté, en me livrant quelques conseils techniques qui m'ont beaucoup aidée, notamment dans la composition du personnage de Asma. Il a su me faire assimiler le côté rigide de ma personnalité. D'autre part, je me suis servie des livres, de la musique et des rencontres avec les gens atteints de cette maladie», précise l'actrice. La politique n'est pas son dada, mais elle note que le vivre ensemble, dans cette phase transitoire, est indispensable. «Je suis solidaire avec les artistes tunisiens qui se sont fait agresser par les salafistes, dimanche dernier. Je leur apporte tout mon soutien», déclare-t-elle. Dans le même ordre d'idées, elle prend la défense de Adel Imam, qui a eu des démêlées avec la justice égyptienne au sujet de son dénigrement des frères musulmans dans certains de ses films. «Les arabes, s'ils s'accordent sur quelque chose, c'est sans aucun doute, sur des artistes comme Oum Kalthoum, Abdelhalim Hafedh et Adel Imam», note-t-elle. Hind Sabri s'est également expliquée sur la présence de son nom sur la liste de soutien à Ben Ali pour 2014, indiquant qu'elle a pleuré de toutes ses larmes lorsqu'elle a appris qu'elle y figurait, malgré elle. «J'ai écrit une lettre ouverte avec le titre «Ne tirez pas», publiée sur facebook et partagée par 3.000 internautes», affirme-t-elle. Elle a abordé aussi la question de son engagement en tant qu'ambassadrice de l'Unesco pour la lutte contre la faim dans le monde et, particulièrement, dans certains pays arabes. Hind Sabri a su convaincre son auditoire et surtout la presse nationale dont les heureuses retrouvailles lui mettent du baume au cœur. Maintenant que les explications sont faites, on espère que les malentendus sont dissipés et que la relation de la comédienne avec les médias redémarre sur des bases apaisées et sereines.