Les droits humains de la femme face au silence institutionnel et inter-étatique, le CSP et la culture pro-égalitaire entre les genres face au conservatisme et à la charia, la démocratie et les aspirations d'un peuple assoiffé de liberté face au dogmatisme islamiste et à l'incompréhension du principe générique et fondamental des droits. La Tunisie se trouve actuellement au beau milieu du dilemme; un dilemme qui la tiraille non sans menace. La question du genre occupe une place de choix, car à cheval entre la volonté accrue d'une face de société consciente de l'importance de l'égalité entre les hommes et les femmes et une face plus imprégnée des repères rétrogrades. Le renforcement et la promotion des droits humains fondamentaux des femmes en Tunisie est le thème générique d'un atelier qui a eu lieu récemment et qui a permis à un grand nombre de responsables et d'experts dans plusieurs domaines de faire le point sur la question. Plus d'un thème, il s'agit d'une préoccupation de taille qui, à la fois, angoisse et motive la femme tunisienne libre et la pousse à lutter contre la menace de la répression et l'abandon de ses acquis. La question a été décortiquée en onze thèmes, convergeant tous vers l'indispensable lutte contre la discrimination sexiste et la nécessité d'asseoir désormais un dialogue franc et ouvert à l'échelle euro-tunisienne et tuniso-méditerranéenne quant à la cause de l'équité des genres. Il faut dire que la femme apparaît souvent comme le maillon faible de la chaîne sociale, économique, politique et culturelle. Elle l'est non pas à défaut de mérite mais en conséquence à d'interminables pratiques de ségrégation. Souvent privée du droit à un travail conforme à ses compétences, aux rémunérations qu'elle mérite, de la facilitation de l'accès à la propriété, la femme tunisienne est en droit d'être considérée comme un acteur indispensable à l'économie et reconnue en tant que telle. Pour y parvenir, il convient de diffuser une culture pro-égalitaire. Or, les choses se compliquent davantage, notamment par l'ascension d'un parti conservateur au pouvoir. Mme Dorra Mahfoudh, sociologue, trouve que les inégalités dont souffre la femme se complètent et se renforcent les unes les autres; des inégalités qui, appuyées par l'esprit conservateur, menacent sérieusement les acquis de la femme. Sur le plan politique, la situation est tout aussi préoccupante. La société civile s'active pour réussir à transmettre le message de l'égalité des genres à un gouvernement à dominante conservatrice. Les 217 membres de l'Assemblée nationale constituante ont reçu un dossier sur la question; un appel de la société civile à prendre au sérieux cette question plus que jamais fondamentale. Par ailleurs, les droits de la femme à une santé reproductive éclairée, respectant la santé féminine semblent un sujet à débattre. La montée du conservatisme commence, en effet, à délester la femme tunisienne de certains acquis comme l'interruption volontaire de grossesse ( IVG); une pratique jusque-là autorisée durant les trois premiers mois de grossesse et qui s'avère, désormais, refusée par bon nombre de médecins. Mme Selma Hajri signifie son inquiétude quant au sort des femmes pauvres dans de pareilles circonstances. Par ailleurs, et en ce qui concerne l'aspect culturel de la Tunisie d'après-révolution, les femmes de culture appellent à la diversité culturelle et à la tolérance. Pour Mme Raja Ben Ammar, femme de théâtre, « la création artistique est un apprentissage de la liberté, donc un outil de la démocratisation pas seulement politique mais de toute la société ». Echange tuniso-européen et cause féministe La question de l'égalité des genres et la promotion des droits humains de la femme ne relèvent pas uniquement de la politique nationale mais aussi du dialogue et du partenariat tuniso-européen et tuniso-méditerranéen; un dialogue bilatéral, fondé non pas sur la réception unilatérale des propositions de la rive nord de la Méditerranée, mais sur le principe commun de trouver des solutions adaptées et efficaces pour les deux rives de la Méditerranée. La promotion de l'équité des genres doit impérativement figurer au cœur des débats et des engagements inter-étatiques. La vigueur de l'échange permettra de préserver les acquis de la femme contre toute forme d'atteinte. Mme Monia Ben Jemia et Mme Hafidha Chekir mettent l'accent sur la menace islamiste qui commence à atteindre remarquablement l'un des acquis majeurs de la Tunisie, en général, et de la femme tunisienne, en particulier, qu'est le Code du Statut Personnel ( CSP). Certes, l'état des lieux de la place de la femme dans la vie économique, sociale et politique est loin d'être glorieux. La réalité des droits humains de la femme ne l'est également point. La montée allant crescendo de l'esprit conservateur dans une société en pleine crise éthique et identitaire ne fait qu'aggraver les choses, menaçant ainsi les principes de fond que sont la modération et le respect de la liberté. Toutefois, l'avenir peut être placé sous le signe de l'égalité des genres, du respect de l'être qui donne la vie et du respect des principes de la démocratie. Mais pour cela, un travail de taille et de longue haleine doit être mené par les militants pour la cause féministe et pour la tolérance. L'atelier sur le renforcement et la promotion des droits humains et fondamentaux de la femme en Tunisie s'est achevé sur une série de recommandations, lesquelles ont été soumises à l'Assemblée nationale constituante.