Jazz à Carthage a connu, mardi dernier, l'une des plus riches soirées de cette 7e édition. Pas d'apéritif ni d'entrée, que du consistant avec deux groupes de blues et de jazz: Frank Salis H30 de Suisse et le duo américain Branford Marsalis & Joey Calderazzo. Les Suisses ont été les premiers sur scène. Composé de Frank Salis à l'orgue Hammond et au piano, de Marco Nevano au saxophone, de Rocco Lombardi à la batterie et de Sandro Schneebeli à la guitare, ce groupe a un historique incroyable. Ses prémices reviennent, en effet, au plus jeune âge de ses membres, en particulier Frank Salis dont il porte le nom. Ce jeune homme a su qu'il serait musicien dès l'âge de huit ans et, à 10, il forme déjà son groupe avec Rocco Lombardi. Une dizaine d'années et un diplôme en composition et arrangements plus tard, il forme le groupe Frank Salis H30. Le fruit de cette formation donne un premier album intitulé Mad Dog, décrit comme «un titre qui leur va comme un gant, tant le trio est tonique et touche à tout. Faisant la part belle à chacun des musiciens, les morceaux balancent entre jazz qui swingue et blues d'enfer». Une description assez fidèle à ce que propose le groupe sur scène. Sa partie était comme une brise parfumée, et il n'était pas difficile de s'imaginer à déguster cette musique au bord d'une plage, pourquoi pas celle de Gammarth. Les compositions du Suisse italophone Frank Salis pétillent comme la jeunesse des membres du groupe qui se démarquent autant en solo qu'en groupe. Avec leurs morceaux et l'accent italien de leur français, il ont mis du soleil dans la nuit et ont été applaudis comme il se doit par le public. Quant à Branford Marsalis & Joey Calderazzo duo, ils viennent de là où le jazz est né. C'est la rencontre entre un saxophoniste et un pianiste de talent. Le premier, Branford Marsalis est originaire de la Nouvelle-Orléans. Cela en dit long sur ses dispositions artistiques mais il est en plus issu d'une famille qualifiée de « dynastie du jazz ». Son parcours n'est pas moins remarquable: «plusieurs fois nominé comme soliste et trois fois primé aux Grammy Awards (meilleur instrumentiste en 93, meilleure interprétation en 94 et meilleur album jazz solo en 2000)», ainsi que des collaborations avec des noms allant de Miles Davis et Dizzy Gillespie à Sting et le rappeur Gangstarr . De plus, il est la tête du Marsalis Quartet depuis 1999. A cet artiste, on ajoute un pianiste nommé Joey Calderazzo, dont le moins que l'on puisse dire après le concert de Jazz à Carthage, c'est qu'il sait extraire toutes les possibilités de son piano. Ce n'est pas sur scène que cela se passait, mais entre ciel et terre où une musique, volatile, naissait pour disparaître aussitôt, laissant un arrière-goût de plaisir. Un plaisir qui ne s'offre qu'à un cœur libre de toute charge, encore capable d'évasion et d'élévation. Le duo a interprété des airs du Marsalis Quartet, dont deux composés par Calderazzo lui-même. Même le rappel, qui devient une évidence après une soirée pareille, avait un goût particulier, celui de la musique bien faite, tout simplement.