• «Peu importe l'œil avec lequel on considère les légendes. Peu importe le jugement que l'on émet sur elles. Moi, je ne les mettrai pas en discussion...» Tacite, historien latin (55-120 après J.-C.) Kairouan, une ville célèbre pour son passé glorieux et son présent au cachet typique, ne dévoilera jamais ses secrets à la même personne. C'est pourquoi elle continue de susciter l'intérêt des historiens et des chercheurs qui constatent que dans cette ville le moderne et le traditionnel cohabitent en une merveilleuse harmonie. La capitale aghlabide n'est ni légende ni réalité : elle est les deux ou plutôt entre les deux. Ainsi, plusieurs mythes se sont greffés à l'histoire de Kairouan et demeurent ancrés dans les esprits. A cet effet, la tradition dit que sept visites à Kairouan équivalent à un pèlerinage à la Mecque. La légende nous apprend d'autre part que Abdallah (alias Abou Zamaâ) El Balaoui, originaire de la péninsule arabique et compagnon du Prophète, a eu, lors du serment d'adieu de ce dernier, trois poils de sa barbe qu'il a mis dans son avant-bras. On raconte qu'il a demandé, de son vivant, qu'on les inhume avec lui, un sur la langue et les deux autres sur les yeux, ce qui fut fait. Rakkada, «la dormeuse» Autre fait, autre légende. Sur ordre de son médecin, en 876, le monarque aghlabide Ibrahim II a fait une marche à pied afin d'être guéri de l'insomnie. En arrivant à un certain endroit appelé depuis lors Rakkada, «la dormeuse», il eut envie de dormir. Depuis ce moment-là, ce site est devenu la demeure préférée des monarques en quête de repos. L'eau de Barrouta On raconte par ailleurs que tout visiteur qui boit de l'eau du puits de Barrouta qui communique, selon la légende avec Zemzem, est assuré de revenir un jour ou l'autre à Kairouan. D'autre part, certains affirment que lors du décès de sa grand-mère, en l'an 411 de l'Hégire, l'Emir Moez Ibn Badis Essanhaji a fait fabriquer pour elle un cercueil en bois importé de l'Inde, incrusté de perles et décoré de plaques en or et de 21 colliers en pierres précieuses. La grand-mère a été ensuite inhumée en portant 120 robes dans un cimetière à Mahdia. Enfin, il paraît que 400 femmes constituaient le harem de Youssef Belkin, le prince sanhaji, et qu'en une seule journée on lui a annoncé la naissance de 17 bébés. Quoi qu'il en soit, il est vrai que, souvent, les récits que nous venons de citer devancent l'histoire ou l'explicitent. Avec des créations imaginatives, ils transmettent plusieurs messages que chacun interprète à sa façon. Kairouan est-elle donc un mythe réel ou une réalité mythique? N'est-elle donc pas hors du commun? De toute façon, la réalité historique et actuelle de Kairouan est toujours révélatrice de son éminence.