• Protestations contre la domination du pouvoir et les pratiques de corruption • Les magistrats organisent, le 27 avril, un sit-in au siège de l'ANC en signe de protestation contre le retardement des mesures sur la réforme de la magistrature L'Association des magistrats tunisiens (AMT) a donné, hier, au Tribunal de première instance, à Tunis, un point de presse afin de mettre à nu les risques qu'encourt la magistrature tunisienne en l'absence de réformes visant à garantir son indépendance. Le point de presse a également permis aux membres de l'association de dévoiler les pratiques malsaines qui perpétuent l'esprit de copinage, de dépendance quant au pouvoir législatif, dans un climat de non-transparence et de dialogue unilatéral. Les magistrats tunisiens ont porté un brassard rouge en signe de protestation contre le retard injustifié et inadmissible observé dans la mise en place de réformes nécessaires à la magistrature; un retard dont font preuve et le ministère de la Justice et l'Assemblée nationale constituante ( ANC). Présidant la rencontre, Mme Kalthoum Kannou, présidente de l'association, a fait part de la décision des magistrats de recourir à des actions de protestation, dont le port du brassard rouge durant une semaine, l'organisation du présent point de presse dans le but d'éclairer le grand public sur la situation de la profession en Tunisie post-révolutionnaire, ainsi que l'organisation, le 27 avril, d'un sit-in au siège de l'ANC. Ces mesures sont une réaction au retard provoqué par les parties concernées, notamment l'ANC et le ministère de la Justice, quant à la réforme du domaine. « Après la révolution, le corps de la magistrature a exprimé son besoin en une série de réformes cruciales dont la destitution du Conseil supérieur de la magistrature, la création d'une instance indépendante et provisoire, laquelle sera chargée des désignations et des mutations dans un climat de transparence. Pour notre part, nous avons déposé un projet relatif à cette éventuelle instance dans l'espoir d'un dénouement proche. Or, une année et demie après la révolution, la magistrature continue de souffrir des mêmes défaillances, ce qui est très grave», indique Mme Kannou. En effet, rien ne laisse prévoir la mise en place effective de l'Instance indépendante de magistrature. Pourtant, il existe bel et bien un texte de loi ( l'article 22) qui prépare déjà le terrain à ce projet. L'oratrice a indiqué que l'association a déposé un projet de loi sur l'instance indépendante, un projet qui a été écarté sous prétexte qu'il est tout à fait contradictoire avec un autre projet proposé! D'un autre côté, le dialogue et la coordination entre l'Association des magistrats tunisiens et le ministère de la Justice semblent être faussés. Mme Kannou souligne que le ministre de la Justice «monopolise» le droit de prendre des décisions et de désigner les magistrats. « Nous avons attiré son attention sur l'importance du dialogue bilatéral entre le ministère et l'association. Suite à cette démarche, il a été décidé de créer des comités qui seront chargés des désignations, chose qui n'a finalement pas eu lieu», ajoute la présidente de l'association. Aussi, les désignations effectuées ne répondent-elles ni au critère de priorité ni de logique. L'oratrice s'indigne de la non-implication et la non-information de l'association sur le projet du collectif de magistrats, lequel sera chargé de traiter les dossiers de corruption financière. Elle s'est également interrogée sur la réunion organisée, le jour-même, par le ministère de la Justice avec l'association; une réunion qui traduit une réaction aux protestations des magistrats et qui n'émane donc pas de la volonté confirmée de résoudre les problèmes de la magistrature en Tunisie. « Le retard dans la mise en œuvre du projet de l'Instance indépendante revient essentiellement à l'ANC. D'autant plus que le ministre de la Justice est le premier responsable de l'absence de mesures pertinentes pour l'amélioration de la situation des magistrats», conclut Mme Kannou. Prenant la parole à son tour, Mme Raoudha Karafi, présidente adjointe de l'association, a rappelé que la séparation du corps législatif et du corps exécutif constitue l'une des principales recommandations des magistrats dans une Tunisie post-révolutionnaire. Elle a précisé qu'il est impératif que les membres de l'Instance indépendante soient élus en toute transparence, et ce, conformément aux critères internationaux. Elle a par ailleurs indiqué qu'un nouveau conseil administratif a été créé pour un mandat de trois ans sans pour autant faire l'objet d'une assemblée générale et sans une cérémonie de passation, chose qu'elle trouve anormale. Mme Karafi a également indiqué que la répression reprend de plus belle: à Sousse, des magistrats ont été interdits de mettre le brassard rouge, une interdiction qui provient, dit-on, du ministre de la Justice. De son côté, M. Mohamed Beltaïef, membre du bureau exécutif, a évoqué la question des cartes professionnelles pour les magistrats, précisant que ces derniers refusent désormais de se soumettre à la tutelle du ministère de la Justice. Il a également parlé de la situation financière des magistrats et du besoin de réviser leurs salaires, soulignant qu'ils vivent dans la «précarité». Pour sa part, M. Anas Hamidi, membre du bureau exécutif, a souligné que les décisions du pouvoir législatif doivent émaner des principes et des recommandations de la révolution.