• Tous les enfants n'ont pas les mêmes chances de réussite . Les raisons sont multiples. L'accès à l'éducation est-il le même pour tous? Les élèves sont-ils traités de manière égalitaire au sein de l'enceinte éducative? Vraisemblablement non, dans la mesure où, selon les théories qui se sont succédé au cours des dernières décennies et qui se sont intéressées au rendement du système éducatif, l'école a tendance à reproduire l'inégalité sociale, en appliquant la même approche pédagogique à tous les élèves, alors que les rythmes d'apprentissage sont différents, ce qui ne fait que creuser l'écart entre ces derniers. «Il existe plusieurs formes d'intelligence et de mémoire chez les enfants, note Majid Chaâbane, directeur de l'enseignement primaire au ministère de l'Education. La mémoire est auditive chez certains et visuelle chez d'autres. L'école ne tient pas compte de ces différences et impose le même rythme d'apprentissage à tous les élèves, ce qui rend difficile l'assimilation des connaissances et renforce, par conséquent, l'inégalité entre les enfants». Par conséquent, est-ce que tous les établissements éducatifs peuvent faire preuve d'équité entre les élèves? Le débat a été soulevé au sein du ministère de l'Education selon qui la solution serait d'octroyer plus de moyens aux établissements éducatifs qui en ont le moins «afin de garantir davantage d'équité». Au cours des dernières années, se basant sur une série d'indicateurs sur les disparités entre les régions en matière d'éducation, la direction de l'enseignement primaire a procédé à une évaluation du système éducatif dans les régions afin de ressortir les lacunes qui renforceraient les inégalités entre les élèves, «même si la situation est complexe», note le directeur de l'enseignement primaire. Dans certaines régions, le taux de scolarisation des enfants âgés de six ans est inférieur à la moyenne nationale Premier indicateur sur lequel s'est basée l'étude diligentée par la direction : le taux de scolarisation des enfants âgés de six ans. Bien que 99,3% des enfants soient scolarisés chaque année, certaines régions connaissent un taux de scolarisation en-deçà de cette moyenne, à l'instar de Béja, Kasserine, le Kef, Sidi Bouzid et Kairouan où il atteint seulement 96%. Alors que le nombre d'établissements primaires est élevé dans la plupart de ces localités, des enfants âgés de six ans, soit n'ont pas été inscrits en première année primaire soit ont été obligés d'abandonner leurs études au cours de l'année scolaire. Les raisons sont multiples : quelques-uns d'entre eux qui habitent dans des endroits très reculés et qui vivent dans une extrême pauvreté, doivent parcourir tous les jours le long trajet qui les sépare de leur école. La faim et la fatigue ont fini par prendre le dessus, les obligeant à quitter l'école. Par ailleurs, les divers risques auxquels sont exposés les enfants sur le chemin de l'école soulèvent l'inquiétude des parents qui préfèrent garder leurs progénitures auprès d'eux, plutôt que de les inscrire à l'école. «Il est nécessaire d'aménager un temps scolaire qui s'adapte aux spécificités de la région ainsi qu'une cantine scolaire où les enfants peuvent se restaurer. Pour les enfants qui effectuent de longues distances, il faudra probablement prévoir une collation. Notre objectif est que tout le monde aille à l'école», relève M. Chaâbane. Inscrire un enfant en classe préparatoire augmente ses chances de réussite dans le primaire En outre, du fait que l'accès inégal aux classes préparatoires constitue un indicateur de disparité, le ministère a recensé au cours de l'année 2011 les établissements primaires qui ont intégré une classe préparatoire. «Les meilleurs systèmes éducatifs sont ceux qui ont intégré l'année préparatoire en tant qu'année obligatoire. 30% des enfants qui ont fait l'année préparatoire ont mieux réussi leurs études primaires que ceux qui n'ont pas du tout fait de classe préparatoire. Le meilleur moyen d'assurer l'éducation tout au long de la vie, c'est de commencer par l'année préparatoire. Cela permet de dispenser la même formation à tous les enfants, afin qu'ils soient plus tard sur un pied d'égalité», explique le directeur de l'enseignement primaire. Selon les dernières statistiques établies, la proportion de classes préparatoires est passé de 8.1% au cours de la saison scolaire 2001/2002 à 46.8% au cours de l'année 2011/2012. Ces chiffres montrent que près de la moitié des établissements primaires se trouvant sur le territoire n'ont toujours pas intégré la classe préparatoire, ce qui ne fait que consolider l'inégalité entre les enfants qui ont fait une classe préparatoire et ceux qui n'en ont pas fait et qui ne vont pas démarrer, par conséquent, l'année scolaire avec les mêmes connaissances. «Dans une région comme celle de Monastir, 23% des établissements primaires ont une classe préparatoire. A Gabès, ce chiffre s'élève à 67%. Ces chiffres révèlent la disparité existant entre ces deux régions. Les enfants ne sont pas égaux devant le système éducatif. Tous les établissements primaires doivent intégrer la classe préparatoire», poursuit le responsable au sein du ministère de l'Education. Corrélation étroite ente le niveau d'instruction de la mère et les chances de réussite de l'enfant La direction a également procédé, de 2003 à 2010, au suivi des élèves inscrits de la première année jusqu'à la sixième année de base, afin de montrer s'il existe un lien entre le taux de réussite des élèves au primaire et le niveau d'instruction des parents. Cette étude a montré que plus le niveau d'instruction de la mère est élevé, plus les chances de réussite sont également élevées pour l'élève. Or dans la plupart des régions, de nombreuses familles ont un niveau d'instruction très faible ce qui ne fait que réduire les chances de réussite de l'élève qui ne trouve pas d'encadrement à la maison. L'étude réalisée a permis également d'établir une corrélation entre l'abandon précoce et les conditions socio-économiques des familles dont sont issus les élèves qui ont interrompu leurs études et abandonné le collège. Le taux d'abandon le plus élevé a été enregistré à Kairouan (11%) et le moins élevé à Tunis avec 4,5%, soit un taux qui reste inférieur à la moyenne nationale qui s'élève à 7.9%. S'agissant du taux d'échec généralement responsable de l'abandon précoce, le taux le plus bas a été enregistré dans les régions de Jendouba, du Kef et de Kasserine alors que les gouvernorats de Sfax et de Médenine connaissent par contre un taux d'échec élevé, notamment dans les patelins où les familles vivent dans des conditions difficiles. Suite à cette étude, plusieurs recommandations ont été émises et présentées au cours du colloque national qui a été organisé récemment sur la réforme du système éducatif. L'amélioration de l'accessibilité à l'école, un meilleur aménagement des établissements (cantines scolaires, salles de révision...), une meilleure prise en compte des spécificités des régions lors de l'établissement du calendrier scolaire figurent parmi les plus importantes à envisager à l'avenir afin d'améliorer le rendement du système éducatif et de donner les mêmes chances de réussite à tous les élèves.