La rupture est-elle consommée entre les journalistes et le gouvernement ? Les ponts du dialogue ont-ils été coupés ? Ces deux interrogations se sont invitées, hier, au cœur de l'actualité politique nationale, à la faveur de la décision des journalistes conduits par le syndicat et des membres de l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication (Inric) de boycotter les travaux de la consultation nationale sur l'information, organisée à l'initiative du Premier ministère. Hier, au siège du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle (la grande bâtisse du Bardo où trônait l'ex-Chambre des conseillers), Noureddine B'hiri, ministre de la Justice, venu apparemment pour remplacer Hamadi Jebali, qui devait présider l'ouverture de la consultation, et Lotfi Zitoune, le ministre conseiller du chef du gouvernement, chargé des dossiers politiques, se sont retrouvés devant des chaises vides où «les quelques présents ne représentent qu'une infime partie du paysage médiatique national». C'est bien Mme Sihem Ben Sedrine, présidente du Centre de Tunis pour la justice transitionnelle, qui a fait ce constat en réclamant le report de la consultation afin d'y associer les principaux intéressés, en l'occurrence les journalistes. Ces derniers ont, en effet, réagi par la voix du secrétaire général de leur syndicat qui estime que «le Snjt a été informé tardivement de la tenue de la consultation». Il explique, également, la décision du syndicat de ne pas participer à la manifestation à cause de l'appel que les organisateurs ont lancé «à des parties connues pour leur loyauté totale à Ben Ali et qui cherchent aujourd'hui à se repositionner et à imposer une autre tutelle aux journalistes». Quant à l'Inric, elle estime que la consultation n'a pas été préparée en concertation avec toutes les parties concernées, d'où la conviction de son président, Kamel Laâbidi, qu'elle ne peut aboutir à des résultats concrets en l'absence des journalistes. La question demeure posée : «N'est-il pas temps que cette crise de confiance entre le gouvernement et les médias soit dépassée et de laisser la place à de nouveaux rapports de nature à apaiser les tensions, à consacrer le principe de la concertation continue et à ouvrir la voie à l'instauration d'une information libre, pluraliste et indépendante ?». Il est à préciser que Noureddine B'hiri, ministre de la Justice, a souligné, en ouvrant la consultation, que «le gouvernement actuel ne veut pas transformer les médias en nouvel outil de propagande au service du pouvoir».