Par Hamma HANACHI Les embouteillages du centre-ville et les voies d'accès à la capitale sont asphyxiants, la circulation dans les cités est une jungle qui s'agrandit à vue d'œil, personne n'échappe aux bouchons, à la pollution, au coup de klaxon, à la nervosité, aux cris et autres insultes, de quoi décourager un homme à sortir de chez soi. Le marché de la voiture tient la forme, tout porte à croire que nous jouissons sans réserve des fruits d'une croissance, pas de menaces à l'horizon, mobilité durable, alternative écologique? Connais pas, la crise? N'y pensez pas, roulons à pleins gaz, et vive le progrès! On rêverait d'opérations «jours sans voitures», d'une circulation limitée, de vélos en libre service, d'aménagements cyclables, de campagnes de sensibilisation sur les coûts économiques de l'auto. Pour changer d'air, le temps de rêver un peu, on est allé apprécier des modèles de bicyclettes dessinées, conçues par des designers hollandais, connus pour leur attachement à ce moyen de locomotion, Amsterdam, Utrecht, Groningue avec Copenhague au Danemark sont en tête du peloton en nombre d'usagers de la petite reine. L'exposition intitulée Dutch Bike organisée par l'ambassade de Hollande à Tunis fait le voyage à travers le monde de Pékin à Bratislava, de Moscou à Milan, elle pose pied à l'Acropolium de Carthage (jusqu'au 18 mai) et continuera son chemin de ville en ville jusqu'à 2015. Remarquable scénographie, chaque modèle est mis en valeur dans un espace autonome, on y découvre un vélo miniature, haute selle et grosse roue, une manette en place du guidon, un autre en lignes pures, nettes et rondes appelé cruiser, une draisienne pliable, un vélo concept (sic), ligoté par des chaînes à bicyclette, un autre à axe massif appelé vélo chêne et un autre encore, aussi insolite, en titane et carbone pour coureur lent, des vélos de ville, de campagne, des formes, des matériaux et des dimensions originales, des bécanes fantaisistes ou fonctionnelles, des objets inspirés du vélo, des sacs de voyage, une sonnette-boîte à musique, un collier, des bijoux créés à partir d'objet de vélo. Une course cycliste est annoncée par la Fédération et l'Acropolium, un appel à projet pour des créations inspirées par la bicyclette. Ça bouge sans accélération. ••••• Ils étaient des cents et des mille à arpenter l'avenue Habib-Bourguiba, ficus enrubannés, chants d'oiseaux, des femmes, des hommes avec des enfants, responsables syndicaux, chefs de partis, alignés dans la discipline et la dignité, les bras agrippés les uns aux autres, costumes, bérets, bobs, chapeaux, couleurs, voix à timbres multiples, des mots d'ordre appropriés et calicots hauts perchés, gouaille populaire, drapeaux et écharpes, défoulement sans ostentation : un défilé historique sans heurts, sans démonstrations, hormis les revendications légitimes et des banderoles déployées. Moments de fraternité, desseins communs. A l'autorité qui, il y a peu, voulait interdire les manifs dans cette artère symbolique, le peuple, le vrai répond, que l'interdit illégitime, d'où qu'il vienne provoque toujours la violence. Temps clair et chaleur humaine, échoppes, cafés et restaurants remplis d'hommes, de femmes, visages ouverts, enjoués, naturels, des commerçants ravis dans cette ambiance de liesse, rencontres et embrassades, «Y a d'la joie!» dirait le fou chantant. Envie de muguets en ce 1er mai exceptionnel. L'année prochaine. ••••• Souvenir. Long cortège de jeunes bobos contestataires à Bruxelles, marche mixte, sifflets en bouche, en combinaison, rangées de cyclistes en tête, piétons au milieu et cordon de cyclistes fermant la marche. Une manifestation contre l'énergie nucléaire ••••• Jeudi dernier, cette chronique évoquait avec considération l'intérêt porté par le ministère de la Culture à la Journée internationale de la lecture, cet encouragement ne devrait pas se contenter de célébration. En toute occasion, nous saluerons chaque manifestation de cette nature. Encore une bonne nouvelle venant de la même autorité : pour la première fois dans son histoire, notre pays célèbre la Journée internationale de la danse (dimanche 29 avril). On en est réjoui, quelques professionnels, sonnés, n'en reviennent pas, le geste est admirable. La danse, une discipline à part, l'incompréhension qui l'entoure atteint toutes les catégories sociales, son champs est réduit, il vit, au mieux dans une sorte de dissidence, au pire dans la marginalité. C'est un public et des artistes de résistants. Que voit-on dans la chorégraphie moderne? Comment la définir? Progressiste, réactionnaire, traditionnaliste, moderniste ? Est-elle abstraite comme la musique classique? C'est tout ça à la fois, avec moins de visibilité. La Journée est fêtée par Ness El Fen, une projection de film, des tableaux de danse sur les marches du Théâtre municipal, une performance et vidéo-projection de Imed Jemâa à Cherif Fine Art à Sidi Bou Saïd, en fin d'après-midi à l'espace El Abdellia à La Marsa, le ministère de la Culture célébrait l'événement par une exposition et des spectacles de danse. On espère que les actions d'un jour seront suivies d'effets, le travail est au quotidien, la mission comprend de hautes valeurs, mode de pensée, progrès, modernité. Regret. Sidi Larbi Charkaoui, illustre danseur et chorégraphe maroco-belge, est l'invité d'honneur de l'Unesco pour le 30e anniversaire de la Journée internationale de la danse. Il a prononcé un discours sur la danse et son impact sur la société et sur le quotidien, chez nous, ni l'autorité de tutelle ni les privés n'ont repris ou évoqué le message. ••••• Chateaubriand «Plus vous prétendez comprimer la presse, plus l'explosion sera forte, il faut donc vous résoudre à vivre avec elle». De quelle façon ajouter sa note au chœur des journalistes qui célèbrent, aujourd'hui, la Journée mondiale de la liberté de la presse? En faisant des vocalises ; des vocalises? Pour crier sur tous les tons «Non à toute tutelle, non à l'atteinte aux libertés de la presse...» et pour chanter en dièses, sans bémols et en stéréo «Oui à une information libre et indépendante... un seul juge: la déontologie».