• A peine deux articles par séance, on se demande, tout bonnement, combien de temps faut-il pour adopter la soixantaine d'articles de la LFC ? La première séance plénière de l'Assemblée nationale constituante (ANC) s'est soldée, hier, par un maigre bilan: l'adoption de l'article 4 de la LFC en l'état, sans aucune modification, et la suspension du débat suite à une série de querelles se rapportant à l'application du règlement intérieur, la notification de la transparence à l'article 5, ainsi que de graves accusations de pratiques frauduleuses commises par certains constituants qui ont voté à la place de leurs collègues absents. Sans parler des interventions qui étaient qualifiées d'«hors sujet» par le président de l'ANC, M. Mustapha Ben Jaâfar, qui a tout fait pour faire avancer les travaux. A peine deux articles par séance, on se demande, tout bonnement, combien de temps faut-il pour adopter la soixantaine d'articles de la LFC? Déjà beaucoup de temps passé et on est en train de perdre de précieuses semaines, au moment où la situation économique du pays exige un plan urgent de sauvetage pour concrétiser les prémices de la relance et éviter les risques imminents de déficit courant. De même, le gouvernement en place a besoin de débloquer les budgets nécessaires pour engager ses plans et ses projets. Dans ce cadre, on a remarqué que les constituants du parti majoritaire n'ont pas participé activement aux débats, excepté le président du groupe parlementaire d'Ennahdha, M. Sahbi Atig, mais la représentation numérique des sièges de l'Assemblée montre qu'ils ont massivement voté contre toute révision des articles, quelle que soit la pertinence des propositions, signe de soutien indéfectible au projet d'un gouvernement de leur couleur. Logique et tout à fait acceptable de ne pas contredire les principes du parti, mais cela ne doit en aucun cas se transformer en une forme de complaisance pour faire passer tous les projets et faire taire toutes les voix de l'opposition. S'agissant de l'article 4, il est à noter qu'il s'agit du seul article de la LFC qui a pour objectif la promotion de l'emploi, première revendication des Tunisiens et principal objectif de la révolution. Ainsi il est tout à fait acceptable que cette thématique occupe un large temps de discussion. En effet, nombreux sont les constituants qui ont proposé des modifications, verbales ou manuscrites, dans le but d'élargir le champ d'application de cette mesure. Etendre l'applicabilité de l'incitation sur toutes les entreprises, ou l'augmentation du taux du dégrèvement de l'assiette imposable, notamment dans les zones de développement régional, ou aussi augmenter le seuil des montants déductibles, toutes ces propositions qui visent à promouvoir davantage l'emploi ont été refusées. 102 voix ont été pour l'adoption de l'article en l'état sans la moindre modification. Par ailleurs, plusieurs constituants ont émis des réserves sur quelques rejets d'office de certaines propositions verbales. Ce qui a généré une querelle autour de l'application de la loi 91 du règlement intérieur. Pour sa part, M. Slim Besbès, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Finances, a rappelé que la meilleure incitation fiscale réside en l'adoption d'un système global basé sur des taux bas d'imposition et une large assiette fiscale. «C'est l'objectif de la restructuration du système fiscal», a-t-il ajouté. Pour l'article 5, relatif aux contributions volontaires au profit du budget de l'Etat pour le financement des projets d'infrastructure dans les régions intérieures et la promotion de l'emploi, il semble qu'il manque de clarté, et prête à équivoque. Surtout que le montant prévisionnel de ce fonds, qui s'élève à 450 millions de dinars, coïncide étrangement avec le nombre de dossiers relatifs à des hommes d'affaires suspectés de malversations et faisant l'objet d'investigations. A cet effet, l'un des constituants a soulevé ce problème en se basant sur une affirmation du ministre des Finances sur le lien entre le fonds et ces hommes d'affaires. Loin des interprétations, plusieurs membres de la Constituante ont demandé des explications sur le public cible de cette mesure et la méthodologie adoptée pour estimer ces fonds. A cet égard, le secrétaire d'Etat a indiqué qu'au moment de l'élaboration des estimations chiffrées, la contribution avait le caractère obligatoire. Ainsi, les 450 millions de dinars sont répartis de la manière suivante: «132 millions de dinars pour les personnes morales, 27 millions de dinars pour les commerçants, 15 millions de dinars pour les agriculteurs, 9 millions de dinars pour les opérateurs du régime forfaitaire, 72 millions de dinars...», énumère M Besbès. Parmi les demandes écrites, le gouvernement est tenu de communiquer mensuellement une liste exhaustive des noms des donateurs, des montants des contributions, ainsi que les allocations de ces fonds. Mais par le biais du vote, cette exigence a été rejetée. Toutes les interventions ont tourné autour du respect des normes de transparence pour ne pas reproduire les mauvaises expériences du passé. Face aux refus répétés, plusieurs membres de la Constituante ont demandé de modifier le mode de vote électronique, peu transparent selon certains. «J'ai vu de mes propres yeux des constituants, dont je peux citer les noms, qui votent à la place de leurs collègues absents», renchérit l'un des constituants. Face à cette dangereuse accusation, le président du groupe parlementaire d'Ennahdha a demandé de lever la séance pour entamer des négociations avec les présidents des groupes parlementaires. Aprés quoi, le président de l'ANC a levé la séance.