De notre envoyé spécial au Caire : Slaheddine GRICHI C'était dans l'air, le gouvernement a fini par décréter le jeudi 24 mai, deuxième et dernière journée fériée. L'élection du cinquième président d'Egypte, le premier de la deuxième République, ou surnommée la nouvelle ère sur laquelle le pays du Nil s'apprête à s'ouvrir. Une référence à un scrutin pluraliste, démocratique et libre, jamais connu auparavant. Cette décision a été prise suite au taux de participation au vote de mercredi dernier, qui n'a pas excédé les 30% dans le meilleur des cas, bien qu'on ait reculé la fermeture des bureaux de 20 à 21 heures. Si le fait saillant de la première journée de cette présidentielle a été l'agression du candidat, ex-Premier ministre, Ahmed Shafik, la deuxième a été marquée par plusieurs infractions aux règles électorales, dont l'affichage des portraits de certains prétendants par leurs sympathisants sur les murs des centres de vote, la mise à la disposition des électeurs de micro-bus ornés de l'affiche d'un candidat, pour les transporter gratuitement aux bureaux de vote. Mais malgré cela, on n'a pas atteint ver 18 heures, hier, le taux de 50% dans la majorité des 27 gouvernorats que compte l'Egypte. La chaleur y est certainement pour quelque chose, mais certains observateurs n'ont pas hésité à nous exprimer leur appréhension quant à une «arrivée» préméditée en force des islamistes pendant les trois dernières heures du scrutin, pour occuper les lieux du vote et barrer la route aux retardataires des autres tendances. A la haute commission des élections, on nous affirme qu'une telle éventualité a été prise en compte et que les forces de l'armée (150.000 soldats mobilisés) et de la police veilleront à faire avorter un tel scénario. Un deuxième tour, très probable Même si le décompte ne devait commencer qu'hier au milieu de la nuit (22-23 heures, au plus tôt), on parle ici de la montée de Hamdine Sabahi, le Nasserien et auquel les intellectuels, les libéraux et, à l'extrême limite, les pro-Amr Moussa et Ahmed Shafiq ne seraient pas opposés. On évoque aussi la baisse de la cote de Abdelmonôm Aboul Foutouh et de la solidité au poste de Mohamed Morsi, les représentants du courant islamiste, mais sans compter peut-être le poids des soufistes dont on dit que le nombre est plus important que celui des Frères musulmans, évalués à environ trois millions, et aux salafistes (moins d'un million) réunis et auxquels ils sont opposés. De son côté, Amr Moussa jouit de la popularité d'un homme politique dont le long mandat à la tête de la Ligue arabe a fait oublier qu'il a été ministre de Moubarek. Quant à Ahmed Chafiq, il demeure le plus controversé des cinq favoris, étant rejeté par les uns pour avoir été longtemps un «soutien» au dernier «raïes», et constituant pour les autres (notamment hommes d'affaires, nombreux cadres et une partie de l'intelligentsia) une assurance pour l'avenir en tant qu'homme d'Etat, facteur d'équilibre et assurance contre un saut dans l'inconnu. Une quasi-certitude toutefois : aucun de ces cinq candidats n'est crédité d''un taux de 50+1 de ce scrutin. Un deuxième tour semble ainsi inéluctable. Ici et là, les Egyptiens, avec toutes leurs divergences, croisent leurs doigts afin que le pays ne verse pas dans le chaos, à l'annonce des résultats de ce premier tour que beaucoup espèrent une prémice d'un équilibre ne concentrant pas le pouvoir aux mains d'une seule tendance, en l'occurrence les islamistes qui représentent 70% du Parlement. Mais le Conseil supérieur de l'armée a encore plusieurs cartes dans sa poche, avant de céder le pouvoir après le deuxième tour, dont surtout celle qu'il ne manquera pas d'utiliser et qui consiste à décréter lui même la fameuse déclaration constitutionnelle complémentaire fixant, entre autres, les prérogatives du président de la République et qui peut varier selon le candidat élu.