La Tunisie, engagée dans un processus de transition démocratique, se retrouve appelée à relever nombre de défis économiques et sociaux. Il s'agit, principalement, de résoudre le problème du chômage dont le taux a atteint, à la fin de l'année 2011, 18,9%, de répondre aux besoins spécifiques des régions intérieures et de réduire les inégalités sociales et la précarité. Pour répondre à tous ces défis, la mise en place d'un dialogue social, qui implique aussi bien le gouvernement que les partenaires sociaux dans la formulation des politiques économiques et sociales, s'impose. En effet, un tel dialogue est incontournable pour garantir l'équité sociale et la prospérité économique d'autant plus que la Tunisie n'a, à ce jour, engagé aucune démarche du genre, la commission nationale du dialogue social créée par le décret loi n°2000-1990 du 12 septembre 2000 n'ayant jamais vu le jour. C'est pour débattre du rôle que peut jouer le dialogue social pour répondre aux défis économiques et sociaux actuels et préparer l'esquisse d'un contrat social pour la période 2012-2020 que le ministère des Affaires sociales et le BIT ont, récemment, organisé à Tunis une conférence tripartite qui a réuni des représentants du gouvernement, de l'Utica (Union tunisienne de l'industrie , du commerce et de l'artisanat), de l'Ugtt (Union générale tunisienne du travail) et d'institutions internationales. Le but étant de réunir toutes les parties concernées par le dialogue social pour réfléchir sur les besoins actuels de la Tunisie en termes de développement économique et social et identifier, à la lumière de ces besoins, les axes d'un contrat social. Ainsi, les débats ont permis d'aboutir à un consensus autour de certaines questions dont la création d'un conseil national du contrat social qui aura une composition tripartite, la tenue de la première réunion du groupe le 23 ou le 26 juin 2012 et la signature du contrat social le 14 janvier 2013. Un consensus a, également, été fait autour des thèmes du contrat qui concerneront les relations professionnelles et le travail décent, les politiques d'emploi et de formation professionnelle, la couverture sociale, la politique de revenus et de salaires, la négociation collective et la politique de développement régional. Présent à cette conférence, M.Khalil Zaouia, ministre des Affaires sociales, attire l'attention sur l'importance de cette rencontre qui vise à « accomplir l'un des principaux objectifs de la révolution, à savoir la paix sociale et la stabilité, deux facteurs essentiels pour relancer l'investissement, créer des emplois et réaliser un développement équitable et global ». M.Houcine Abassi , secrétaire général de l'Ugtt, relève pour sa part que les défis qui se posent aujourd'hui à la Tunisie sont de taille, notamment en matière d'emplois et de disparités régionales soulignant que ce sont des défis qui dictent l'adoption d'un nouveau mode de développement, apte à absorber le taux élevé de chômage et à réaliser une économie compétitive. Il pense, par ailleurs, que la transition démocratique ne peut être accomplie sans les réformes économiques et sociales qui consacrent les principes de travail décent et qui s'inspirent des normes internationales en matière d'emploi. Il souligne, enfin, que l'Ugtt demeure convaincu que le dialogue social est incontournable pour réussir le processus de transition démocratique dans un cadre de concertation respectueux des intérêts de toutes les parties. Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica, pense, pour sa part que les défis économiques et sociaux qui se posent aujourd'hui dictent de s'interroger sur les meilleurs moyens pour réaliser les aspirations du peuple, d'autant plus, « qu'il s'agit de résoudre une équation difficile en gérant, d'une part, les revendications sociales pressantes et en veillant, d'autre part à rétablir la stabilité et la sécurité, facteurs essentiels pour la relance économique ». Pour résoudre tous ces problèmes, elle pense qu'il est essentiel d'avoir un dialogue et des négociations responsables, un dialogue qui prend en compte aussi bien la légitimité des demandes sociales que la réalité de l'économie du pays. La conférence tripartite a, par ailleurs, été une occasion pour prendre connaissance des expériences de certains pays en matière de dialogue social. Mme Monica De Conink, ministre de l'Emploi du Royaume de Belgique, a précisé, qu'en Belgique, le dialogue social est basé sur l'établissement d'accords interprofessionnels nationaux ajoutant que les partenaires sociaux y concluent des accords de base pour les deux années suivantes sur certains thèmes et que ces accords influencent, ensuite, la négociation aux niveaux inférieurs des secteurs ou de l'entreprise. Elle relève, en outre, qu'adopter un modèle basé sur trois niveaux de négociation collective est un atout important et qu'une telle coordination permet de réduire les inégalités salariales et le chômage et favorise la paix sociale. Elle note, enfin, que l'efficacité du dialogue social, quel que soit le système de négociation, repose, essentiellement, sur la crédibilité et la qualité des partenaires sociaux.