De tout son corps et ses pores, elle respire la joie de vivre, même si quelques-uns parmi ses tableaux expriment une nostalgie tristounette. Zoubeïda Chamari Daghfous a le bonheur collé à la peau, elle l'exprime par la couleur, aussi, en use-t-elle par paquets et avec les mélanges adéquats et les associations des tons. Mais elle n'exprime pas seulement la couleur ou la composition, elle brille aussi par l'art de la conversation, dès l'arrivée, elle vous entretient dans un discours sur sa mère, un panneau la montre en compagnie de responsables de l'époque, femme libérée, militante de la première heure. Zoubeïda expose une trentaine de tableaux de différentes dimensions chez Donia Bouatour à la galerie Bel Art (jusqu'au 12 juin). Un titre résume et définit cet événement : Hymne à la femme, qui sonne comme un pied de nez à la face de ceux qui veulent enterrer la création chez la femme, ou à ceux qui tentent de la réduire à l'état d'un être-objet, l'artiste n'est pas mobile, pourtant elle entame de grands voyages et à la lumière des scènes choisies, les frontières de ses pérégrinations ne dépassent pas son atelier, pas d'extérieurs, encore moins des grands espaces, Zoubeïda peint les intérieurs de l'âme, son intention est de provoquer des rencontres, quelques couples qui se regardent, s'attirent comme un aimant, des femmes qui posent, d'autres captées lors d'une discussion, ou encore cette femme enceinte face à l'homme, maternelle, ventre rond, fleurs et lignes arrondies. La femme est définie sous toutes les coutures, mondaine, battante, émancipée moderne, soumise, indécise ou joyeuse, elle habite l'artiste, la hante, l'obsède, celle-ci le lui rend bien. Elle accouche une peinture de sentiments bruts, sans artifices, on peut aimer ces plaisirs faciles, ces sensations immédiates, ces scènes attachantes, sages, sans ostentation, La pondérée, très florales, gaie à souhait, La rêveuse qui dégage de la douceur et de l'affection, La délurée en couleurs vives, un gilet, un personnage trouble l'accompagne, La gardienne de la cité , en grand format, rouge et bleu et des petits personnages corpulents et décidés. On peut rejeter ou s'en détourner pour cause de conformisme, ou de choix de sujets jugés conventionnels, c'est une autre histoire. Les œuvres portent des titres évocateurs, qui poussent au rêve, un peu romantiques, autant dire que nous sommes devant des scènes simples, des sujets ordinaires de la vie, sans prétention autre que la jouissance de l'harmonie, de la composition, des mouvements et des expressions. La pacifique, pose dans un univers calme, sans heurts ni bouleversements, elle a des lèvres charnues et une attitude hautaine. La rêveuse exhale une douceur, des lignes courbes accentuent la sérénité de la jeune femme éloignée des troubles quotidiens. En somme, Zoubeïda peint avec sa sensibilité, elle ne se voile pas derrière un discours, son intention n'est pas de démontrer, mais de montrer, simplement.