Le monde de la chanson a, récemment, perdu un dernier monument parmi les géants des années 1958-80. Warda Al Jazaïria nous a quittés à l'âge de 73 ans. Des armes au cabaret De père algérien et de mère libanaise, Warda est née en 1939 au Quartier latin à Paris. Haj Mohamed Ftouki, son père, est considéré comme un des plus grands combattants pour la libération de son pays lors du colonialisme français en Algérie. Son cabaret «Tam Tam» au boulevard Saint-Michel à Paris servit de cache d'armes qu'il devait par la suite distribuer aux combattants. On vendit la mèche, Haj Ftouki fut ainsi emprisonné et le cabaret fermé. Une fois relaxé, il s'exila au Liban en compagnie de sa famille. C'est ainsi que sa fille Warda rencontra par pur hasard Mohamed Abdelwaheb qui se trouvait au Pays des cèdres. Elle était déjà férue de musique et chantait durant les entractes au cabaret de son père les chansons de Leïla Mourad. Abdelwaheb lui composa Khoudh oujoudi ou elbi ou rouhi qui a connu un succès des plus significatifs. Car, il faut rappeler qu'en France, alors que son père tenait le cabaret «Tam Tam», le grand artiste tunisien Sadok Thraya lui composa, en 1952, deux chansons Yelli ki nchoufek, yedhak zmani, paroles de Mahmoud Bourguiba, et La oubali, un poème de Mustapha Khraïef. Mohamed Jamoussi lui composa de ses paroles El fejr lah et Habibi d'Ali Boujemaâ composée par Albert Guez, Ma mar el forga de Ridha Kalaï et Ach ngoul d'Ali Boujemâa composée par Hédi Jouini. Rencontre avec Aznavour Rencontré à Paris, Charles Aznavour lui conseilla de chanter dans la langue de Molière. C'est ce qu'elle fera beaucoup plus tard, lorsqu'elle reprit la chanson de Michel Fugain, Chante, la vie, chante, comme si tu devais mourir demain, à l'occasion du film de Ali Ridha Ah ya lil ya zamen, en 1977. Le film est interprété par Warda, Rochdy Abadha, Youssef Chaâbane et Adel Adham. Warda vint en 1993 tourner son dernier film Lih ya donia aux côtés de Mahmoud Yassine. Premier film et première chanson Elle a interprété sa première chanson lors du festival «Adhoua al Médina» en Syrie où elle représentait l'Algérie. Des sommités avaient participé à ce festival, dont Abdelhalim Hafez (Egypte), Chadia (Egypte), Sabah (Liban)… Le réalisateur Helmy Rafla a été séduit par la voix cristalline de Warda et lui a confié son premier rôle dans le film Al madhi. Elle participera, par la suite, à cinq longs métrages: Amiret El Arab avec Rochdy Abadha, réalisé par Niazi Mostapha (1963); Sawt el hob avec Hassen Youssef, réalisation Helmy Rafla (1973); Hikaïti maâ ezzamène de Hassen El Imam, avec Rochdy Abadha (1974); Ah ya lil ya zamène de Ali Ridha, avec Rochdy Abadha (1977) et Lih ya donia avec Mahmoud Yassine (1993). Elle joua également dans un feuilleton télévisé Aourak al ward. Parmi les plus belles voix arabes Warda Al Jazaïria est considérée dans l'histoire de la chanson arabe comme l'un des 5 ou 6 voix les plus importantes (Oum Kalthoum, Mohamed Abdelwahab, Férid Latrache, Abdelhalim Hafez, Souâd Mohamed, Najet Essaghira et Feïza Ahmed. Ala awled el halel, Balach tifarek, Dandana, Wahachtouni, Lil ya layali, composées par son ancien époux Baligh Hamdi, et Fi youm ou lila, Essaal doumou énaya du grand compositeur Mohamed Abdelwaheb, restent dans les annales comme autant de brillantes créations. Pour son propre compte, sa première chanson a été Ommi ya ommi ya ommi. Puis Ya mraweh libladi sallamli alihoum, écrite et composée par Zaki Kraïef et non Mohamed Jamoussi comme le croient beaucoup de gens. En 1952, Warda chanta pour la première fois à Tunis. Elle se produisit sur la scène de l'ex-cinéma du Palmarium accompagnée de la Troupe Al Manar dirigée par le virtuose Ridha Kalaï. Parmi les chansons qu'elle interpréta Dhalamouni habaïbi, la chanson de Oulaya. Après Tunis, Warda se produisit à Sousse, Kairouan et Djerba. Une chanson pour Jamila A 17 ans, elle animait les soirées d'un cabaret, Tianos, à Alia au Liban. Elle interprétait même des chansons patriotiques, dont une en hommage à la grande militante Jamila Bouhired. Certes, elle se fera petit à petit un nom dans le monde arabe, mais son véritable envol, elle le doit aussi à Sayed Mekkaoui et Salah Charnoubi (Batwaness bik).