Par Hamma HANACHI Une friandise. Ecouter le chef d'orchestre et actuel directeur de l'Opéra de Berlin, Daniel Barenboïm, est une lumière pour les idées. Invité de Radio classique, jeudi dernier, à l'occasion de son concert à la direction du Chœur de l'Orchestre de Paris et du Western East Orchestra, composé de musiciens israéliens et palestiniens, il a déployé un trésor de générosité sur son enfance, des rencontres, des souvenirs, des anecdotes coruscantes. Magique ! En même temps que le fameux concert de Versailles, attendu et annoncé tambour battant, Daniel Barenboïm sort son nouveau disque l'Hymne à la joie de Beethoven. Légende vivante, juif, il dit être un tiers argentin, un tiers allemand et un tiers israélien, il obtient la nationalité espagnole et en 2008, à sa demande, l'Autorité palestinienne lui octroie un passeport palestinien honorifique. Né à Buenos Aires, enfant, il quitte l'Argentine pour l'Allemagne, pianiste virtuose, il commence sa carrière à 8 ans; à 10 ans, il est intégré dans l'orchestre de Karl Böhm à Salzbourg, ville de Mozart. Des années plus tard et des succès jamais démentis, sa longue et solide amitié avec l'intellectuel et théoricien palestino-américain Edward Saïd (L'orientalisme, l'Orient créé par l'Occident, La question de Palestine...) l'incite et le convainc à épouser la cause palestinienne. A deux, ils créent le Western East Divan Orchestra, un orchestre symphonique composé de musiciens palestiniens et israéliens qui se produit aussi bien en Europe, en Argentine ou au Moyen-Orient. Notons au passage qu'aucun festival (El Jem, Carthage, Hammamet, Tabarka...) n'a songé à inviter cet orchestre, symbole de la fraternité et du partage en musique. Activiste pour les droits palestiniens, Barenboïm est dans le monde de la musique, comme dans sa pensée intellectuelle, la sincérité même, la vérité qui ne ment pas. En mai 2011, pendant le siège de la bande de Gaza, en coordination avec les Nations unies, il engage des instrumentistes de différents orchestres de Vienne, Milan, Paris et Berlin et crée un ensemble de circonstance «Orchestre pour Gaza» qui donne un concert de la paix à Gaza. Au programme: Mozart et Beethoven, déclaration du chef, relayée par les services de l'ONU et les médias spécialisés. «Nous sommes heureux de venir à Gaza. Nous donnons ce concert en signe de solidarité et d'amitié avec la société civile de Gaza». Le siège brisé par la musique, c'est beau comme du Mozart. Vendredi 13 juillet, D. Barenboïm dirigera l'ultime symphonie de Beethoven (La Neuvième), sur les Terrasses du Château de Versailles avec le chœur de l'Orchestre de Paris et le West Eastern Divan Orchestra. Quel honneur pour ce dernier ! Quel glorieux parcours qui, à force de volonté, de passion, est arrivé au firmament de la gloire. C'est par là qu'on mesure l'ampleur, la générosité du grand chef, et c'est ainsi qu'il nous offre le meilleur des cadeaux : l'honneur de partager avec lui un moment de bonheur. Et pourquoi Beethoven ? Parce que, répond-il, «dans la musique de Beethoven, il y a tout, absolument tout, le dramatique dans la 5e symphonie, la joie dans la neuvième, la vigueur dans le concerto N°5, il y a des mouvements lyriques dans ses sonates, de la tristesse, de la nostalgie... mais, dans ses symphonies, ses concertos ou ses sonates, ses fugues ou ses bagatelles, il y a quelque chose qu'on ne trouve jamais dans sa musique, c'est la superficialité, Beethoven n'a jamais cédé à la coquetterie.» Et tout est à l'avenant. Quand il parle d'un compositeur, Barenboïm, il nous fait partager ses élans, quand il décrit une musique, il nous communique ses émotions. Et c'est dans ce partage qu'on découvre le bonheur... ou ce qu'il en reste. -*-*-*-*- Forde, une ville côtière en Norvège, organise, depuis 1995, un grand festival musical qui réunit chaque année près de 4 000 artistes venant de 120 pays. Un de ses volets majeurs est consacré à un projet «Talent Project», qui a pour objectif d'encourager les échanges culturels et des rencontres entre jeunes musiciens. Cette année, elle accueille du 2 au 9 juillet 3 jeunes musiciens tunisiens de l'Institut supérieur de musique, Nada Mahmoud (luth), Mohamed Ben Salha (nay) et Youssef Ben Hani (violon). Ces instrumentistes de talent vont rencontrer des musiciens marocains et norvégiens. Le jeune instrumentiste (qanun) Souheil Mahjoubi devait accompagner le trio, il est décédé en mai dernier. Un hommage lui sera rendu.