Plus d'une année et demie après le grand bouleversement qu'a connu la Tunisie le 14 janvier 2011, un bilan s'impose. Ce bouleversement nécessite de définir le cadre, les conditions et les mécanismes nécessaires à la construction d'une démocratie en Tunisie à travers une réflexion tournée vers l'action en faveur d'une transition démocratique effective. Le choix de focaliser l'attention sur la relation entre pluralisme et pacte social et la nécessité d'un nouveau modèle économique et social pour soutenir la transition démocratique s'en trouve conforté. C'est le thème de l'université d'été 2012 dans sa 19e session, organisée par l'Association Club Mohamed-Ali de la culture ouvrière en collaboration avec la Fondation Friedrich-Ebert et l'Institut français de coopération, dont les travaux ont été ouverts, hier, à Tunis et se poursuivront jusqu'au 15 courant. Quatre axes ont été longuement débattus portant sur la nécessité du pluralisme syndical, le pacte social, les expériences méditerranéennes en matière de pactes sociaux et le modèle économique et social soutenant la transition démocratique en Tunisie. L'aspiration à la liberté portée par la révolution tunisienne concerne tous les domaines, et tout particulièrement le fonctionnement des organisations et le système des relations sociales et professionnelles. Cette aspiration à la liberté exige de rompre avec les anciennes conceptions, méthodes d'action et d'organisation. De même, cette aspiration à la liberté est incompatible avec un système de relations professionnelles marquées par l'absence de dialogue social, de droit syndical, de négociations collectives et de protection sociale. Après la révolution, la Tunisie s'est engagée à approfondir la réflexion sur le rôle du mouvement syndical et sur les contours d'une action syndicale authentique susceptible de consolider les acquis de la révolution et éviter toute forme de régression. Un an et demi après le soulèvement populaire en Tunisie et après avoir conquis une marge assez importante de liberté (d'expression, d'organisation, d'association, de manifestation....), «le plus difficile reste devant nous : nous devons répondre à la question : comment reconstruire une société démocratique qui satisfasse les demandes sociales ? C'est dire que l'édification d'une société démocratique et d'un nouveau modèle économique et social demeure une œuvre de longue haleine. Certes, les troubles provoqués par la révolution ont entraîné une récession de l'économie tunisienne. Mais il faut prendre la mesure de ce recul de l'activité, au regard du recul constaté pendant la transition démocratique en Espagne et en Pologne. Pour nous, la révolution est la clé qui a ouvert la voie à la démocratie, aussi difficile soit-elle à trouver et à suivre», précisent les participants. Par ailleurs, et dans le contexte de la transition démocratique, le concept de pacte social doit être pensé dans une perspective sociétale qui dépasse le cadre des rapports entre Etat et syndicats. En effet, l'un des principaux objectifs du projet de l'association club Mohamed-Ali de la culture ouvrière, est de contribuer à la mise en œuvre d'un pacte social basé sur une «gestion pacifique» des conflits d'intérêts, des visions et même des valeurs, et c'est le fondement même de la démocratie. «Dans le cas de la révolution tunisienne, les socles de l'élaboration d'un pacte social sont à inventer, à élaborer, à expliciter et à défendre». Un pacte articulé autour de quatre principaux axes, à savoir la réforme des relations professionnelles, la création d'emplois décents pour des centaines de milliers de jeunes, la compétitivité de l'entreprise et la répartition équitable des richesses au niveau national. A l'évidence, le propre d'un pacte social, ce qui en constitue le fondement, c'est l'existence d'acteurs sociaux effectifs, réellement représentatifs des intérêts de leurs mandats, faute de quoi le pacte n'a aucune chance de survie. «Pour qu'un pacte social soit considéré comme tel, il faut un l'Etat démocratique qui respecte l'autonomie des acteurs sociaux ainsi que le droit des travailleurs». Quel modèle économique et social ? Parmi les objectifs de la révolution figure la construction d'un modèle économique et social cohérent avec la marche vers la démocratie, un modèle qui soutient la transition, notamment dans le champ syndical. Il s'agit, en effet, de s'engager dans un modèle économique et social de développement, élaboré par les acteurs sociaux dans une démarche participative et démocratique. Un modèle qui regroupe tous les acteurs (syndicats de travailleurs et d'employeurs, administrations, organisations de femmes, de jeunes...), un modèle qui fait du travail une valeur et un moyen de progresser dans la société. C'est une alternative à d'autres qui optent pour un modèle libéral plus ou moins démocratique, qui prolonge le chômage des jeunes, démantèle les acquis sociaux et enrichit par la rente. C'est dire que ce pacte social nécessite impérativement l'intervention du mouvement syndical dans toute sa pluralité, pour défendre les intérêts matériels et moraux des travailleurs ainsi que l'intérêt général à long terme. Un pacte qui consolide les bases de la démocratie en prenant en compte cet intérêt général qui garantit la répartition équitable des bénéfices du développement et des dividendes de la croissance au sein de la société.