• La compétence et l'expérience de l'homme ont pris le dessus sur ses «antécédents rcdéistes» L'Assemblée nationale constituante (ANC) a approuvé, au terme d'une séance plénière tenue hier après-midi, la nomination de Chedly Ayari, nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) avec 97 voix pour, 87 contre et 7 abstentions. Plusieurs constituants ont protesté contre la légitimité de l'opération de vote, mettant en doute la conformité du nombre des participants au vote avec le nombre des constituants présents à la séance plénière. Un échange d'accusations et d'injures entre députés d'Ennahdha et des constituants représentant d'autres partis a marqué la séance plénière. Le président de l'ANC, Mustapha Ben Jaâfar a appelé les constituants à garder le calme et à ne pas céder aux provocations. Certains constituants ont accusé Ben Jaâfar «d'avoir soutenu le mouvement Ennahdha au détriment de l'opposition» qui avait, notamment, justifié son refus de nommer Chedly Ayari gouverneur de la BCT par son parcours politique douteux (proche de l'ancien régime) et la question de son renvoi, dans les années 80, de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique. Les députés du mouvement Ennahdha, Ettakattol et un groupe de CPR, ainsi que d'autres députés indépendants ont défendu la nomination de M. Ayari au poste de gouverneur de la BCT, estimant qu'il est «le mieux habilité à promouvoir la BCT en cette phase de transition». Séance plénière assez mouvementée, hier, au siège de l'Assemblée constituante réunie pour examiner la désignation du Pr Chedli Ayari au poste de gouverneur de la Banque centrale en remplacement de Mustapha Kamel Nabli, révoqué le week-end dernier, par arrêté républicain signé par Moncef Marzouki, président provisoire de la République, et entériné par les membres de la Constituante, avec une majorité très confortable. Hier, sur les bancs réservés à l'équipe gouvernementale, Ridha Saïdi, ministre délégué auprès du chef du gouvernement, chargé des Dossiers économiques, a repris les mêmes motivations avancées pour limoger Kamel Nabli pour dire que Chedli Ayari fera exactement le contraire en vue de réparer les erreurs commises par Kamel Nabli, dont en premier lieu la mise en œuvre d'une politique financière qui ira de pair avec la politique de développement suivie par le gouvernement sans que la Banque centrale n'entame son autonomie ou puisse être taxée de suivre les ordres dictés par la Troïka. Quant au Pr Chedli Ayari, il n'a pas hésité à reconnaître ce qu'il a appelé ses «antécédents rcdéistes». Et ces antécédents se résument, selon le candidat de la Troïka, aux faits suivants : «D'abord, ma participation à l'ouvrage Ambition et réalisations publié à l'occasion du 20e anniversaire du changement du 7 novembre 1987, une contribution qui s'est limitée à trois pages réservées à l'analyse économique du pays. Ensuite, ma désignation au poste de conseiller, en février 2010, à la chambre des conseillers en remplacement du poète Jaâfar Majed à la suite de son décès, poste duquel j'ai démissionné en février 2011. Enfin, la fausse accusation selon laquelle je figure sur la liste des mounachidine alors que je n'ai jamais signé de document dans ce sens. Aujourd'hui, je réponds à l'appel de la patrie en acceptant la proposition qui m'a été faite par le gouvernement pour occuper le poste de gouverneur de la Banque centrale et j'espère être à la hauteur de la confiance placée en ma personne». De quelle politique de développement parle-t-on ? Les constituants qui ont pris la parole pour discuter la proposition du gouvernement les appelant à voter pour le Pr Chedli Ayari ont tous insisté «sur la compétence, le professionnalisme et l'expérience du candidat de la Troïka à un poste aussi important et déterminant que celui de la direction de la Banque centrale». Seulement, ont-ils insisté, «le passé politique du Pr Ayari ne plaide pas en sa faveur. D'autant plus qu'il est convenu entre les différents acteurs du paysage politique national que les anciens symboles du régime déchu doivent être écartés de toute responsabilité politique ou économique». Ainsi, le constituant Tarek Bouaziz estime-t-il que «la Présidence de la République et les conseillers qui entourent le Dr Marzouki assument la responsabilité de cette désignation scandaleuse dans la mesure où nous sommes devant un mounachid qui va diriger l'une des plus importantes institutions du pays. Cette désignation nous confirme, à travers les motivations présentées par le ministre Saïdi, que la révocation de Kamel Nabli était une affaire personnelle». De son côté, Hosni Badri, constituant élu sur les listes d'Al Aridha Achchaâbia s'interroge : «La Tunisie ne regorge-t-elle pas aujourd'hui de jeunes compétences capables de mettre en œuvre une politique financière pouvant répondre aux attentes de la Tunisie post-révolutionnaire ? Il est vrai que le Pr Chedli Ayari dispose d'une compétence que personne ne peut contester. Malheureusement, son âge avancé et les nouveautés qui traversent aujourd'hui le monde de la finance à un rythme endiablé ne plaident pas en sa faveur». Quant à Abderaouf Ayadi, chef du Mouvement Wafa, (dissident du Congrès pour la République), il considère que «nous avons aujourd'hui besoin d'une politique qui constituera une alternative à celle du gouverneur révoqué Kamel Nabli». Ayadi souligne encore : «Le Pr Ayari avance que «la Banque centrale doit prendre part à la définition de la politique de développement afin de pouvoir mettre en place une politique financière, alors que le gouvernement n'a pas proposé, depuis sa constitution, de politique de développement. Je me demande où est cette politique que nous attendons toujours, au moment où les prochaines élections sont prévues pour mars 2013. Au mouvement Wafa, ce sont les politiques qui déterminent nos choix et non la valeur individuelle des personnes». Mohamed Brahmi, secrétaire général du Mouvement Achchaâb, et Abdessattar Dhifi (Union politique libre) s'accordent à souligner que «Chedly Ayari n'est pas l'homme de l'étape puisqu'il appartient aux deux époques révolues, celles de Bourguiba et de Ben Ali», et appellent la Troïka à revoir sa décision dans la mesure «où nous avons besoin aujourd'hui de compétences qui portent les espoirs et les attentes du peuple».