Par Khalifa Chater «Il y a encore fort à faire pour que l'Afrique se dote de structures régionales capables de redéfinir sa place dans le processus de mondialisation. Des postures souverainistes aux contraintes extérieures, on voit bien les obstacles qui demeurent …» (Abdou Diouf). Les réalités dissipent souvent les rêves. Porté par de grands leaders de la libération, essentiellement dans l'aire subsaharienne, le rêve panafricain dut subir l'épreuve de la pesanteur de la géopolitique, des contingences de l'ère postcoloniale et des priorités de la construction nationale. L'Afrique actuelle met à l'ordre du jour la régionalisation, dans le cadre de la mondialisation de son économie, sous l'effet du jeu des forces du marché. Evolution naturelle, la création de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en 1963 devait permettre de jeter les fondements du travail communautaire. Le rôle joué par cette institution ne saurait être déprécié. Il ne fut certes pas au niveau des ambitions de ses fondateurs. Pouvait-il en être autrement, alors que la dynamique intérieure était dominante. En prenant en compte les exigences nouvelles, la conférence des chefs d'Etat défend une stratégie de redressement économique sur une base régionale. A cet effet, les chefs d'Etat créèrent la CEA (traité d'Abuja, juin 1991), qui avait pour ambition, selon son nom générique, de créer la Communauté économique africaine, c'est-à-dire l'intégration des économies africaines afin d'assurer une «autosuffisance et une croissance économique endogène du continent africain». Six communautés économiques régionales devaient constituer des piliers de la Communauté économique africaine: – l'Union du Maghreb arabe (UMA), – la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (Ceeac), – la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), – l'Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), – le Marché commun de l'Afrique orientale et australe (Comesa), – la Communauté de développement de l'Afrique australe (Sadc). D'autre part, la Communauté des Etats sahélo-sahariens (Censad) a été créée par la suite. L'Union africaine qui remplaça l'OUA en 2002, devait faire valoir les nouvelles attentes. Sa vision de relations organiques globales intègre évidemment le projet de construction d'un ensemble africain unifié. Le bilan de l'action communautaire reste certes modeste. Il s'explique, dans une large mesure, par une certaine vision prédominante de la priorité de la construction nationale, conciliable d'ailleurs avec le développement régional. D'autre part, la pesanteur des institutions et des mécanismes hérités de l'ordre colonial, conforté par l'état des rapports de forces, limite la marge de manœuvre des acteurs politiques et économiques. Abass Bundu, l'ancien secrétaire exécutif de la Cedeao qui a examiné l'expérience de l'intégration régionale en Afrique de l'Ouest au cours des deux dernières décennies, fait valoir «l'absence d'une culture d'intégration — voire d'une culture de développement en général — dans les pays de la sous-région». Fait important, cette évolution atteste une prise de conscience générale de la nécessité d'engager le processus d'intégration communautaire. L'idealtypus africain a mis en application les relations de solidarité et les politiques de coopération. Des dépassements heureux de l'action bilatérale, tels le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad) et le traité d'Agadir, montrent que la voie est tracée, quitte à ce qu'elle soit engagée, par des unions à géométrie variable, comme première étape. Bien entendu, l'intégration économique ne saurait se limiter à la libéralisation des marchés. Elle doit engager des actions solidaires de développement du continent africain.