Le tant attendu projet de loi relatif à la création d'une instance provisoire de la justice arrive cet après-midi au stade des discussions plénières à l'ANC. Débats animés en perspective. Les textes proposés garantissent-ils l'indépendance de la justice pendant cette période transitoire, en attendant l'adoption de la Constitution ? Le ministère de la Justice met en avant dans la présentation de son texte les points d'accord avec les différentes corporations professionnelles concernées : - Il est nécessaire de mettre en place une instance provisoire de la justice, en lieu et place du Conseil supérieur de la magistrature, qui exercerait son activité en 2012 (mouvements des magistrats, promotions, mesures disciplinaires), en attendant la rédaction de la Constitution. - Au niveau de la composition de cette instance, un équilibre est nécessaire entre les magistrats élus par leurs pairs et les magistrats qui vont siéger ès qualité (par exemple, le premier président de la Cour de cassation serait président de cette instance). - Que les points de litige seront mis de côté en attendant les choix qui seront faits dans la Constitution. A partir de là, le gouvernement a transmis, en date du 25 juin, le projet de loi n°26/2012 relatif à la création de cette instance. Mais l'ANC avait déjà reçu, en février et mars, deux autres projets présentés chacun par un groupe de députés. Au final, ce sont les trois projets qui sont parvenus à l'ANC. Le premier proposé par 22 députés, et ce, en date du 28/02/2012, porte le numéro 03/2012. Cinquante et un députés ont proposé le deuxième, le 5 mars 2012, sous le numéro 04/2012. Il faudra ajouter à ce titre que ces projets proposés par les deux groupes de constituants sont à l'origine du projet de loi du syndicat des magistrats et celui de l'Association des magistrats tunisiens (AMT). La commission de la législation générale de l'ANC a synthétisé les trois projets en quelques points essentiels relatifs surtout et en premier lieu à la composition des membres de l'instance provisoire de la magistrature et à l'étendue de son pouvoir, l'assainissement des secteurs de la magistrature et des avocats, et le fonctionnement et les autres prérogatives du Conseil supérieur de la magistrature. Politisation de l'instance provisoire de la justice ? Selon M. Rahmouni, ancien président de l'AMT et président de l'observatoire tunisien pour l'indépendance de la magistrature, la mainmise sur le secteur de la justice par le gouvernement ne fait plus aucun doute. Pour preuve, 100 magistrats ont été nommés depuis décembre à ce jour et plus de 70 autres révoqués. Les fonctions relatives aux hautes institutions judiciaires ont été occupées par des responsables nommés par le ministère de la Justice. Le Conseil supérieur de la magistrature existe en tant que structure mais n'a plus aucun pouvoir, accuse-t-il. La commission de la législation générale de l'ANC a essayé de trouver un compromis entre les positions de ses membres mais faute de consensus, les principaux points de désaccord seront soumis en plénière aujourd'hui. Les principaux litiges se réfèrent essentiellement à la composition de l'instance ainsi que l'étendue de son pouvoir. Pourquoi serait-ce la Constituante qui supervise l'élection des membres de l'instance, se demande encore le président de l'observatoire ? C'est une atteinte au principe fondamental de l'autogestion du secteur de la justice, et donc de l'indépendance de l'instance même. Nous déplorons la politisation de cette instance à travers les deux pouvoirs exécutif et législatif, conclut-il.