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La crise de l'eau qui nous interpelle tous : Urgence de s'attaquer aux problèmes de fond du secteur de l'eau
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 30 - 07 - 2012


Par Salah DARGHOUTH*
Jamais depuis son indépendance notre pays n'a confronté une crise aussi intense, aussi étendue et aussi persistante dans le secteur de l'eau. Les témoignages des populations affectées et des responsables locaux concernés attestent de la gravité de cette crise. C'est à ce titre que le ministère de l'Agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche a fait appel aux services d'un ancien cadre supérieur, directeur général des ressources en eau au ministère, pour «co-présider une commission technique qui va enquêter sur les perturbations graves et successives enregistrées dans la distribution de l'eau potable dans de nombreuses régions du pays». La commission a pour mission de mener «une enquête approfondie et globale sur les circonstances et les motifs de ces perturbations et partant, de prendre les mesures urgentes afin de faire face à la situation durant cet été». Une période de 15 jours lui a été fixée pour produire son rapport et le soumettre au ministre.
Il n'y a pas lieu ici de mettre en doute la compétence des cadres menant cette enquête, lesquels vont certainement remplir leur tâche de la façon la plus professionnelle, comme cela a été d'ailleurs le cas pour la commission d'enquête sur les inondations de février 2012. Je voudrais aussi laisser intentionnellement de côté le débat politique en cours sur les questions relatives à l'ancrage institutionnel et au degré d'indépendance de la commission. Il n'est pas non plus de mon intention de débattre de la stratégie de communication suivie par les services concernés vis-à-vis des populations frappées par la crise.
Il faut cependant constater que cette enquête ne représente qu'une initiative ponctuelle dont le but est de parvenir à éviter de nouvelles coupures d'eau durant le mois de Ramadan et le reste de la saison estivale. On peut espérer toutefois que, au-delà de cette enquête, le débat sur la crise actuelle va s'amplifier suffisamment pour attirer l'attention de la nouvelle classe politique du pays sur les enjeux et les problèmes de fond du secteur de l'eau dans son ensemble, et sur la nécessité d'agir rapidement pour sortir d'un état de complaisance et de léthargie qui n'a que trop duré.
Il est absolument indéniable que notre pays a fait beaucoup dans le secteur de l'eau et c'est bien pour cela qu'il se classe dans le peloton de tête des pays en développement (y compris parmi les pays arabes et africains) en matière de développement des ressources en eau et de leur utilisation pour la consommation domestique, agricole, industrielle et touristique.
En matière de développement des ressources hydriques, la Tunisie est parvenue à mobiliser plus de 90% de ses ressources en eau utilisables, au moyen d'une vaste infrastructure hydraulique composée pour les eaux de surface de grands et de petits barrages et de lacs collinaires, et pour les eaux souterraines de forages profonds et de puits de surface. En outre, d'énormes investissements ont été consentis pour une meilleure réaffectation des ressources en eau entre les régions et les secteurs d'utilisation. On peut citer dans ce sens les infrastructures importantes de transfert des eaux depuis les régions du Nord bien pourvues en eau vers les régions du Sud accusant un déficit aussi bien sur le plan qualitatif que quantitatif; le recours à des ouvrages d'interconnexion entre barrages; la régulation inter-annuelle et saisonnière par les grandes retenues pour atténuer les effets de la sècheresse et des inondations; et plus récemment les programmes de recharge artificielle des nappes phréatiques, de réutilisation des eaux usées traitées pour l'agriculture et de dessalement des eaux de mer pour la consommation humaine de quelques villes côtières du Sud du pays.
La Sonede et l'Onas résistent malgré tout
Pour ce qui est de l'eau potable et de l'assainissement, le taux de desserte en eau domestique frôle 100% en milieu urbain et 90% en milieu rural. Le taux de traitement des eaux usées dépasse 95%, mais si le taux de branchement au réseau d'assainissement public avoisine 90% dans les zones urbaines, ce réseau reste essentiellement de type traditionnel (fosses septiques, etc.) en milieu rural. Sur le plan institutionnel, alors que le recours au secteur privé pour l'alimentation en eau potable et l'assainissement est de plus en plus difficile à éviter à travers le monde en développement, la question ne s'est jamais posée jusque-là pour la Sonede et l'Onas. En effet, selon les critères d'évaluation techniques, opérationnels et financiers admis internationalement dans le secteur de l'eau, ces deux institutions restent dans l'ensemble des entreprises publiques performantes, contrairement à celles d'un nombre croissant de pays où de telles institutions sont tombées en faillite. C'est le cas, par exemple, dans notre région de l'Algérie où la gestion de l'eau potable et/ou de l'assainissement a été concédée au secteur privé pour les grandes villes d'Alger, d'Oran, d'Annaba et de Constantine. Il en est de même du Maroc pour les villes de Casablanca, Rabat, Salé, Tanger et Tétouan, ou de la Jordanie notamment pour Amman.
Pour ce qui est de l'irrigation, la Tunisie est parvenue déjà à aménager de façon intensive ou semi-intensive la quasi-totalité des terres potentiellement irrigables du pays. Bien que n'occupant que 420.000 hectares ou 8% seulement de la surface totale cultivable du pays, l'agriculture irriguée participe à plus du tiers de la production agricole, occupe plus du quart de la main d'ouvre agricole et contribue à plus du cinquième des exportations de ce secteur. En outre, pour pallier la rareté physique des ressources en eau, un vaste «programme national d'économie d'eau» a été mis en œuvre et a déjà résulté à l'équipement d'environ 3⁄4 des terres irriguées du pays en matériel d'irrigation moderne (aspersion, goutte-à-goutte, etc.)
Ces progrès ont été possibles grâce à l'adoption par la Tunisie, depuis les années 1970, d'une démarche globale et cohérente pour le développement du secteur, le but recherché étant de parvenir à maintenir en permanence le difficile équilibre entre, d'une part des ressources en eau de plus en plus limitées quantitativement et qualitativement, et, d'autre part des demandes en eau de plus en plus importantes, résultat de la croissance démographique, de l'amélioration du niveau de vie général de la population et du développement industriel et touristique du pays. La particularité de cette démarche est qu'elle repose principalement sur trois piliers stratégiques essentiels: un cadre législatif et réglementaire approprié (commençant par le Code des eaux de 1975); une planification à long terme (démarrant par les plans directeurs régionaux des eaux du Nord, du Centre et du Sud des années 70) ; et une stratégie d'intervention bien adaptée à l'état d'évolution économique et sociale générale du pays lors de la période considérée.
Politique de «gestion de la demande»
Cette démarche stratégique a été suivie de façon systématique jusqu'à l'aube des années 2000, mais depuis lors, les choses ont commencé à stagner, les pouvoirs publics ne montrant plus aucune volonté politique de s'attaquer aux vrais problèmes du secteur, et c'est là que résident les problèmes de fond. Tant qu'il s'agissait de suivre une politique générale sectorielle basée sur le «développement de l'offre» par la construction de nouvelles infrastructures de mobilisation, de stockage, d'amenée et de distribution, tout allait bien. Mais quand l'essentiel des ressources en eau du pays ont été développées et que le pays a décidé de changer de cap et d'opter pour une politique de «gestion de la demande» afin d'économiser, valoriser et optimiser l'utilisation des ressources en eau déjà mobilisées, c'est là que les problèmes ont commencé à surgir.
C'est dans le cadre de cette logique que la Tunisie a adopté il y a plus de dix ans une nouvelle politique des eaux, passant d'une stratégie axée sur la mobilisation des ressources en eau à une nouvelle stratégie mettant l'accent sur la maîtrise des ressources mobilisées et une meilleure gestion de la demande en eau. Modèle en soi pour les pays de la région, cette nouvelle politique sectorielle était fondée sur les résultats et recommandations d'une grande «Etude du secteur de l'eau», d'une nouvelle planification de l'offre et de la demande en eau à l'horizon 2030, et d'une nouvelle stratégie d'intervention appuyée par un programme décennal (2002-2011) d'appui au secteur de l'eau. Ce programme décennal était organisé autour d'une gestion plus intégrée des eaux entre les différents secteurs d'utilisation ; d'une plus grande conservation des ressources en eau; d'une plus grande économie dans l'utilisation de l'eau surtout en agriculture qui consomme à elle seule les 4/5 des ressources en eau utilisables du pays; et enfin d'un renforcement des institutions de l'Etat et de presque 3.000 associations d'usagers d'eau potable et agricole (appelées groupements de développement agricole ou GDA) impliquées dans la gestion des infrastructures et des ressources en eau du pays.
Malheureusement, plus de dix ans après, on ne peut que constater que les progrès réalisés ont bien davantage concerné la partie investissements en infrastructures [ou «hardware»] destinés à augmenter l'offre en eau que celle liée aux questions de gestion des ressources en eau et des infrastructures existantes. C'est ainsi que les investissements prévus dans le cadre des dixième (2002-2006) et onzième (2007-2011) plans quinquennaux de développement économique et social ont été en grande partie réalisés pour tout ce qui concerne la construction, la réhabilitation ou la modernisation des ouvrages de retenue et d'amenée des eaux, la réhabilitation, l'extension ou la construction de nouveaux périmètres irrigués, de réseaux d'adduction en eau potable et d'assainissement et de systèmes de réutilisation des eaux usées traitées, et le creusement de plus de forages de reconnaissance et d'exploitation des eaux souterraines et de puits. Par contre, très peu de progrès ont été réalisés pour tout ce qui touche à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de «gestion de la demande» [ou «software»] essentielle à l'utilisation durable des ressources en eau et une meilleure défense contre les pénuries.
Révision du Code des eaux de 1975
Parmi les problèmes observés, ont peut citer un certain nombre de manquements graves. La gestion intégrée des ressources en eaux au niveau sous-régional et local, tant étudiée, est quasi-inexistante. La gestion des réseaux d'irrigation par les services des Crda (commissariats régionaux de développement agricole) continue à souffrir d'un important manque de moyens humains, matériels et financiers et de problèmes de gouvernance dans leur fonctionnement et dans leur rapport avec les usagers. La réforme de la gestion participative des réseaux et la consolidation, l'assainissement ou la restructuration des associations des usagers d'eau (GDA) en difficulté et trop longtemps politisées a à peine été entamée. Le système de tarification des eaux et de recouvrement des coûts d'exploitation, de maintenance et de renouvellement des équipements d'irrigation est en partie bloqué et ce essentiellement en raison d'un endettement croissant des usagers agricoles. Le projet de révision du Code des eaux de 1975 longtemps programmé n'a pas encore dépassé le stade d'ébauche. L'étude «Eaux 2050» qui se voulait être une actualisation de la précédente, réalisée en 1999 pour la planification des eaux à l'horizon 2030, n'a pas encore démarré après trois années de discussions sur sa portée, son contenu et ses termes de référence possibles. Le système national d'information sur l'eau (désigné par Sineau), un outil innovant pour le suivi des ressources en eau et de leur utilisation et pour l'aide à la prise de décision, n'a pas encore été lancé après de longues années de gestation.
Malheureusement, la situation n'a fait qu'empirer depuis la Révolution. La surconsommation, le gaspillage, les vols, les actes de vandalisme, les prélèvements anarchiques y compris le perçage illicite des conduites d'eau potable à des fins d'irrigation se développent et ce sous les yeux d'une administration affaiblie dans son autorité et des collectivités locales et d'associations d'irrigants largement inopérantes. Le creusement de forages et de puits clandestins sans l'autorisation des services de la Direction générale des ressources en eau et l'exploitation anarchique des eaux des nappes déjà surexploitées se multiplient surtout dans le Sud du pays et commencent à produire des effets pervers.
Toutes les études sérieuses effectuées depuis la fin des années 1990 dans le secteur ont déjà établi que l'exploitation des ressources en eau conventionnelles était sur le point d'atteindre ses limites et que la demande risquait de dépasser l'offre en eau dans un proche avenir. Cet avenir est malheureusement déjà là, du moins pour certaines régions du Centre et du Sud du pays. On savait que la Tunisie allait être confrontée à des pénuries en eau de plus en plus aigües et de plus en plus récurrentes, mais les hautes autorités du pays n'ont pas eu le courage politique de mettre en œuvre la stratégie préconisée pour prévenir ou au moins atténuer de telles pénuries.
En outre, un certain nombre d'études nationales et internationales récentes très sérieuses montrent que sous l'effet du changement climatique, les précipitations vont baisser en moyenne en Tunisie d'environ 10% au Nord à 30% au Sud, avec une plus grande variabilité des événements pluvieux. Des températures plus élevées de 1.6 à 2.7 °C selon les régions du pays provoqueront une augmentation de la demande en eau, surtout en agriculture. Ces phénomènes généreront une baisse des ressources en eaux souterraines estimée à 28 % et une réduction considérable des eaux de surface. De plus, l'augmentation de l'irrégularité dans les précipitations provoquera des sécheresses et des inondations plus fréquentes et plus intenses, et rendra plus difficile la récupération des eaux de pluies. Les agriculteurs devront compter de plus en plus sur les eaux souterraines, accentuant dangereusement ainsi la pression sur des nappes aquifères qui sont déjà surexploitées et pour beaucoup d'entre-elles menacées. Le changement climatique qui va toucher la Tunisie de plein fouet impose donc qu'on accorde de façon urgente une attention supplémentaire à des mesures d'adaptation aux effets du changement climatique. Dans le secteur de l'eau, les actions préconisées dans la stratégie de «gestion de la demande» constituent l'essentiel de ces mesures d'adaptation.
Investissements prioritaires
Les régions et zones de notre pays souffrant encore d'une pénurie chronique ou récurrente en eau potable (comme par exemple dans les gouvernorats de Gafsa et Sfax) ont bien-sûr besoin d'interventions urgentes et d'investissements prioritaires dans de nouveaux ouvrages et équipements de mobilisation, d'adduction et de distribution d'eau. Mais c'est la mise en œuvre de la stratégie nationale de gestion intégrée des ressources en eau basée sur des investissements et interventions ciblant en priorité le domaine de la maîtrise de la demande et l'amélioration des processus de gestion de l'eau qui est indispensable si l'on veut aider à résoudre les problèmes de pénurie d'eau. C'est là que se trouvent les besoins les plus urgents du pays. Ce n'est malheureusement pas le message envoyé par les autorités actuelles du pays lors du récent forum avec les partenaires techniques et financiers de la Tunisie. Lors de cette rencontre, les autorités ont recherché des financements de plusieurs centaines de millions d'euros d'aide extérieure pour la réalisation de très grands projets d'infrastructure : construction de trois nouveaux grands barrages (Mellègue 2, Tessa et Khalled), de nouvelles infrastructures de régulation des crues dans le bassin de la Medjerda et de transfert des eaux usées traitées du Grand-Tunis.
La Tunisie se doit d'utiliser les ressources hydrauliques actuelles aussi efficacement que possible et de diversifier ses activités pour augmenter l'exploitation des ressources en eau non-conventionnelles (eaux usées traitées, etc.). Elle se doit de mettre en œuvre, tout en l'actualisant et en l'affinant, la stratégie de «la gestion de la demande», complétée bien entendu par des investissements bien sélectionnés, ciblés, et justifiés socialement et économiquement, en vue d'augmenter l'offre dans les régions les plus touchées par la pénurie en eau potable.
En outre, dans l'état actuel des finances générales limitées et des nouvelles priorités de développement de la Tunisie post-révolutionnaire, il est important de ré-orienter les investissements réservés au secteur de l'eau pour rattraper le retard longtemps enregistré dans la mise en œuvre de cette nouvelle stratégie. Pour ce qui est des investissements visant l'augmentation de l'offre en eau, il est important de les réserver strictement en priorité aux régions et zones souffrant le plus du manque d'eau potable et à la réalisation des infrastructures et ouvrages déjà planifiés pour rehausser ou recalibrer les ouvrages existants ayant souffert d'envasement et d'autres dommages comme c'est le cas de certains barrages, ouvrages d'amenée ou lits de fleuves.
La crise de l'eau actuelle nous interpelle tous. Notre pays a jusqu'au début des années 2000 été exemplaire dans la façon dont il a conçu et mis en œuvre des réformes aussi complexes qu'ambitieuses dans le secteur de l'eau. Il a depuis adopté une nouvelle stratégie sectorielle qu'il a trop tardé à mettre en œuvre. Le temps est venu de rattraper le retard et notre pays a les capacités humaines, techniques et institutionnelles de réussir ce nouveau défi. Ce qui a manqué surtout, c'est la volonté politique d'un régime corrompu en fin de règne, devenu incapable de mobiliser les forces vives du pays pour attaquer les problèmes de fond dont ceux du secteur de l'eau. Il faut espérer que les nouveaux dirigeants auront la volonté politique de s'attaquer aux vrais problèmes du secteur, sans céder au populisme ni à la tentation de satisfaire exclusivement les besoins à court terme, mais qu'elles sauront se montrer à la fois réalistes et visionnaires, mettant en œuvre une politique axée sur le long terme tout en répondant aux besoins immédiats des populations affectées par la crise.
*(Ingénieur Général, Ex-responsable des Secteurs de l'Agriculture et de l'Eau pour la Région Afrique du Nord et Moyen-Orient à la Banque mondiale)


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