Le projet du gouvernement portant création de l'instance indépendante des élections a été transmis vendredi dernier à l'ANC. On avait pensé un moment que le projet dit Ugtt-avocats-Ltdh fusionnerait avec celui du gouvernement. M. Lotfi Zitoun, ministre conseiller auprès du Premier ministre, s'y était déclaré favorable dans une déclaration à La Presse. Mais au final, il n'en a rien été. Visiblement, les négociations n'avaient pas abouti. La société civile, à travers l'association Atide, a également élaboré un autre projet. Les inquiétudes de la société civile et d'une partie de la classe politique portent sur la crédibilité des prochaines opérations électorales, et donc sur l'indépendance réelle de l'instance, sur la transparence des opérations et sur la possibilité d'organiser le vote dans des délais raisonnables. Combien de projets seront discutés à l'ANC ? Pour l'heure, un seul, celui du gouvernement. L'Ugtt n'ayant pas la capacité juridique de présenter directement à l'ANC le sien. Toutefois, des constituants pourraient l'adopter, le présenter et le soumettre aux débats. Il faut savoir cependant que la société civile avait élaboré non pas un seul mais deux projets : -Le projet dit Ugtt-avocats-Ltdh et auquel ont contribué les plus grands experts tunisiens comme Yadh Ben Achour et Ghazi Ghraïri -Le projet de l'association Atide. Points de désaccord Les divergences entre les trois projets se résument essentiellement à la composition des membres de l'instance et à la désignation de son président. C'est-à-dire l'indépendance réelle de l'instance. Le projet du gouvernement inquiète notamment pour son article 5 relatif à la composition de l'instance justement. Le projet du gouvernement, détaille M.Zitoun, stipule la nomination du président de l'instance suite à un choix consensuel fait par les trois présidents de la Troïka. C'est un point de convergence avec le projet de l'Ugtt, a-t-il pris soin de faire remarquer. C'est effectivement sur le choix des membres que les discussions gouvernement-Ugtt ont buté. Sur ce point, le projet du gouvernement ouvre la voie à des personnalités nationales, selon des critères définis. Une commission relevant de l'Anc composée des présidents des groupes parlementaires et présidée par Mustapha Ben Jaafar, établirait une liste de 16 noms. Le double du nombre requis. Sachant que l'instance serait composée de 8 membres hormis le président. Cette liste des 16 candidats serait soumise au vote des constituants qui en éliraient 8. Le président de l'instance nommé par les trois présidents sera lui-même soumis au vote de validation à l'ANC. Afin de le pourvoir d'une double légitimité ; des trois présidents et celle de l'Assemblée, précise encore le ministre conseiller. La pomme de discorde : le choix des membres Ainsi, le point de désaccord avec le projet de l'Ugtt réside dans la composition de l'instance. La Centrale syndicale avait opté pour un choix des membres selon un quota professionnel et associatif. Des magistrats, des avocats, des universitaires et des personnalités de la société civile seraient appelés à composer l'instance. Proposition rejetée. Le gouvernement, précise encore M.Zitoun, a écarté le système de quota politique mais également de quota associatif et professionnel. Un débat national est indispensable Expert ayant contribué à élaborer le projet de l'Ugtt et pris part aux discussions avec les experts du gouvernement, Farhat Horchani nous précise les raisons de l'échec des discussions entre les deux parties. L'Ugtt défend l'option d'impliquer à la faveur d'un système de quota corporatiste des avocats, des magistrats et des personnalités de la société civile, qui pourraient être désignés par le Président. Ce projet, selon des experts, souhaitait garantir une continuité entre l'ancienne isie et la nouvelle. Option qui n'a pas reçu l'aval du gouvernement. La question des élections n'est pas seulement l'affaire du gouvernement ou de l'Ugtt mais l'affaire de tout le monde. C'est une affaire grave, et il faut qu'il y ait un débat national, précise M. Horchani, qui est aussi professeur de droit. Selon lui, pour que les élections soient libres et démocratiques, il ne faut pas qu'il y ait le moindre doute sur cette instance, conclut-il. L'Atide relève des défaillances dans les deux projets Une conférence de presse est prévue aujourd'hui, organisée par les comités exécutifs de l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (Atide) et une coalition de réseaux et d'associations. Soraya Fersi, membre du bureau central, déclare à La Presse que Atide a été la première à avoir présenté à l'ANC un projet organisant l'instance des élections, non finalisé toutefois sous une forme juridique, et ce, dès le 29 mai 2012. Depuis, le gouvernement avait commencé à élaborer le sien et l'Ugtt avec les experts et la Ligue des droits de l'homme ont de leur côté préparé le leur. Mme Farsi se désole de cette «opposition ridicul» entre les associations anciennes qui se veulent détentrices d'une légitimité historique et les associations nouvelles. «Oui, nous sommes une association créée après les élections, mais nous avons été observateurs des élections, s'il y a quelqu'un qui s'y connait dans tout ce qu'il faut éviter, c'est bien nous», lance-t-elle. A l'heure actuelle, Atide et le réseau auquel elle est associée relève des défaillances y compris dans le projet de l'ugtt. Et c'est essentiellement la nomination du président qui pose problème. Selon la militante, la meilleure option pour garantir le maximum d'indépendance à l'instance, c'est de procéder d'abord à l'élection des membres qui eux-mêmes éliront le président. Or le projet de l'Ugtt, regrette-t-elle, stipule une nomination du président de «cette nouvelle Isie», qui sera une personnalité nationale. C'est la porte ouverte aux dépassements, accuse-t-elle. Ce que personne ne souhaite pour notre pays !