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L'accès à l'eau potable en zone rurale : une revendication à prendre en compte
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 08 - 2012


Par Zoubeida Bargaoui*
Pour la dernière session de son émission «Bissyassa», la chaîne Nessma TV a organisé un débat très intéressant qui portait sur l'agriculture. Evidemment, la question de l'eau, centrale pour l'agriculture, y a été programmée et M. Ameur Horchani, qui a dirigé le secrétariat d'Etat à l'Hydraulique du ministère de l'Agriculture pendant des décennies, était l'un des invités de l'émission. Maintenant à la retraite, il a été présenté simplement comme un expert de l'eau. Effectivement, ingénieur hydraulicien de formation, A. Horchani a été l'un des concepteurs et un acteur principal de la politique de l'eau depuis le début des années 1980. Au cours de l'émission, il a défendu le secteur de l'agriculture irriguée, au développement duquel son département a fortement contribué (secteur pour lequel est allouée 80% de la demande en eau, ce qui représente un taux moyen sur la planète et qui produit 20% de produits agricoles en Tunisie). A. Horchani a présenté le choix politique de l'appui à l'irrigation comme un moyen de lutte contre la pauvreté et a rappelé que les systèmes d'approvisionnement des périmètres irrigués publics étaient mis en place à la charge de l'administration (c'est-à-dire de la communauté nationale) et que les irrigants n'avaient que des coûts liés à la consommation en eau et à l'entretien des équipements. Face à sa logique d'homme d'Etat, il y avait une autre logique, celle d'un représentant de la société civile qui parlait au nom de l'Utap, M. Amor Béhi, qui s'est placé dans un concept d'éthique. Profitant de voir le débat bifurquer sur la question de l'eau potable alors qu'il était initialement destiné aux problèmes agricoles, A. Behi a rebondi sur une question cruciale : Pourquoi les communautés rurales locales du Nord-Ouest n'ont pas accès à l'eau potable ? Une question d'éthique puisqu'à l'origine de son interrogation, il y avait ce sentiment qu'il pouvait tout à fait comprendre, surtout comme représentant du gouvernorat de Béja: la frustration d'une personne riveraine du barrage Sidi El Barrak, un grand barrage situé sur le littoral de Nefza, qui regarde ces millions de m3 d'eau stockés en face d'elle et qui n'a pas accès à l'eau potable ! Voilà l'une des grandes injustices de ce début de 21e siècle en Tunisie. Pourquoi notre système d'eau, romain, californien de par la complexité de son réseau de mobilisation et de transfert des eaux, — ce ne sont pas les qualificatifs qui manquent, — ne subvient-il principalement qu'aux besoins du littoral ? Voici un des problèmes centraux qui ont été à l'origine de la révolution, le déséquilibre régional (façade maritime / régions intérieures) qui se prolonge jusque dans la question de l'eau.
L'Assemblée générale de l'ONU avait adopté le 28 juillet 2010 une résolution déclarant le droit à une eau potable, salubre et propre en tant que « droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l'Homme ». On n'a pas l'habitude de parler de la Tunisie dans les médias internationaux sur cette question de l'accès à l'eau potable car sa situation en Afrique est plutôt enviable. Il n'en reste pas moins que les Tunisiens aspirent à l'universalité et se comparent à leurs voisins du sud de l'Europe. Le taux d'assainissement en zone rurale est extrêmement faible (4%) et cela constitue une source de préoccupation, aussi bien pour ses impacts sanitaires qu'environnementaux.
On parle en Tunisie d'un pourcentage de 93% de Tunisiens ayant accès à l'eau potable mais il faut évaluer cet indicateur avec circonspection. On en a pour preuve les innombrables manifestations de colère de citoyens qui demandent chaque jour l'accès à l'eau pour un usage domestique dans des agglomérations rurales. Comme l'a souligné le représentant de l'Utap, les coûts d'accès à l'eau potable des populations vivant en habitat dispersé, même s'ils peuvent sembler excessifs ne peuvent justifier l'absence d'accès équitable à l'eau. En d'autres termes, il faut mettre en œuvre une politique qui puisse permettre de trouver les moyens d'assurer ce service d'eau potable domestique pour les régions rurales, ni plus ni moins que ce qui a été reconnu à l'ONU par 122 pays en 2010. Il ne s'agit pas uniquement de technique et de moyens financiers mais également de mesures tarifaires, incitatives et organisationnelles adéquates qui permettraient d'assurer l'accès à l'eau potable et d'enterrer la corvée d'eau pour les femmes, les vieillards et les enfants. Comme le mentionne Henri Smets, un expert de l'Académie de l'eau qui a longtemps travaillé sur l'accès à l'eau potable des populations pauvres en France «l'enjeu est la prise en compte éventuelle de facteurs socioéconomiques liés à l'usager dans la tarification d'un bien essentiel». Un débat national s'impose donc sur la question de l'accès à l'eau potable, bien essentiel, à l'intention des populations rurales.
Le pourcentage de 93% est trompeur parce qu'il ne se réfère qu'au côté technique du problème: l'existence d'une source d'eau qui alimente ces populations à une distance raisonnable (selon l'OMS, on parle d'accès à l'eau raisonnable lorsque la source d'eau se situe à moins d'une marche de 15 minutes). Mais c'est plutôt la question de la qualité du service qui est remise en cause par les usagers en zone rurale. Lorsque la gestion se fait de façon autonome par les populations locales à travers des associations dites groupements de développement agricoles en utilisant un pompage dans une nappe par exemple, la garantie de la fourniture d'eau est tributaire du paiement de la facture d'électricité à la Steg. Si une association n'arrive pas à collecter le montant total de la facture auprès des populations desservies, l'électricité peut être coupée et le service d'eau interrompu. Or, il y a une forte résistance des usagers au paiement de la facture d'eau. Lorsque l'eau est fournie à travers une fontaine publique, ils dénoncent son coût excessif comparativement à leurs revenus (5 dinars par mois, ce qui me paraît effectivement excessif comparativement aux montants de factures payées en ville) et l'inégalité tarifaire puisque des personnes non membres de l'association peuvent avoir accès à l'eau sans aucun paiement (exemple les gens de passage). Même lorsqu'ils ont l'eau directement à domicile, les usagers se plaignent des prix excessifs pratiqués (à partir de 500 millimes par m3, on a même vu des factures mentionnant 740 millimes par m3 alors que la Sonede applique un tarif de 145 millimes le m3 en zone urbaine pour les 20 premiers m3 trimestriels). On doit ici noter que la consommation d'eau des ménages hors des grandes villes ne dépasse pas 40 à 60 l/ habitant par jour, ce qui n'est pas excessif. Ils dénoncent aussi des interruptions fréquentes et souvent la qualité médiocre de l'eau surtout à la remise en service après les coupures. Lorsqu'on sait qu'environ la moitié de la population qui a accès à l'eau potable en zone rurale se trouve dans cette situation, on comprend l'ampleur du problème. D'après les reportages effectués par les médias, la revendication principale de ces usagers est de devenir abonnés de la Sonede, pour accéder à la garantie de la qualité de service (pour laquelle la Sonede est réputée). Pour leur part, les usagers des localités rurales qui bénéficient du service de la Sonede ont surtout pour motif d'insatisfaction le prix jugé excessif (245 millimes par m3). Il faut ainsi trouver des solutions à la tarification, qui prendraient en compte la faiblesse et la précarité des revenus en zones rurales. Comme le remarque Henri Smets, « pendant longtemps, on a voulu ignorer qui était derrière le compteur au nom de l'égalité des conditions d'accès à un service public ». Aujourd'hui, il faut justement se préoccuper de « qui est derrière le compteur » et surtout se demander s'il peut raisonnablement payer sa facture. En Tunisie, dans le déséquilibre bande littorale- arrière-pays, on n'a pas ignoré qui était derrière le robinet puisqu'une priorité absolue a été donnée aux citadins alors que le code des eaux recommande la priorité à l'eau potable lorsqu'une utilisation conflictuelle de l'eau se présente. En intégrant les principes de solidarité nationale, il faudrait aujourd'hui reprendre le problème en profondeur en reconnaissant le droit d'accès à l'eau, comme un bien essentiel avec un minimum qui puisse être fourni à un prix raisonnable (l'OMS adopte un minimum de 20 litres par habitant par jour) et une aide sociale pour les plus démunis concernant leur faculté de payer (ce qu'a choisi d'appliquer la France).
Saint-Exupéry a écrit dans son roman Terre des Hommes : «l'homme se croit libre, il ne voit pas la corde qui le rattache au puits». La corde qui nous relie au puits est plus complexe qu'il n' y paraît puisque pas de distribution d'eau sans pompage et pas de pompage sans apport énergétique. Depuis le 9 juillet et les coupures d'eau intervenues notamment au Sahel, la Sonede a maintes fois expliqué surtout à travers les interviews données par son directeur central d'exploitation, M. Abdelhamid Moussa, que des coupures de courant électrique ont été à l'origine des coupures d'eau. Après avoir fait le constat que «le monde rural demande maintenant de l'eau (potable)», A. Horchani a parlé de «leçon» apprise grâce à cette expérience malheureuse : le risque lié à l'approvisionnement énergétique est à considérer avec attention pour l'approvisionnement et la distribution d'eau. On peut même se demander si le risque climatique est traité avec l'attention requise puisqu'à l'origine du problème, il y avait une vague de chaleur estivale de durée exceptionnelle.
*(Ecole nationale d'ingénieurs de Tunis)


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