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Statut de la femme : la régression ne passera pas
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 08 - 2012


Par Sihem BENSEDRINE
«J'ai voté pour le parti Ennahdha afin qu'il nous débarrasse de ces «salopes» en les cloîtrant dans leurs maisons ; qu'il leur retire leurs permis de conduire ainsi que les licences de taxis qu'on leur a accordées et qui nous reviendront d'office; ainsi nous pourrons circuler en toute liberté dans une ville nettoyée et il n'y aura plus d'accidents de la route. Mais ils n'en ont rien fait et elles continuent de nous polluer l'atmosphère. Je suis très déçu». Ainsi s'exprimait récemment un digne représentant de la Fédération des taxis.
Si personne n'a vu dans le programme électoral d'Ennahdha de telles promesses, il faudrait rechercher l'origine de ce fantasme d'un espace public «nettoyé» de l'espèce féminine, dans le fonds commun patriarcal qui a traversé les âges et la géographie. Tous les courants conservateurs y puisent sans modération.
La question qui se pose, c'est pourquoi ce courant s'exprime avec une telle arrogance et une telle ostentation aujourd'hui?
Tout d'abord, la liberté d'expression conquise grâce à la révolution ne profite pas qu'aux forces de progrès, les courants archaïques en profitent tout autant. Et la période de transition vers la démocratie est également une épreuve de vérité où l'on peut mesurer l'ampleur des dégâts générés par une dictature qui bloque tout processus d'appropriation des principes de liberté et de dignité pour tous les êtres humains formant la société.
Le féminisme d'Etat pratiqué durant deux décennies et affiché comme un faire-valoir démocratique, comblant un déficit d'un pouvoir politique en mal de légitimité, avait en réalité pour corollaire un sexisme anti-femme pratiqué à une large échelle dans les différentes sphères de la vie publique et distillé régulièrement dans les journaux de caniveaux contrôlés par les officines du ministère de l'Intérieur où l'on retrouve les fondamentaux de l'antiféminisme sans grande créativité; on peut en citer «toutes les femmes sont des putes sauf ma mère par respect»; «les femmes sont responsables de leur viol, du chômage des hommes, de la dissolution des mœurs »; elles sont surtout responsables de «la disqualification du pouvoir des hommes dans la famille» et surtout du pouvoir du père; qui n'a pas entendu cette anecdote inventée de toutes pièces et racontée à souhait, par les taxi drivers, selon laquelle un père de famille est convoqué par la police pour répondre d'une gifle donnée à sa fille rentrant tard après une soirée de dévergondage et qui se voit infliger par les policiers une sentence consistant à recevoir une gifle de sa fille en public ?
Le syndrome de Leïla
Cette anecdote est souvent le pont emprunté pour critiquer l'ascendant pris par Leïla sur Ben Ali et justifier les dérives de la dictature qui se limite au pouvoir excessif pris par les femmes en Tunisie dû à «trop de liberté» qui leur a été accordée par le régime.
Leila est alors l'archétype du «mal féminin» y compris après la révolution et Ben Ali aurait été un bon père de famille pour les Tunisiens sans l'influence maléfique de cette femme avide de pouvoir et sans foi ni loi. Sa responsabilité dans la mauvaise gouvernance du pays n'est à aucun moment mise en cause et l'on se prend à évoquer le Maalem avec nostalgie !
De là, le pas est allègrement franchi pour faire de toutes les femmes tunisiennes des Leila accomplies ou potentielles. A moins qu'elles ne consentent à évacuer l'espace public et à devenir de bonnes mères au foyer, partisanes de leur propre enfermement. L'antiféminisme prend alors les couleurs de d'opposition au symbole le plus hideux de l'ancien régime, participant hautement du principe de la révolution. L'opposition à l'ancienne dictature est «un fait masculin», l'amnésie comblant la difficulté d'intégrer le fait que des figures féminines ont été aussi des symboles de la lutte contre la dictature.
L'antiféminisme au féminin
Le paradoxe est que ce sont les femmes qui sont parfois les plus virulentes avocates de l'infériorisation de la femme. La scène de l'hémicycle du Bardo est le théâtre où se joue cette pièce éculée de la femme responsable des maux de la société ; la longueur de sa jupe, sa coiffe et son statut de «complément» au sein de la famille, sont les leviers qui vont permettre de résoudre tous les problèmes de développement économique, de réformes institutionnelles et de maîtrise des questions de sécurité publique !
Mieux encore, il semblerait que nous ayons un problème pour marier nos filles, dû au déséquilibre de la population hommes/femmes — alors que les statistiques disent le contraire. Selon l'INS la parité est à 50%, alors que le célibat chez les femmes (36%) est inférieur au célibat chez les hommes (45%) — c'est la raison pour laquelle certaines de nos éminentes constituatnes ont accepté de se sacrifier pour être les premières à intégrer dans leur vie la polygamie et ainsi, on aurait la justification politique d'une remise en cause d'un des principaux acquis du CSP, à savoir l'abolition de la polygamie ! En attendant, personne n'a pensé à les poursuivre en justice pour incitation à violer la loi !
Pour d'autres groupes, la voie de cette pratique est toute tracée; le mariage coutumier fournit la solution pour outrepasser les contraintes légales, sachant que les pouvoirs publics sont davantage concentrés sur la chasse à ceux qui boivent une bière ou s'habillent légèrement qu'à dissuader ceux qui contreviennent à la loi en pratiquant la polygamie.
Dernièrement à la Cité El Khadhra à Tunis, un tel mariage était planifié entre un imam salafiste et une jeune fille que le père a failli marier sur la base d'un «contrat» écrit sur une page d'un cahier d'écolier par les mains du prétendant, n'eût été le scandale fait la veille de la cérémonie du mariage par sa première épouse qui a ramené ses 5 enfants au domicile de la future mariée en racontant que «l'Imam» en question est un repris de justice notoire promu «guide» des brebis perdues du Bon Dieu, qui «négligeait sa famille et passait ses soirées à se droguer en regardant sur les chaînes italiennes des films pornos» selon son épouse qui se plaignait d'être obligée de pourvoir seule aux besoins du ménage.
Complémentaire dites-vous ?
«L'Etat assure la protection des droits de la femme et de ses acquis, sous le principe de complémentarité avec l'homme au sein de la famille et en tant qu'associée à l'homme dans le développement de la patrie». C'est l'intitulé de l'article 27 du projet élaboré par la commission des libertés de l'ANC relatif au statut de la femme dans la société qui a provoqué un tollé. De deux choses l'une, soit ses rédacteurs (sous la direction de Mme Farida Laâbidi du groupe Ennahdha) n'ont pas pris la mesure des conséquences juridiques d'une telle formulation, soit ils cherchent délibérément à inscrire dans notre future constitution une discrimination à l'encontre des femmes, contrevenant à toutes les conventions internationales que la Tunisie a ratifiées. Devrait-on en conclure que les promesses données par les leaders d'Ennahdha lors de leur campagne électorale de ne pas revenir sur les acquis du CSP n'engagent que ceux qui leur ont prêté foi ?
Le principe de dépendance qu'implique le mot «complément» est en opposition totale avec le principe d'égalité qui suppose l'autonomie juridique de l'entité en question. Ce nouveau statut d'être dépendant (et pas seulement dans la sphère privée, mais également dans la sphère publique) qu'on veut imposer à la femme, 56 ans après avoir conquis sa liberté et sa dignité de personne à part entière, jouissant de droits égaux devant la loi, ne se justifie ni par la morale, ni par sa place dans l'économie, ni par sa place dans la société ou l'espace public.
Outre le fait que les femmes assurent une double journée de travail, elles sont, dans les familles des zones suburbaines les plus touchées par le chômage, la principale source de revenus des ménages. Ce sont, presque exclusivement, elles qui assurent la cohésion des ménages touchés par la précarité et la délinquance ; ce sont encore elles qui assurent la sécurité et la stabilité de la famille.
S'il s'agit de pointer la supériorité physique des hommes dans le partage des tâches au foyer, on a rarement vu lors des reportages effectués dernièrement sur les zones rurales privées d'eau, un homme porter sur son dos frêle de lourds bidons d'eau, ou assurer la cueillette des olives ou des cultures maraichères 12 heures par jour !
S'il y a lieu d'énoncer un principe de supériorité, alors ce serait à la femme qu'il faudrait l'attribuer dans certains cas, mais ce n'est pas notre conviction.
Les femmes tunisiennes participent activement à la dynamique économique du pays et à la prise en charge des dépenses liées au foyer et à la gestion du ménage. Leur contribution est vitale à l'économie et à la société, elle est loin d'être accessoire. Elle sont tout aussi actives dans les sphères associatives, culturelles ou politiques et influencent conséquemment la vie du pays en général dans cette période de transition.
Elles ont arraché de haute lutte leur droit d'être traitées sur un pied d'égalité et que les lois confirment ce principe d'égalité à tous les niveaux.
Cette régression au niveau juridique qu'on tente d'imposer trouvera une large résistance dans le pays, et pas seulement de la part des «intellectuels marginaux de La Marsa». Elle ne passera pas ! La femme est l'égale de l'homme et sa partenaire dans la construction du pays, comme elle l'a été dans la lutte contre la dictature et dans la révolution. Nul n'est en droit de lui contester son statut de citoyenne à part entière.


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