31 artistes exposent leurs œuvres à Dar Sébastien dans le cadre du Festival international de Hammamet à l'occasion de la fête de la Femme, le 13 août dernier. Cette exposition d'art contemporain baptisée «Hadhirate» est une réponse à l'affaire Abdellia où certaines œuvres ont été massacrées et leurs auteures menacées même de mort. Sana Tamzini, commissaire de l'exposition et scénographe, a tenu à exposer à nouveau certaines de ces œuvres récriminées et permettre de rétablir la confiance à leurs artistes. Elles étaient là au vernissage qui a eu lieu le 13 août, ces femmes créatrices qui ont fait preuve de beaucoup de courage et de détermination. Leurs œuvres entre sculptures, peintures, installations, photographies, représentent ce qui se fait de mieux sur la scène de l'art contemporain en Tunisie. «Beauxaristes» ou pas, les exposantes ont tenté de transcender le réel de la société tunisienne post-révolutionnaire. Cela donne des œuvres dynamiques reflétant le changement. Transgressives et provocatrices, elles le sont assurément, d'où leur valeur et leur intérêt. L'exposition réussit à marier entre extérieur et intérieur en tenant compte de l'environnement architectural et végétal de Dar Sébastien. Devant la porte de la maison, un immense œuf pourri en noir et des panneaux de circulation détournés pour de leurs fonctions artistiques : attention, il faut pas toucher à l'art «officiel s'abstenir» nous dit en l'occurrence Faten Rouissi. Une grande toile recouvre le patio. Elle représente une femme au stade de l'accouchement. Un accouchement douloureux compte tenu de la position du personnage tête penchée sur le genou et tenant dans son bras son ventre plein. A droite, deux photographies réalistes très significatives signées Souad Mani reproduisant la femme tunisienne d'aujourd'hui dans sa différence : l'une portant le hijab l'autre pas tenant chacune dans sa main la photo de l'autre. Un jeu de rôle et de regard qui caractérise cette œuvre inédite qui aurait été censurée à une autre époque. Utilisant le jeu de carte et plus précisément la «moujira» (la dame), la série de photos numériques de Mouna Jmal propose ou plutôt oppose une figure féminine vêtue de noir avec hijab et sans hijab. Marianne offre une de ses plus belles photos, une femme grimpant des escaliers à sa rencontre une meute de chauve-souris qui ne sont autre que ces agresseurs salafistes menaçant et l'art et la femme. La photo trouve son inspiration dans le film Les oiseaux d'Alfred Hitchcock. La résistance de la femme créatrice se manifeste dans le tryptique de Lamia Gemara exposé à Al Abdellia représentant chacun un portrait d'un personnage masculin peint en bleu de Prusse. Dans le premier tableau, l'oreille du personnage est cousue, dans le second, la bouche et le troisième qui a été complètement saccagé par l'agresseur et dont il ne reste plus que la signature de l'artiste représente donc le personnage les yeux cousus. Dans un autre tableau, une mariée en robe blanche, le visage recouvert d'une bande noire montre le combat de la femme à toute forme d'agressivité. L'exposition n'a été rendue possible que grâce au soutien du Goethe Institute. Elle durera jusqu'au 31 août et se veut un hommage sans fard à la femme dans toute sa dimension réelle et symbolique ainsi qu'à l'artiste céramiste, graveuse, peintre, sculpteuse ou photographe. L'artiste talentueuse qui illumine la vie et donne vie à l'art. Un art sans fard.